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Réforme des retraites : En 2019 il faudra travailler trois ans de plus


La porte se referme petit à petit sur les ayant-droits à la retraite : Si la réforme des retraites est votée à l'Assemblée, le bureau du service retraite de la CPS restera vide de 2019 à 2022...
La porte se referme petit à petit sur les ayant-droits à la retraite : Si la réforme des retraites est votée à l'Assemblée, le bureau du service retraite de la CPS restera vide de 2019 à 2022...
PAPEETE, le 9 javier 2017- Le texte de la réforme des retraites présenté au CESC inclut un remède de cheval pour sauver notre système de retraite : en 2019, pratiquement plus personne ne pourra partir à la retraite avant 2022... Parmi ses mesures, le passage à 38 ans de cotisation aura le plus d'impact. Mais il prévoit aussi la création de nouvelles ponctions sur les salaires, l'alignement de l'âge de départ des fonctionnaires territoriaux avec les salariés du privé et même la possibilité de porter l'âge de départ à la retraite à 62 ans quand ce sera nécessaire…

La retraite Polynésienne en 2016, c'était 45 milliards de francs versés à 40 000 retraités. Une solidarité générationnelle exceptionnelle, mais qui a mal anticipé les changements démographiques et la crise économique de notre petit territoire. L'explosion du chômage et la diminution du nombre d'enfants par familles a fait chuter le nombre d'actifs, alors que le nombre et l'espérance de vie des retraités polynésiens augmente en continu.

Dans le préambule de son projet de loi sur la réforme des retraites envoyé au CESC pour avis le 14 décembre, le gouvernement annonce d'ailleurs des chiffres éloquents pour la tranche A des retraites : "Les projections sur les trois prochaines années sont marquées par une rupture de la solvabilité du régime à hauteur de -3,9 milliards de Fcfp en 2018, -3,6 milliards de Fcfp en 2019 et -3 milliards de Fcfp en 2020. Le financement de ces déficits sera couvert par la somme des réserves de toutes les branches du régime général des salariés."

Donc si rien n'est fait, en 2020 le RGS n'aura plus un franc en réserve dans aucun de ses régimes, et il faudra choisir entre arrêter de verser les pensions de retraite, ne plus financer les arrêts maladies, bloquer les traitements médicaux les plus onéreux ou même mettre l'hôpital publique en défaut de paiement...

38 ANS DE COTISATION, NOUVEAU CALCUL DES PENSIONS, PRE-RETRAITES MOINS AVANTAGEUSES

C'est pourquoi le texte sera présenté à l'assemblée territoriale avant même les prochaines élections territoriales, afin de lui permettre de passer tous les obstacles prévisibles – comme un probable recours au Conseil d'État – avant la fin 2018, pour l'appliquer dès 2019. Tous les droits déjà acquis à cette date resteront inchangés, mais les nouvelles pensions devraient être en légère baisse. Ce sont donc les 65 000 salariés polynésiens et les nouveaux retraités qui supporteront le coût du rétablissement de l'équilibre du régime.

Parmi les mesures proposées, celle qui fera le plus pour équilibrer le régime est le rallongement de la durée de cotisation de 35 ans à 38 ans pour avoir droit à la retraite à taux plein. Cette mesure commencera à être appliquée en ajoutant une année d'activité obligatoire en plus, chaque année pendant trois ans à partir de 2019.

De plus, le montant de la pension "à taux plein" sera également déterminé par arrêté du conseil des ministres. Pour cette réforme, le conseil des ministres a déjà annoncé que le nouveau mode de calcul sera 70% de la moyenne des 20 meilleures années sur les 35 dernières années (ou vos 120 meilleurs salaires, au lieu de l'ancien système qui promettait 70% des 10 meilleures années sur les 15 dernières années). Cela devrait provoquer une baisse du montant moyen des pensions versées après la réforme aux nouveaux retraités.

