Tahiti Infos

Rétrospective politique de l'année 2023


Tahiti, le 3 janvier 2024 - Que retenir de l'année écoulée ? Tahiti Infos livre une série de rétrospectives thématiques consacrées à l'actualité de l'année 2023 et vous propose aujourd'hui une sélection des événements qui auront marqué la vie politique du fenua.

Les grandes dates

11 février : Nuihau Laurey est désigné tête de liste A Here ia Porinetia pour les élections territoriales
 
15 mars : Le débat Géros-Brotherson est tué dans l'œuf. Après que Brotherson a annoncé sa candidature à la présidence du Pays la télé, Géros présente quand même la sienne et se fait retoquer par le conseil fédéral du Tavini.
 
27 mars : Après avoir été sortie de la liste du Tavini pour les territoriales, Eliane Tevahitua se voit promettre la vice-présidence du Pays par le parti en cas de victoire.
 
16 avril : La vague bleue, l'érosion rouge. Poursuivant sur sa lancée des législatives, le Tavini se hisse en tête du premier tour des territoriales avec plus de 5 000 voix d'avance sur le Tapura. C'est aussi la grande réconciliation entre Gaston Flosse et Edouard Fritch.
 
11 et 12 mai : Election de Géros au perchoir de l'assemblée et élection de Moetai Brotherson à la présidence du Pays.
 
05 juin : Du 5 au 11 juin, premier déplacement parisien du président Brotherson qui revient tout juste de Corée. Il fera ses adieux au Palais Bourbon et rencontrera Emmanuel Macron.
 
20 juillet : Philippe Vigier est nommé ministre délégué aux Outre-mer. Il viendra en Polynésie avec Gérald Darmanin et son homologue aux Sports Amélie Oudéa-Castéra du 16 au 19 août.
 
22 et 23 août : Bilan des 100 jours du gouvernement Brotherson en show télé sur deux jours
 
17 septembre : colloque sur la citoyenneté Maohi mené par le député Tematai Legayic
 
03 octobre : à l'ONU chacun campe sur sa position même si l'Etat revient à la table des discussions
 
26 octobre : La création de la commission sur la décolonisation de Géros prend le pas sur le débat d'orientation budgétaire (ROB) du gouvernement Brotherson
 
30 novembre : 100 jours après les 100 jours : de nombreux voyages présidentiels et des dissensions accrues entre Brotherson et Géros
 

C'était le... 30 avril : Le Tavini gagne les territoriales

Le Tavini remporte les élections territoriales avec 44 des voix, devant le Tapura (38% et A Here ia Porinetai (AHIP) avec 17 %. Le parti d'Oscar Temaru avec Moetai Brotherson comme président du Pays désigné, a réussi à aller chercher une réserve de 21 000 voix supplémentaires par rapport au premier tour. C'est plus qu'il n'en fallait pour battre l'alliance d'Édouard Fritch et Gaston Flosse qui n'en a gagné “que” 18 000…

Déjà détenteur des trois fauteuils de députés polynésiens, le Tavini renverse l'assemblée et s'offre 38 sièges à Tarahoi, contre 16 pour le Tapura et 3 pour A Here ia Porinetia qui a pourtant récolté 25 000 voix. Le parti indépendantiste participe pour beaucoup au large renouvellement de la classe politique dans l'hémicycle avec un nombre d'élus Tavini ayant déjà siégé à Tarahoi par le passé restant très minoritaire, laissant la place aux jeunes. À l'inverse, côté Tapura, c'est l'hémorragie pour les élus et cadres du parti à l'assemblée, mais ce sont les mêmes têtes que l'on revoit à Tarahoi. Avec trois députés pour quatre ans de mandat à Paris et une majorité absolue et large pour les cinq ans à venir à l'assemblée de la Polynésie française, le Tavini s’est doté des leviers politiques majeurs de la Polynésie, après dix ans d'une gouvernance exclusivement autonomiste.  

