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Retraites: la Nupes dégaine une motion de censure après l'échec de l'abrogation des 64 ans


Crédit Ludovic MARIN / AFP
Crédit Ludovic MARIN / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 08/06/2023 - Dénonçant un "coup de force anti-démocratique", l'alliance de gauche Nupes a riposté par une motion de censure après l'échec jeudi d'une tentative d'abrogation de la retraite à 64 ans, qui n'a pas pu faire l'objet d'un vote à l'Assemblée nationale.

Cette proposition d'abrogation, examinée lors d'une séance enfiévrée, avait entretenu la flamme des opposants à la réforme des retraites, malgré sa promulgation mi-avril. Mais le texte porté par le groupe indépendant Liot avait été vidé de sa mesure phare par la majorité.

"Il ne reste plus rien dans le texte sauf évidemment les amendements de la minorité présidentielle. En responsabilité, nous avons décidé de retirer notre texte", s'est résigné le patron du groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) Bertrand Pancher, dénonçant "les attaques puissantes contre le Parlement".

"Nous n'allons pas nous ridiculiser à poursuivre le débat", a-t-il lâché, dépité, au terme de plus de deux heures d'échanges éruptifs mais sans le moindre vote. 

La mesure phare du texte avait été retoquée la veille par la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, au nom de son "irrecevabilité".

"Face au coup de force anti-démocratique" du camp présidentiel, l'alliance de gauche Nupes a annoncé jeudi dans la foulée le dépôt d'une motion de censure contre le gouvernement Borne. 

Les députés de gauche ont fait le "serment de ne jamais lâcher le combat contre la retraite à 64 ans et de continuer sur notre objectif commun du droit à la retraite à 60 ans", a ajouté la patronne du groupe LFI Mathilde Panot.

La motion devrait être examinée par l'Assemblée en début de semaine prochaine.

Le groupe Liot est réticent à s'associer à l'initiative, qui a de faibles chances de faire tomber le gouvernement, faute du soutien des LR. Une précédente motion, portée par Liot, avait échoué de peu en mars.

"Colère et violence"

Le groupe Rassemblement national réfléchit aussi, de son côté, au dépôt d'une telle motion. "Lorsqu'un gouvernement se permet d'attaquer à ce point le fonctionnement démocratique, il mérite la censure", selon sa cheffe Marine Le Pen.

Les oppositions ont longuement ciblé la présidente Braun-Pivet, qui a bloqué mercredi l'examen de la mesure d'abrogation, jugée inconstitutionnelle car elle crée une charge pour les finances publiques.

"De cet abaissement du Parlement ne peut ressortir que désintérêt pour nos institutions, et dans le pire des cas, colère et violence", a averti Charles de Courson (groupe Liot), jeudi à la tribune.

"Vous abimez, vous écrabouillez la démocratie parlementaire", a tonné le patron des députés communistes André Chassaigne. Le président de la commission des Finances Eric Coquerel a épinglé "des décisions politiques et partisanes, sur ordre de l'exécutif".

Mais, a rétorqué Eric Woerth dans le camp présidentiel, "le chahut constitutionnel voulu par Liot et LFI, c'est ça la véritable atteinte à la démocratie".

Depuis le perchoir, Mme Braun-Pivet, issue des rangs macronistes, s'est justifiée à plusieurs reprises: "la Constitution, rien que la Constitution, c'est mon rôle".

"Nihiliste"

Le ministre du Travail Olivier Dussopt a de son côté pointé une proposition "presque nihiliste" et "vide" de Liot.

"Vous ne proposez rien d'autre que vous défausser car vous n'avez pas de projet alternatif commun", a-t-il lancé aux soutiens du texte, de la Nupes au RN en passant par certains LR.

La mesure pour un retour à l'âge légal de départ à 62 ans avait d'abord été torpillée en commission lors d'un vote serré, puis réintroduite via des amendements. 

La gauche et Liot avaient bon espoir de renverser la vapeur dans l'hémicycle. 

Même adoptée par l'Assemblée, la proposition d'abrogation n'aurait eu que de faibles chances d'aboutir au plan législatif, n'ont eu de cesse de faire valoir les macronistes. Tout en s'inquiétant du signal politique qu'aurait envoyé une victoire des oppositions.

Avec la fin de cette séquence parlementaire, deux jours après une 14e journée de mobilisation sociale dont la participation a été la plus faible enregistrée en cinq mois de manifestations, l'exécutif espère pouvoir tourner la page des retraites.

Seul moment de concorde jeudi: les députés ont observé une minute de silence, après l'attaque au couteau à Annecy qui a fait six blessés dont quatre enfants en bas âge. 

La présidente des députés Renaissance Aurore Bergé a considéré que la "bataille de chiffonniers" dans l'hémicycle paraissait "en total décalage par rapport à l'effroi" dans le pays, s'attirant les foudres des oppositions. 

le Jeudi 8 Juin 2023 à 06:58 | Lu 456 fois