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Réforme fiscale : un effort soutenu demandé aux particuliers et aux entreprises


Nuihau Laurey, le vice-président du Pays a présenté la réforme fiscale à la presse ce lundi à la mi journée.
Nuihau Laurey, le vice-président du Pays a présenté la réforme fiscale à la presse ce lundi à la mi journée.
PAPEETE, lundi 1er juillet 2013. Sur la réforme fiscale mise en œuvre par le gouvernement, Gaston Flosse le président du Pays n’a pipé mot. Il a laissé seul son vice-président être le héraut des mauvaises nouvelles. Nuihau Laurey a commencé par dire que cette réforme fiscale était dictée par la nécessité, que les finances du Pays étaient exsangues depuis cinq ans, que l’investissement était financé essentiellement par les emprunts et que l’an dernier les 13 milliards d’investissement du Pays représentent «le niveau le plus faible de toute l’histoire de la Polynésie française». Il a enfin expliqué que cette réforme fiscale était articulée «par une volonté de cohérence et d’équilibre dans les propositions qui sont faites et qu’elle touche à toutes les taxes qui existent de la manière la plus équilibrée et la moins dure à supporter pour les agents économiques». Voilà pour faire avaler la pilule. Car lorsque le Tahoeraa en campagne électorale avertissait en ce qui concerne la fiscalité d’un effort collectif, celui qui sera demandé aux familles et aux entreprises les plus florissantes est loin d’être une mesurette sans conséquence.

Même si le vice-président rechigne à s’avancer avec précision sur le rendement espéré de cette réforme fiscale, les recettes supplémentaires pour le Pays, en année pleine seraient de 9,5 à 11 milliards de Fcfp en plus. Une jolie culbute puisque les différentes taxes ont rapporté au cours des dernières années 64 milliards de Fcfp au Pays en 2009, 61 milliards en 2010 et 60 milliards en 2011 selon les chiffres de la DICP (direction des impôts et des contributions publiques). «C’est un projet fiscal de sortie de crise, qui répond à l’urgence sociale et permet de doter en ressources le compte d’affectation spéciale pour l’accès et l’emploi et de lutte contre la pauvreté» précise l’exposé des motifs du projet de loi du Pays qui doit entériner cette réforme fiscale. Laquelle sera présentée in extremis, le samedi 13 juillet prochain au vote des représentants de l’assemblée de Polynésie à la veille du départ du chef du gouvernement pour une visite officielle à Paris. Une réforme fiscale de laquelle le gouvernement polynésien attend plus de recettes pour mener sa politique sur le territoire mais aussi une sorte de sésame pour que son pacte de relance avec l’Etat ne soit pas rejeté par le gouvernement central. «Le partenariat renforcé avec l’Etat pour fixer nos objectifs partagés durant la prochaine mandature» est à ce prix. Il a fallu deux mois au gouvernement Flosse pour peaufiner cette réforme fiscale, au 13 juillet, il devient urgent qu’elle soit approuvée par les représentants de l’assemblée.

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Les nouveaux barèmes de la CST prévus par la réforme fiscale.
Les nouveaux barèmes de la CST prévus par la réforme fiscale.