C'était les 11 et 12 mai : Géros au perchoir, Brotherson à la présidence

Les 57 nouveaux élus de Tarahoi prennent leurs fonctions le 11 mai pour une première séance destinée à l'élection du président de l'assemblée. Antony Géros est le candidat désigné par le Tavini pour ce poste et il sera élu par 41 voix (les 38 du Tavini et les 3 de Ahip). L'élection du président du Pays se tiendra le lendemain, vendredi 12. Sans surprise, Moetai Brotherson est élu grâce aux 38 voix de sa majorité.
 
C'est le 18ème président de la Polynésie française. Il présentera son gouvernement quelques jours plus tard, le 16 mai. Un gouvernement bleu pastel largement ouvert à la société civile puisque six ministres ne sont pas du tout coutumiers de la chose politique. Tevaiti-Ariipaea Pomare (Économie), Taivini Teai (Secteur primaire), Ronny Teriipaia (Éducation), Cédric Mercadal (Santé), Nahema Temarii (Sports) et Jordy Chan (Grand Travaux) sont ainsi tous des novices. Nathalie Salmon Hudry devient quant à elle déléguée interministérielle au handicap. Parmi les plus "aguerris", on retrouve en numéro 2, Eliane Tevahitua qui avait été sortie de la liste du Tavini et promise au poste de vice-présidente, mais aussi Vannina Crolas à la Fonction publique et à l'Emploi, ou encore Chantal Galenon au Logement et à la Solidarité. Dans la foulée, Mereana Reid Arbelot remplacera Moetai Brotherson qui sera quant à lui obligé de lui céder son siège de député à l'Assemblée nationale.

C'était le 29 juin : Le 29-juin de la réconciliation

Il y a eu de nombreux 29-Juin de division où autonomistes et indépendantistes ne se côtoyaient pas, pire, s'invectivaient. Il y a eu des 29-Juin de tartuferies quand Gaston Flosse venait opportunément sur la stèle de Faa'a pour se greffer autour des indépendantistes et tenter de se renouveler politiquement. Et il y aura ce 29-Juin 2023, sous forme de main tendue et de réconciliation entre les familles politiques. 
 
Face au rocher de l'autonomie à Paofai, toute la famille autonomiste s'est retrouvée autour d'Édouard Fritch, Gaston Flosse bien entendu, père de ce statut, mais aussi des différents courants autonomistes qui, encore deux mois auparavant, s'affrontaient sur le terrain des territoriales. Présent aussi, le président du Pays, Moetai Brotherson. Une main tendue d'un camp vers un autre. “Il y a une partie du peuple polynésien qui croit en ce statut et je suis le président de tous les Polynésiens. C'est la raison pour laquelle je suis ici”, déclarait Moetai Brotherson.
 
"Traditionnellement, le 29-Juin, c'était la journée de la division. Les indépendantistes d'un côté, les autonomistes de l'autre. Avec le président Moetai Brotherson, on a décidé de faire chacun un pas vers l'autre pour que cela soit une journée de cohésion pour l'ensemble de la Polynésie”, abondait le haut-commissaire de la République, Éric Spitz, qui participait à son premier 29-Juin es qualité. Quelques heures plus tard, et pour la première fois, il déposera une couronne au nom de l'État sur la stèle de Faa'a où une cérémonie est organisée chaque année par les indépendantistes. 

C'était le 29 août : Yann Jambet nommé à l'OPH

Le 29 août, Moetai Brotherson nommait Yann Jambet à la tête de l'OPH. Mais comme l'avait révélé Tahiti Infos le jour-même, ce dernier avait été condamné à rembourser les six millions de francs qu'il avait détournés à son ex-employeur. La probité prônée par le Tavini en prenait un coup et Oscar Temaru évoquant une "erreur de casting" avait sommé le président du Pays de démissionner Yann Jambet qui finira par remettre sa lettre de démission le 15 septembre.  
 
