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Réforme des retraites, un millier de personnes ont manifesté à Papeete


Le cortège des manifestants lors de son arrivée devant le haut-commissariat
Le cortège des manifestants lors de son arrivée devant le haut-commissariat
Tahiti, le 19 janvier 2023 – Comme annoncé mardi par l’intersyndicale, une grande partie des fonctionnaires d’État ont fait grève jeudi. Un millier d’entre eux a également manifesté dans les rues de Papeete pour ensuite déposer des revendications au haut-commissaire. Le taux de grévistes dans les écoles, collèges et lycées, a atteint un score de 59.25%.
 
Ça grouillait de monde jeudi, dans le petite rue Napoléon Spitz, entre l’école To’ata et le stade Willy Bambridge à Papeete. Depuis 8h30 et malgré la pluie tombée plus tôt dans la matinée, près de 1 000 personnes s'étaient réunies, pour manifester contre le projet de réforme des retraites présenté la semaine passée par le gouvernement d’Elisabeth Borne. Dans la foule, tous les membres des différents syndicats des fonctionnaires d’État se sont rassemblés. La ferveur et l’indignation des manifestants était palpable face à cette réforme qualifiée d’ “injuste et inutile” par les syndicats, lors de l’annonce de la grève mardi. Les chants “Pas un jour, pas un mois, pas un an de plus” ou encore “Non, non à la réforme des retraites” commencent tout doucement à être entonnés. Ils seront scandés beaucoup plus fort quelques minutes plus tard, le tout accompagné des drapeaux et pancartes au slogan-choc brandis bien haut. Le cortège a démarré comme prévu à 9h30, direction le haut-commissariat, en passant par l’avenue du commandant Destremau.
 
La volonté de l’intersyndicale est limpide, il n’est pas question de repousser l’âge de départ à la retraite, ni d’augmenter le nombre d’annuités. En tête de cortège, les sept représentants des syndicats ont pris les rênes du défilé et imposé le rythme comme un seul homme. “La cohésion entre les syndicats s’est faite naturellement, d’ailleurs, la sécurité est assurée par des membres des sept associations, assure Melba Kaua, porte-parole de l’intersyndical et secrétaire générale adjointe de l’UNSA, on est vraiment heureux de contribuer à ce mouvement de grève qui a déjà fortement mobilisé la France entière”.
 
La fonction publique d’État au rendez-vous
 
On est là pour vivre, pas pour mourir au travail”, s’est exclamé Ropati Tiatau, secrétaire générale de Solidaire Polynésie avant le départ du cortège. Tous les syndicats des fonctionnaires d’État étaient au rendez-vous jeudi matin, pas question pour eux de laisser passer cette atteinte aux droits sociaux qu’ont acquis leurs prédécesseurs. “Beaucoup de nos prédécesseurs et collègues se sont battus pour avoir et garder cet acquis social qu’est la retraite”, a expliqué Teate, professeur d’histoire-géographie au collège de Taravao, “on manifeste car tenir 43 ans dans un métier qui devient de plus en plus pénible, ça devient impensable. Je le constate sur le terrain car j’ai déjà de nombreux collègues qui partent en mi-temps annualisé ou qui pensent même à une reconversion définitive, ça montre bien la pénibilité de notre fonction”. Des propos repris par Patrick, cosecrétaire de Solidaire Douane : “Il faut être solidaire entre nous, nous montrer unis, c’est comme ça qu’on gagnera. Les plus jeunes ne prennent pas conscience, mais à partir d’un certain âge, les années comptent double voire triple”. En plus des professeures et des douaniers, des agents des finances publiques ou encore de l’aviation civile ont manifesté également.
 
Des fonctionnaires de police étaient aussi présents lors de la marche et du sit-in devant le haut-commissariat. “Nous sommes soumis au droit de réserve et nous ne pouvons donc pas faire de grève, explique Yoan Tehihipo, secrétaire territorial d’Alliance Police, mais certains ont pris sur leurs jours de congés pour participer à ce mouvement. Il y a plus d’une quarantaine de policiers qui ont pu se libérer aujourd’hui. Ils étaient plus nombreux à vouloir participer, mais beaucoup on était assigné à l’encadrement de cette manifestation et de celle de l’hôpital”.
 
Les revendications au haut-commissariat
 
Après l’arrivée du cortège vers 10h30 devant le haut-commissariat, les manifestants ont entamé un sit-in en attendant que leurs représentants syndicaux rencontrent Éric Spitz. “On a pu présenter nos revendications au haut-commissaire, qui a été très réceptif, notamment sur les arguments propres à la Polynésie et aux territoires outremer, comme l’espérance de vie moindre ou encore la suppression progressive de l’ITR qui appauvrit les fonctionnaires retraités”, explique Melba Kaua. Les nombres des manifestants étaient de “plus d’un millier” selon la porte-parole de l’intersyndicale, la police a annoncé 800 personnes. Selon les derniers chiffres affinés par les autorités, le taux de grève dans les établissements scolaires a atteint presque 69% dans le premier degré et un peu plus de 50% dans le second. Ce qui donne une moyenne de 59.25%, soit près de 2 456 grévistes sur les 4 218 agents travaillant dans le milieu scolaire.
 
Pour la suite, l’intersyndicale compte se baser “sur les décisions des centrales de Paris”, concernant d’éventuels prochains mouvements de grève. “Il y aura sûrement une autre journée de manifestation le 31 janvier, reste à savoir quelle forme elle prendra”, explique Melba Kaua. En France, environ 1,1 million de personnes ont foulé le pavé contre la réforme des retraites selon le ministère de l’Intérieur (plus de 2 millions selon la CGT), dans plus de 200 villes.

 

​Réforme des retraites : Rohfritsch entre deux chaise

Après les prises de position des trois députés Tavini, qui ont annoncé qu’ils voteraient contre la réforme à l’Assemblée nationale, et de la sénatrice Lana Tetuanui qui a affirmé elle aussi avoir annoncé au président de la Polynésie qu’elle voterait contre, le Ia Ora te Nuna’a a lui aussi pris position. Dans un communiqué de presse, le parti du sénateur Teva Rohfritsch affirme “qu’une réforme du système actuel au plan national parait nécessaire compte tenu des évolutions démographiques pour sauver le système par répartition et les retraites futures”. Il se dit également “confiant dans le dialogue avec l’État” et déclare que si les arguments et les spécificités propres à la Polynésie ne sont pas retenus par l’État, “Ia Ora te Nuna’a donnera toujours une priorité aux attentes et aux intérêts des Polynésiens”.
 
Dans ce même communique, il s’étonne également du “silence” du gouvernement d’Édouard Fritch sur ce sujet. Le président du Pays qui a d’ailleurs reçu ce jeudi, en marge de la manifestation, les représentants du syndicat CSTP-FO, conduits par Patrick Galenon. Dans le cadre du mouvement de grève contre la réforme des retraites, ils cherchaient l’appui des autorités locales dans le dossier de la suppression de l’ITR. Le président a tenu à souligner que cette situation “le préoccupe” mais a également rappelé qu’ils n’avaient pas les “moyens d’influer”.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Jeudi 19 Janvier 2023 à 18:53 | Lu 1420 fois