Enfin, le texte prévoit de mettre fin à une mesure très favorable : au lieu de devoir atteindre l'âge minimal ou avoir un nombre suffisant d'années de cotisations pour obtenir le taux plein (dans la tranche A), il faudra respecter les deux exigences. Chaque condition, âge ou durée de cotisation, inclura ses propres abattements... Ce qui devrait fortement diminuer le nombre de départs en pré-retraite, dont l'âge minimal augmentera de toute façon à 57 ans.


60 ANS RESTE D'AGE LEGAL... POUR L'INSTANT

La réforme est donc sévère, mais pourrait être pire. Car le texte précise bien que "l'âge légal et la durée d'assurance minimale sont fixés par arrêté pris en conseil des ministres." Le gouvernement reprendrait donc le contrôle sur l'âge légal de départ à la retraite, au lieu de laisser le législateur en décider... Mais il s'est engagé à maintenir l'âge de départ à 60 ans lors des dernières négociations avec les partenaires sociaux. Malgré tout, cet âge ne sera plus inscrit en dur dans la loi, il dépendra uniquement de la volonté politique du gouvernement en place, qui pourra varier en fonction des résultats électoraux et de l'urgence à équilibrer le système dans le futur.

Par contre, il est déjà décidé que dès 2019, l'âge minimal pour la retraite anticipée sera porté à 57 ans. Et malgré les promesses faites aux syndicats, l'introduction de la proposition de loi envoyée au CESC précise noir sur blanc que "l'âge légal est porté progressivement à 62 ans", en laissant le conseil des ministres fixer la date où cette mesure sera décidée et l'éventuelle période de transition.

Les changements qui auront lieu à long terme sont donc déjà annoncés :
- L'âge légal sera porté à 62 ans au lieu de 60 ans "dans le futur"
- L'âge de départ à la retraite anticipée sera porté à 57 ans au lieu de 55 ans dès 2019
- L'âge de départ à la retraite anticipée par le dispositif des travaux pénibles sera porté à 55 ans au lieu de 50 ans "dans le futur"
- L'âge de départ à la retraite anticipée pour inaptitude au travail (plus de 70% d'incapacité permanente) sera maintenu à 50 ans.


COTISER A LA TRANCHE B COUTERA BEAUCOUP PLUS CHER

Concernant la tranche B (le régime de retraite créé pour les hauts salaires), la situation est encore plus grave que pour le régime général. Le texte explique comment des réformes votées en 1996 pour la tranche B avaient créé une situation déjà intenable : "il portait en lui dès sa création les germes d'un profond déséquilibre (...). De ce fait, le régime doit faire face à un poids issu du passé très important, notamment du fait des points accordés à titre gracieux mais, de plus, chaque acquisition de points génère un nouveau déficit du fait de la survalorisation de la valeur de liquidation des points."

La tranche B correspond aux cotisations sur la tranche du salaire située entre 255 000 francs et 510 000 francs. Quand elle a été instaurée, un beau cadeau a été voté pour les retraités relevant de ce régime : ils ont obtenu des droits très généreux sans forcément avoir cotisé pour les obtenir. Aujourd'hui le système est ingérable et sera équilibré par une grosse augmentation des cotisations, en pratique une augmentation du prix du "point" qui n'apportera aucun droit supplémentaire.


UN FONDS DE SAUVEGARDE VIEILLESSE POUR LEVER DES FINANCEMENTS EN URGENCE

Toutes ces mesures de moyen et long terme ont été jugées encore insuffisantes pour équilibrer le budget du régime et rétablir ses réserves légales dans les années critiques qui arrivent. Pour boucher le trou en urgence, un nouveau "Fonds de sauvegarde vieillesse" sera créé. Sa première ressource sera une nouvelle "cotisation d'équilibre du régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française", mais il pourra aussi être alimenté directement par le budget de la Polynésie.

Le montant de cette cotisation d'équilibre, officiellement temporaire, sera décidé par le conseil des ministres. Elle sera payée à un tiers par les salariés et aux deux-tiers par les employeurs. Il y aura un fonds pour la tranche A et un autre pour la tranche B.