C'est une affaire qui a fait grand bruit en ce début de mandature de Moetai Brotherson. Le 29 août 2023, le président du Pays nommait Yann Jambet en lieu et place de Moana Blanchard à la tête de l'Office Polynésien de l'Habitat (OPH). Problème, le "poulain" du président avait été condamné par le tribunal civil de première instance pour avoir imité la signature de son ex-employeur et siphonné trois de ses sociétés à hauteur de six millions de francs. Malgré ces révélations de Tahiti Infos Moetai Brotherson avait continué de le défendre bec et ongles jusqu'à ce qu'Oscar Temaru s'en mêle. Pendant que Moetai Brotherson était en déplacement à Paris, le comité de majorité du Tavini se réunissait sur l'invitation d'oscar Temaru et Tony Géros. Résultat, ou Yann Jambet devait démissionner de lui-même ou le président devait le démettre de ses fonctions. C'est finalement la première option qui l'aura emporté, au grand regret du président Brotherson qui a regretté le lynchage médiatique autour de cette affaire, estimant malgré tout que Yann Jambet était "le bon candidat pour ce poste".

C'était le 21 septembre : Première session budgétaire de la nouvelle majorité

Ouverture de la session budgétaire. La première de la majorité Tavini avec les premiers discours du président du Pays, Moetai Brotherson et de celui de l'assemblée Antony Géros. Deux discours radicalement opposés tant sur la forme que sur le fond avec deux visions et deux styles très tranchés concernant l'indépendance.
 
De jour en jour le fossé se creuse entre les Tavini "canal historique" et les nouveaux venus. Et l'ouverture de cette session budgétaire n'a fait que mettre un peu plus au jour les dissensions internes au parti. Jamais un discours de président n'aura été si bref pour l'ouverture d'une séance solennelle sensée donner le cap budgétaire que souhaite impulser le gouvernement pour l'année à venir. Mais de budget il n'en aura pas ou peu été question dans son discours, Moetai Brotherson préfèrant donner rendez-vous lors du futur débat d'orientation budgétaire... qui laissera également l'opposition et les observateurs économiques sur leur faim. Le président a surtout tenu à rappeler à plusieurs reprises à ceux qui en douteraient, pour ne pas dire aux élus de sa propre majorité, qu'il était bel et bien "indépendantiste". De son côté, Antony Géros prononcera lui un discours fleuve et plus tranchant, notamment sur la question de l'indépendance en annonçant sa volonté de créer une commission spéciale sur la décolonisation. Ce qu'il fera très rapidement d'ailleurs.

C'était le 14 décembre 2023 : Oscar Temaru célébré pour ses 40 ans de mandature

Le 14 décembre, la commune de Faa'a célébrait les 40 ans de mandature du tāvana Oscar Temaru. Les élus Tavini de l'assemblée, le président du Pays Moetai brotherson et ses ministres, mais aussi les administrés et les employés de la commune... Ils étaient tous là pour honorer leur tāvana et chef incontesté du Tavini Huiraa'tira.
 
 
“Servir et non pas se servir.” Une punch line récurrente dans les différents discours prononcés en hommage au maire de Faa'a, Oscar Temaru, qui fêtait ses 40 ans de service ce jeudi, sur le parking de la mairie. Convoqué par la justice à de nombreuses reprises, le metua de Faa'a s'en est toujours sorti blanc comme neige. Une fierté dont le maire ne se cache pas : “Ils ont essayé. Ils essayeront sûrement encore”, a affirmé Oscar Temaru d'un air narquois.
D'autant que l'enfant de Faa'a, né et élevé dans ses rues, se souvient avoir été très tôt empêché : “Nous sommes les premiers enfants de l'école NDA à Faa'a, et à l'époque, on nous interdisait de parler notre langue. Je me souviens m'être dit que ce n'était pas normal, et qu'un jour je ferai quelque chose pour y remédier.” Une mission accomplie depuis, selon Oscar Temaru : “Ensemble, avec ceux d'aujourd'hui mais également ceux qui ne sont plus là, avec nos tout petits moyens, nous avons respecté notre culture, notre langue. Et aujourd'hui les gens parlent tahitien à Faa'a. Cela a été notre toute première victoire.” Ce même jour dans l'après-midi, les élus de l'assemblée de Polynésie ont suspendu leurs travaux budgétaires le temps de le couronner et de lui rendre eux aussi un hommage appuyé.
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 3 Janvier 2024 à 15:11 | Lu 2070 fois