Particuliers : la main à la poche

La hausse la plus symbolique de cette réforme fiscale est certainement celle de la CST. L’augmentation de la CST sur toutes les tranches salariales au-delà de 150 000 Fcfp vient réparer une inéquité flagrante de cette Contribution sociale territoriale à laquelle échappaient jusque-là les plus hauts salaires, au-dessus de 2 millions de Fcfp par le biais du plafonnement. Cet avantage serait désormais caduc puisque la CST pourrait être assujettie selon la réforme envisagée par le gouvernement à un taux différentiel pour 11 tranches de salaires différentes (au lieu de 6) et pèserait jusqu’à 25% pour la tranche de salaire au-delà de 2,5 millions de Fcfp. Ce seul rééquilibrage de la CST pourrait rapporter plus de 2 milliards de Fcfp de recettes fiscales en plus pour le Pays. Selon des exemples cités par le vice-président Nuihau Laurey, le nouveau calcul de la CST pèsera de 500 Fcfp supplémentaires par mois un salarié avec 250 000 Fcfp de salaire et 3750 Fcfp par mois en plus un salarié disposant d’un revenu mensuel de 450 000 Fcfp.
En ce qui concerne la consommation des ménages, si les taux de la TVA ne bougent pas -de 5 à 16% selon les produits-, en revanche la TVA sur les prestations de service non exonérées passe de 10 à 14%. Mais c’est surtout l’augmentation de 10% de la taxe sur les alcools et le tabac (mais sur les parfums) qui va peser sur les ménages. Il s’agit là très précisément de financer la protection sociale généralisée. Le taux de la taxe de solidarité pour les personnes âgées et handicapées (Tisol) est également doublé de 2 à 4 Fcfp par litre de produit pétrolier «afin de soutenir l’effort contributif de tous au rétablissement du RSPF». La même taxe Tisol va toucher le gaz butane et le gaz propane à raison de 10 Fcfp par kilo de gaz.
Si les hausses de toutes ces taxes sont votées, elles devraient s’appliquer à partir du mois d’octobre prochain pour ce qui est de la CST et de la TVA annonçait le vice-président.

Entreprises : des hausses et des baisses ciblées

Pour les entreprises la réforme fiscale choisie par le gouvernement Flosse tente de ménager la chèvre et le chou. La remise en œuvre de la taxe sur les grandes surfaces commerciales (au-delà de 800m2 de vente) va peser sur un secteur où la concurrence n’a pas eu que des effets positifs. Cette taxe créée en 2005 mais abandonnée en 2006 est reprise quasiment telle qu’elle existait, pesant à la fois sur la surface de vente mais aussi en fonction du chiffre d’affaires de la grande surface. Cette taxe pourrait rapporter 1 milliard de Fcfp de recettes au Pays.
La taxe sur le produit net bancaire et celle sur les activités d’assurance passe de 3 à 4%. La taxe vers les entreprises qui augmente le plus est celle sur la publicité : au lieu d’un taux unique de 5%, une taxe progressive dont le taux évolue en fonction du chiffre d’affaires.
Les entreprises qui ont réussi, en dépit de la crise économique, à dégager des bénéfices supérieurs à 50 millions de Fcfp seront soumises à la Contribution supplémentaire sur les bénéfices des sociétés (CSIS). Elle se limitera aux trois prochains exercices (2013, 2014 et 2015) et se calculera par application d’un taux de 7% aux bénéfices taxables.

Les dispositifs de défiscalisation locale seront largement revus à la baisse. Sur 28 secteurs d’activités qui pouvaient prétendre à cette incitation fiscale, la moitié sort du champ d’application (dont le logement pour les étudiants, les résidences pour personnes âgées, le transport terrestre commun, les établissements privés de santé…). Des secteurs qui selon le vice-président «n’ont pas présenté de dossier au cours des cinq dernières années». Le taux de crédit d’impôt pour cette défiscalisation locale est désormais limité à 40% pour tous les secteurs.

En revanche le gouvernement Flosse veut montrer qu’il soutient l’initiative économique privée «la seule pourvoyeuse d’emplois alors que la fonction publique est à la baisse». Aussi, une diminution de 5 points du barème de l’impôt sur les bénéfices des sociétés est prévue, la fourchette serait désormais modulée de 25 à 35%. Cette réduction concernerait 2300 sociétés. Le seuil des très petites entreprises pour bénéficier d’un régime fiscal simplifié et privilégié passe de 2 millions à 5 millions de Fcfp de chiffre d’affaires et la création d’entreprise nouvelle exonérée jusqu’ici de l’impôt sur les bénéfices durant la seule première année bénéficiera d’une année d’exonération supplémentaire.

Réforme fiscale : un effort soutenu demandé aux particuliers et aux entreprises

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 1 Juillet 2013 à 17:04 | Lu 7062 fois