Tahiti, le 13 janvier 2020 - Suite de nos articles sur les conclusions de la mission d'inspection IGAS-IGA-IGF avec l'examen du régime des retraites. Les inspecteurs se sont ainsi penchés sur la réforme adoptée fin 2018 avec des prévisions de retour à l'équilibre sur lesquelles la mission, à l'issue d'une analyse critique, émet quelques doutes notamment sur la pérennité du système.
Début 2018, la grogne sociale née du projet de réformes des retraites avait été sans précédente, conduisant notamment à une intervention musclée des opposants à la réforme à l'assemblée. Un épisode qui avait conduit le gouvernement à demander à ce que chacun prenne ses responsabilités. La réforme avait finalement été reportée après les élections territoriales. La nouvelle majorité Tapura avait alors fait passer la loi du Pays réformant le régime des retraites fin septembre 2018, en portant des modifications sur l’âge de départ en retraite (porté progressivement à 62 ans d’ici à 2023), l’âge de départ à la retraite anticipé (de 55 ans à 57 ans), le minimum d’années de cotisations requis (30 années au lieu de 20) ou encore le calcul des années de référence. Trois recours auprès du Conseil d’Etat plus tard, à peine le texte promulgué en février 2019, le rapport remis par la mission des experts métropolitains deux mois plus tard portait un éclairage critique sur la réforme dont les conditions de succès et la pérennité restent aléatoires.
Des retraites très inférieures à la métropole
Le système de retraite polynésien se caractérise par « une forte hausse tendancielle des dépenses » car « depuis l’instauration de la PSG en 1995, le nombre total de pensionnés a cru en moyenne de 6,9% par an ». Une évolution importante d'autant que la situation démographique peut sembler favorable avec une population jeune (8% de 65 ans ou plus contre 19% en France). Cependant, le vieillissement de la population et l’arrivée à la retraite des générations du « baby-boom » sont inéluctables. Ainsi, le ratio de couverture (nombre d’actifs/nombre de retraités) « qui était de 5,6 en 1995 s’est réduit à 1,95 en 2017 » et « sans réforme, la CPS estimait qu’il serait inférieur à 1 dès 2030 ».
Parallèlement, alors que le débat sur les retraites est très vif à l'heure actuelle en France métropolitaine et que l'ISPF avait calculé en 2016 que la vie en Polynésie française est 39% plus chère que la métropole, le rapport révèle également que la pension retraite est ici en moyenne inférieure de -28,4% et -43,8% à celles des pensionnés de la Sécurité sociale. Le rapport évoque ainsi que « la pension moyenne avoisine les 113 000 Fcfp par mois (947 €) ; en métropole elle est en 2016 de 1 685 € [201 000 Fcfp]pour les hommes, et de 1 322 € [158 000 Fcfp] pour les femmes (droits dérivés et majoration incluses) ». Des pensions moindres qui ne sont cependant pas de nature à assurer la pérennité à long terme du système.
Problème repoussé à la prochaine mandature
Le gouvernement Fritch ne s’en est jamais caché, la mission d'inspection indique que les équilibres qui seraient retrouvés à la suite de la réforme de 2018 ne font que repousser dans le temps le problème de couverture quelle que soit la tranche concernée car « l’impact d’une réforme des retraites sur le moyen et long terme est fonction d’une multitude de paramètres » notamment économiques et démographiques. Pour la tranche A (régime en annuités, à prestations définies obligatoire sous les 258 000 Fcfp de salaire dépendant de plusieurs facteurs), le rapport note que « dans le scénario central retenu par les autorités polynésiennes, l’effet de la réforme sur les retraites (...) permettrait de reporter à 2027 la réapparition d’un déficit ». La situation de la tranche B (régime par points, à cotisations définies, obligatoire à partir du seuil de 258 000 F CFP), à laquelle cotisent 38% des assurés du RGS, est quant à elle plus critique et reste « préoccupante à un horizon proche » malgré la réforme.
