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Remplacement de l’ITR, une proposition qui contente l'Unsa mais irrite l'intersyndicale


Manifestation contre la réforme des retraites et de l'ITR en janvier dernier.
Manifestation contre la réforme des retraites et de l'ITR en janvier dernier.
Tahiti, le 15 novembre 2023 - Un nouveau dispositif venant remplacer l'Indemnité temporaire de retraite (ITR) a été proposé via un amendement du gouvernement central dans le projet de loi de finances 2024. Fonctionnant sur le principe d'une complémentaire retraite, financée à parts égales par l'État et les agents, ce système divise. En effet, s'il contente visiblement l'Unsa, il est loin de convenir au reste de l'intersyndicale.
 
Les fonctionnaires d'État vont peut-être enfin avoir un nouveau système pour compenser la perte de l'ITR. Depuis 15 ans et la suppression de ce dispositif par le gouvernement Sarkozy, les syndicats et les agents de l'État n'avaient aucune réponse quant à une solution alternative, alors que la problématique de la vie chère en outre-mer n'est clairement pas résolue et que la mise en place d'un système de compensation était attendue dès 2008. À ce titre, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait d'ailleurs annoncé lors de sa visite au fenua en août dernier qu'une mission de “lutte contre les monopoles et la vie chère” allait être lancée dans les territoires ultramarins.
 
Le tout nouveau dispositif de l'État s'inscrit dans un amendement composant le projet de loi des finances 2024, qui a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale après le recours du 49.3 par le gouvernement d'Élisabeth Borne. La proposition va donc désormais devoir passer devant le Sénat avant de revenir devant les députés.
 
Ainsi, contrairement à l'ITR, ce système compensatoire repose sur le principe de capitalisation volontaire. Les agents pourront donc, s'ils le souhaitent, cotiser au RAFP (régime additionnel de la fonction publique) sur la totalité de leur “surrémunération” (qui fluctue selon leur catégorie), à hauteur de 5%. L'État complètera à la même hauteur. En quelques chiffres, les fonctionnaires d'État pourront donc percevoir, et dès leur première année de cotisation, un minimum de 4 000 euros par an (467 000 francs), soit 333 euros mensuels (41 391 francs) pendant leur retraite. Ce dispositif s'adresse à tous les fonctionnaires exerçant dans le Pacifique et à Saint-Pierre-et-Miquelon, sous réserve de certains critères, comme un justificatif de résidence à la date effective de leur pension, avoir une retraite à taux plein et avoir quinze années de service effectif dans un de ces territoires.
 
Les syndicats divisés
 
“Il n'y avait plus de dialogue social sur l'ITR. L'objectif était de trouver une solution alternative et c'est la première fois depuis 15 ans que nous en avons une”, reconnaît Diana Yieng Kow, la secrétaire générale du Stip et d'Unsa Fenua, ce mercredi, lors d'une conférence de presse annonçant ce nouveau dispositif. En présence des différents représentants des branches d'Unsa en Polynésie, elle admet, en bref, que si ce système n'est pas la “panacée” pour les syndicats, il a le mérite d'exister. “Il n'est pas satisfaisant en l’état”, continue-t-elle, “des points seront à revoir”. “Nous attendons les décrets d'application pour amender.” “On a 4 000 euros par an d'acquis. On est rassuré d'avoir eu au moins quelque chose. Il y a un plancher de garanti que nous n'avions plus”, ajoute Thierry Barrère, secrétaire général d’Unsa éducation, dans la foulée, lui qui est directement concerné par cette réforme et qui n'aurait pas pu avoir accès à l'ITR. À noter que rentrer dans ce dispositif contributif, basé sur le principe d'une complémentaire retraite en corrélation avec l'État, préserverait les agents d'une “nouvelle suppression intempestive” comme ce fut le cas avec l'ITR.
 
Si cette annonce contente l'Unsa, le reste de l'intersyndicale des fonctionnaires d'État s'y oppose fermement. “On passe de la solidarité à la capitalisation, si eux (les représentants de l'Unsa, NDLR) y voient une forme de victoire, pas nous”, fulmine Patrick Galenon, le porte-parole de l'intersyndicale, joint par Tahiti Infos. “Ils entraînent tout le monde là-dedans en acceptant cette proposition. Ils célèbrent ça comme une forme de victoire alors que c'est loin d'en être une.” “En France, les fonctionnaires partent à la retraite avec 75% de leur salaire, ils n'ont pas de capitalisation, eux. Nous, avec ce système, on va se retrouver avec à peine 37% de notre salaire à la retraite”, poursuit-il. “Nous ne sommes pas des fonctionnaires de seconde zone.” Il y a 11 500 agents nationaux au fenua, une centaine d'entre eux prennent leur retraite chaque année.
 

Qu'est-ce que l'ITR ?

Pour rappel, l'Indemnité temporaire de retraite (ITR) avait été mise en place en 1952 et avait été attribuée, par décret, aux fonctionnaires d'État vivant dans certains territoires ultramarins. Un supplément de retraite destiné à compenser la cherté de la vie en outre-mer. Cependant, au fil des années, de nombreux abus ont été relevés. En effet, un certain nombre d'agents de l'État, sans lien avec l'outre-mer, venaient s'installer pour leur retraite, dans les territoires concernés par l'ITR, touchant ainsi les indemnités. Face au coût croissant de ce système, qui a atteint les 326 millions d'euros en 2009 (date de la réforme actant sa suppression), le gouvernement de l'époque avait décidé de supprimer l'ITR. Il doit totalement disparaître en 2028.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mercredi 15 Novembre 2023 à 15:26 | Lu 2694 fois