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Rencontre avec Ingrid Astier : “On s’enrichit de la différence”


Tahiti, le 15 novembre 2022 - Autrice dont les romans noirs plongent le lecteur au cœur de l’action et des tourments de l’âme humaine, Ingrid Astier s’est imposée comme une figure incontournable du polar français. Elle connaît bien Tahiti qu’elle a choisi comme théâtre de son nouveau roman La Vague paru chez Au vent des îles. Elle s’inscrit aussi pleinement dans le thème de l’édition 2022 par ses nombreuses et brillantes incursions littéraires et graphiques dans le domaine de la gastronomie et du goût.

 
Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Tahiti pour la première fois ?
“La première fois était en 2010 grâce à Lire en Polynésie et son festival qui m'a mis du bleu (outremer) dans l'âme. J'y suis retournée en 2015 puis en 2018, cette fois uniquement pour écrire La Vague en restant deux mois à Teahupo'o. Je pensais être impressionnée par la beauté des paysages, mais celle des gens l'a dépassée.”
 
C'est ce qui fait la force de votre lien avec Tahiti ?
“Oui, on s'enrichit de la différence. Il faut du temps pour comprendre cette différence. Le regard des pêcheurs et des surfeurs m'intéressait particulièrement. On ne pêche pas au caillou à Paris…”
 
S'intéresser à Teahupo’o, vague mythique dans le milieu du surf, avec une approche littéraire et romanesque est tout sauf commun. Pourquoi ?
“Teahupo'o synthétise l'étreinte mythique de la beauté et de la mort. Cette vague est une ensorceleuse. Elle ouvre les portes du Fenua Aihere. Dans le roman, arrive Taj, un surfeur hawaiien. Il débarque dans ce lieu où il y a plus d'arbres que d'habitants. Sans respecter la nature, ni le mana. Que se passe-t-il quand un élément extérieur vient perturber l'équilibre des forces ? Aborder le surf sous l'angle de la fragilité et du conflit intérieur, c'est aussi questionner la surface et la profondeur. À l'image de la vague et du récif. Mais c'est aussi un roman noir qui déborde de vie. On y trouve l'humour unique du bout de la route et la plus belle vallée du monde.”
 
Qu'attendez-vous de votre venue lors de cette nouvelle édition du Salon ?
“De retrouver des visages. Le regard sans fard de Chantal Spitz, l'énergie de Christian Robert et de toute l'équipe de Lire en Polynésie, les paroles de Peva Levy...”
 
Un lieu commun dit que Tahiti ne serait pas une terre de littérature. On évoque l'oralité qui serait privilégiée par les Tahitiens et une forme d'indifférence à l'écrit et l'écriture...
“Bien sûr que l'oralité est forte. Le lieu commun part toujours d'une vérité. Mais aujourd'hui, des autrices comme Chantal Spitz ou Titaua Peu, pour n'en citer que deux, montrent cette force de l'écrit. Derrière les mots, demeure leur voix. D'une force digne des déferlantes.”
 
Quels sont les enseignements forts que vous comptez apporter lors de ce workshop au très bel intitulé : “Écrire en liberté” ?
“J'ai toujours aimé écrire et dessiner, laisser ma main courir et gambader, en liberté, pour que l'esprit puisse danser. J'aimerais faire passer cette liberté qui passe par l'exigence. Mais cette exigence n'est pas un frein. Elle est l'alliée de la liberté. Je souhaite leur montrer que l'écriture vient du corps. Qu'on n'écrit pas du bout de la plume. Qu'on s'engage tout entier. Et me mettre à l'écoute de leurs mondes intérieurs. C'est alors eux qui m'apprendront leur différence.”
 

Rédigé par Salon du livre le Lundi 14 Novembre 2022 à 16:59 | Lu 591 fois