Elle paye notamment les conséquences des décisions prises il y a 25 ans lors de l'instauration de la PSG car « le fait qu’il ait été décidé à la création du régime d’accorder des points sans contrepartie de cotisations pour la période 1987-1996 pèse et continuera à peser sur l’équilibre du régime à long terme ». Des points gratuits qui représentent près de la moitié (42,7 % ) des pensions liquidées de la tranche B et qui fait que « les Polynésiens déjà retraités sont les principaux bénéficiaires de cette décision » passée. Or, « les mesures envisageables pour prolonger l’équilibre de la tranche B (…) n’ont pas encore fait l’objet de simulations et de négociations » et le problème reste donc entier. Une réforme qui permet donc au mieux de retarder les problèmes de quelques années, l'équilibre de deux tranches étant provisoirement réglé jusqu'à la fin de la mandature.
Hypothèses optimistes, équilibres précaires
Ce gain de temps est cependant très fragile et repose essentiellement sur le respect des hypothèses prévues par le Pays. Une petite modification des paramètres dans les années à venir peut avoir des incidences notables sur les équilibres quelle que soit la tranche. La mission d'inspection relève ainsi que les hypothèses et la projection retenues par le gouvernement « apparaît particulièrement sensible à l’évolution du marché du travail et donc de l’assiette des cotisations ». Pour preuve, elle fait deux petites simulations en modifiant deux paramètres (l'évolution de la population active et un report de l'âge légal de départ à 63 ans). Des simulations qui, même dans le meilleur des cas, creusent substantiellement les déficits des deux tranches. Ainsi, pour la tranche A, l'équilibre prévu en 2027 pourrait se transformer en déficit de 10,7 milliards de Fcfp. Pour la tranche B, c'est un déficit pouvant s'élever jusqu'à 3,8 milliards de Fcfp qui serait constaté dès 2023.
Des craintes des experts qui les conduisaient à recommander deux mois après la validation de la réforme que le tout nouveau Conseil d’orientation et de suivi des retraites (COSR) assure un « suivi attentif des hypothèses sous-jacentes » et évalue d'ores et déjà les réformes nécessaires au rétablissement de l’équilibre de la tranche B.
Début 2018, la grogne sociale née du projet de réformes des retraites avait été sans précédente, conduisant notamment à une intervention musclée des opposants à la réforme à l'assemblée. Un épisode qui avait conduit le gouvernement à demander à ce que chacun prenne ses responsabilités. La réforme avait finalement été reportée après les élections territoriales. La nouvelle majorité Tapura avait alors fait passer la loi du Pays réformant le régime des retraites fin septembre 2018, en portant des modifications sur l’âge de départ en retraite (porté progressivement à 62 ans d’ici à 2023), l’âge de départ à la retraite anticipé (de 55 ans à 57 ans), le minimum d’années de cotisations requis (30 années au lieu de 20) ou encore le calcul des années de référence. Trois recours auprès du Conseil d’Etat plus tard, à peine le texte promulgué en février 2019, le rapport remis par la mission des experts métropolitains deux mois plus tard portait un éclairage critique sur la réforme dont les conditions de succès et la pérennité restent aléatoires.
Des retraites très inférieures à la métropole
Le système de retraite polynésien se caractérise par « une forte hausse tendancielle des dépenses » car « depuis l’instauration de la PSG en 1995, le nombre total de pensionnés a cru en moyenne de 6,9% par an ». Une évolution importante d'autant que la situation démographique peut sembler favorable avec une population jeune (8% de 65 ans ou plus contre 19% en France). Cependant, le vieillissement de la population et l’arrivée à la retraite des générations du « baby-boom » sont inéluctables. Ainsi, le ratio de couverture (nombre d’actifs/nombre de retraités) « qui était de 5,6 en 1995 s’est réduit à 1,95 en 2017 » et « sans réforme, la CPS estimait qu’il serait inférieur à 1 dès 2030 ».
