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Réforme de la PJ: face à la fronde, Darmanin défend le bien fondé du projet


Crédit Pascal GUYOT / AFP
Crédit Pascal GUYOT / AFP
Paris, France | AFP | dimanche 09/10/2022 - Malgré la vive opposition suscitée par la réorganisation de la police judiciaire, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a défendu dimanche dans Le Parisien une réforme "courageuse et indispensable", tout en essayant de rassurer les enquêteurs, sans convaincre.

"Cette réforme de la police, personne n'a eu le courage de la faire", assure le ministre, en défendant un projet "courageux, indispensable et difficile", deux jours après le tollé provoqué par l'éviction du directeur de la PJ de la zone sud.

Le ministre doit aussi s'adresser lundi matin à l'ensemble des fonctionnaires de la PJ dans un courrier dont l'AFP a eu connaissance. Il assure que la réforme ne sera pas finalisée "avant le second semestre 2023". Jusqu'ici le ministre parlait d'une mise en place "courant 2023", sans plus de détails.

La contestation autour de la réforme de la PJ est montée d'un cran avec le limogeage vendredi d'Eric Arella, patron respecté de la PJ sud, suscitant l'indignation chez les policiers et dans le monde judiciaire.

M. Arella a payé la visite houleuse la veille du Directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Veaux. Venu à Marseille présenter sa réforme, il a été contraint de traverser une "haie du déshonneur" formée par quelque 200 enquêteurs opposés au projet et la vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux.

La réforme "bouscule des habitudes et il est normal qu'elle suscite des contestations" mais "certaines limites ne doivent pas être franchies", martèle le ministre dans le Parisien, en dénonçant les "images choquantes" de cette manifestation.

Interrogé sur l'éviction d'Eric Arella, Gérald Darmanin a renvoyé la responsabilité au DGPN: "le lien de confiance entre eux était rompu", selon le ministre.

"Il est évident" que certains manifestants "pourraient être redevables de sanction", poursuit le ministre, en précisant cependant avoir demandé au Directeur central de la police judiciaire, Jérome Bonet, "d'avoir le sens de l'apaisement".

Une remarque qui "passe très mal" dans les rangs de la police judiciaire, commentait dimanche soir auprès de l'AFP un enquêteur. "C'est se foutre du monde", ajoute-t-il, "une vraie mesure d'apaisement, ce serait de revoir la réforme". 

Pas de changement sur le fond 

Le projet controversé prévoit de placer tous les services de police à l'échelle du département - renseignement, sécurité publique, police aux frontières (PAF) et police judiciaire (PJ) - sous l'autorité d'un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.

Les 5.600 agents de la PJ seraient intégrés à une filière investigation, aux côtés de ceux de la sécurité publique, en charge de la délinquance du quotidien.

Les opposants dénoncent le risque d'un "nivellement vers le bas" de la prestigieuse PJ, chargée des crimes et enquêtes les plus complexes, et un renforcement du poids du préfet dans les enquêtes.

Sur le fond de la réforme, Gérald Darmanin n'amorce pas de changement, mais répète être ouvert à quelques négociations, comme il l'a déjà dit à plusieurs reprises. 

Comme annoncé vendredi devant le syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI), il explique dans le quotidien avoir "commandé un audit", auquel l'inspection générale de la justice doit être associée et qui "sera rendu mi-décembre". Soit après les élections professionnelles.

Des discussion s'ouvriront ensuite "avec les organisations syndicales pour amender la réforme en fonction des remarques", ajoute M. Darmanin.

"Apparemment, le ministre a entendu nos demandes réitérées de moratoire afin de prendre le temps d'aborder l'ensemble des points d'achoppement que nous soulevons depuis des mois", a salué auprès de l'AFP Patrice Ribeiro, du syndicat Synergie-Officiers.

L'association nationale de police judiciaire (ANPJ) sans étiquette syndicale, s'est dite elle peu convaincue par les nouvelles déclarations de Gérald Darmanin. 

"Nous ne sommes pas rassurés du tout du fait que le ministre élude la problématique de la chaîne hiérarchique", a dit à l'AFP un vice-président de l'ANPJ, créée durant l'été dans la vague de contestation de la réforme.

"Il ne change pas de ligne", réagit aussi un enquêteur d'un office central. Selon lui, "il faut absolument prévoir un échelon opérationnel entre le département et les offices centraux. C'est un des enjeux de la réforme sur lequel le ministre doit faire des ouvertures".

L'opposition est également montée au niveau politique, avec notamment une tribune des parlementaires socialistes, qui ont dénoncé une réforme menée dans un souci de "pure rationalisation budgétaire" et "dangereuse". Un adjectif également utilisé par Jean-Luc Mélenchon dans un tweet.

le Lundi 10 Octobre 2022 à 05:21 | Lu 216 fois