Pour compenser en partie certaines des mesures d'économie touchant des personnes vulnérables, de nouveaux droits sont créés pour eux :
- Une allocation veuvage pour le conjoint survivant ne justifiant pas encore de l'âge minimal de 55 ans pour toucher une pension de réversion (elle était auparavant versée dès la mort du conjoint).
- Une allocation vieillesse solidarité : destinée à toute personne de plus de 60 ans qui n'a pas encore droit à la retraite, mais qui réunit les conditions d'attribution du minimum vieillesse (moins de 80 000 Fcfp de revenu par mois pour une personne vivant seule). Elle sera versée jusqu'à atteindre l'âge légal pour toucher une retraite. Cette allocation sera versée par le RSPF, donc sur le budget du Pays.

Dernière mesure à noter, un "Conseil d'orientation et de suivi des retraite" sera créé, réunissant "les principaux acteurs du champ des retraites". S'il n'aura aucun pouvoir décisionnel, il sera chargé de "suivre l'évolution des régimes de retraite et de formuler des propositions pour assurer leur solidité financière et leur fonctionnement solidaire". Tout projet de réforme future lui sera proposé pour avis.


Plus de nouveaux retraités entre 2019 et 2022

Ceux qui atteindront 35 ans de cotisation cette année (2018) pourront encore partir à taux plein. Mais la conséquence immédiate de la réforme est que ceux qui atteindront ce palier en 2019 n'auront pas cette chance et devront atteindre 38 ans de cotisation, ce qui signifiera en général qu'il leur faudra travailler trois ans de plus jusqu'en 2022.

Donc pour les salariés qui ont fait de longues études ; ceux qui ont arrêté de travailler quelques années pour élever un enfant ; ou encore les malchanceux qui ont connu des périodes de chômage prolongées après la crise de 2008, la retraite à taux plein à 60 ans sera déjà une relique de l'histoire. Ils devront travailler jusqu'à atteindre les 38 ans de cotisation, ou subir les abattements qui seront instaurés ("pénalités" sur le montant de leur retraite).

Et la création de deux abattements différents, l'un pour la durée de cotisation et un autre pour l'âge légal, pénalisera ceux qui ont commencé à travailler jeune. Ceux qui auront leurs 38 ans de cotisation avant leurs 60 ans n'auront plus la possibilité de prendre leur retraite (pour la tranche A) dès 55 ans en partant à taux plein. Ils devront travailler jusqu'à leurs 60 ans ou accepter les abattements prévus pour la limite d'âge (ils ne sont pas encore connus) pour partir à 57 ans.


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L'âge légal de départ à la retraite des fonctionnaires territoriaux aligné sur celui des salariés

Le statut des fonctionnaires territoriaux est modifié afin d'y retirer la mention d'un départ à la retraite à 60 ans. A la place, l'âge légal est aligné sur le régime des salariés, décidé en conseil des ministres. La Polynésie ne se retrouvera donc pas dans la situation métropolitaine où l'âge de départ à la retraite des salariés a progressé plus vite que celui des fonctionnaires.

Le texte prévoit aussi de pouvoir continuer à employer un fonctionnaire jusqu'à ses 70 ans sous certaines conditions. Une modification qui tombe au bon moment : on se souvient que cette année la justice a sommé le Pays de mettre son DRH à la retraite car il avait dépassé l'âge maximal fixé par la loi, ce que l'administration a refusé de respecter, en réembauchant son directeur de la Direction des ressources humaines sous un statut spécial. Un contournement des règles qui est mal passé... Depuis, selon nos informations, plus aucun texte signé par le DRH du Pays n'est accepté par les magistrats du tribunal administratif de Papeete, qui exigent à la place une signature de la ministre du Travail Tea Frogier. Cette nouvelle loi pourra légaliser (et apaiser) la situation...

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 9 Janvier 2018 à 09:44 | Lu 12818 fois