Parallèlement, alors que le débat sur les retraites est très vif à l'heure actuelle en France métropolitaine et que l'ISPF avait calculé en 2016 que la vie en Polynésie française est 39% plus chère que la métropole, le rapport révèle également que la pension retraite est ici en moyenne inférieure de -28,4% et -43,8% à celles des pensionnés de la Sécurité sociale. Le rapport évoque ainsi que « la pension moyenne avoisine les 113 000 Fcfp par mois (947 €) ; en métropole elle est en 2016 de 1 685 € [201 000 Fcfp]pour les hommes, et de 1 322 € [158 000 Fcfp] pour les femmes (droits dérivés et majoration incluses) ». Des pensions moindres qui ne sont cependant pas de nature à assurer la pérennité à long terme du système.
Problème repoussé à la prochaine mandature
Le gouvernement Fritch ne s’en est jamais caché, la mission d'inspection indique que les équilibres qui seraient retrouvés à la suite de la réforme de 2018 ne font que repousser dans le temps le problème de couverture quelle que soit la tranche concernée car « l’impact d’une réforme des retraites sur le moyen et long terme est fonction d’une multitude de paramètres » notamment économiques et démographiques. Pour la tranche A (régime en annuités, à prestations définies obligatoire sous les 258 000 Fcfp de salaire dépendant de plusieurs facteurs), le rapport note que « dans le scénario central retenu par les autorités polynésiennes, l’effet de la réforme sur les retraites (...) permettrait de reporter à 2027 la réapparition d’un déficit ». La situation de la tranche B (régime par points, à cotisations définies, obligatoire à partir du seuil de 258 000 F CFP), à laquelle cotisent 38% des assurés du RGS, est quant à elle plus critique et reste « préoccupante à un horizon proche » malgré la réforme.
Elle paye notamment les conséquences des décisions prises il y a 25 ans lors de l'instauration de la PSG car « le fait qu’il ait été décidé à la création du régime d’accorder des points sans contrepartie de cotisations pour la période 1987-1996 pèse et continuera à peser sur l’équilibre du régime à long terme ». Des points gratuits qui représentent près de la moitié (42,7 % ) des pensions liquidées de la tranche B et qui fait que « les Polynésiens déjà retraités sont les principaux bénéficiaires de cette décision » passée. Or, « les mesures envisageables pour prolonger l’équilibre de la tranche B (…) n’ont pas encore fait l’objet de simulations et de négociations » et le problème reste donc entier. Une réforme qui permet donc au mieux de retarder les problèmes de quelques années, l'équilibre de deux tranches étant provisoirement réglé jusqu'à la fin de la mandature.
Hypothèses optimistes, équilibres précaires
Ce gain de temps est cependant très fragile et repose essentiellement sur le respect des hypothèses prévues par le Pays. Une petite modification des paramètres dans les années à venir peut avoir des incidences notables sur les équilibres quelle que soit la tranche. La mission d'inspection relève ainsi que les hypothèses et la projection retenues par le gouvernement « apparaît particulièrement sensible à l’évolution du marché du travail et donc de l’assiette des cotisations ». Pour preuve, elle fait deux petites simulations en modifiant deux paramètres (l'évolution de la population active et un report de l'âge légal de départ à 63 ans). Des simulations qui, même dans le meilleur des cas, creusent substantiellement les déficits des deux tranches. Ainsi, pour la tranche A, l'équilibre prévu en 2027 pourrait se transformer en déficit de 10,7 milliards de Fcfp. Pour la tranche B, c'est un déficit pouvant s'élever jusqu'à 3,8 milliards de Fcfp qui serait constaté dès 2023.
Des craintes des experts qui les conduisaient à recommander deux mois après la validation de la réforme que le tout nouveau Conseil d’orientation et de suivi des retraites (COSR) assure un « suivi attentif des hypothèses sous-jacentes » et évalue d'ores et déjà les réformes nécessaires au rétablissement de l’équilibre de la tranche B.