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Rangiroa contre Félix Tetua, acte II à Paris


Tahiti, le 12 avril 2022 – Déboutée au tribunal administratif après que son conseil municipal a évincé sans raison son premier adjoint Félix Tetua en mai 2020, la commune de Rangiroa a fait appel à Paris. Mais avec un succès tout aussi relatif et des arguments rocambolesques.
 
Jugée pour la première fois en décembre 2020 par le tribunal administratif, l'éviction de l'ex-premier adjoint de Rangiroa, Felix Tetua, est revenue le 5 avril dernier devant la cour administrative d'appel de Paris. Si les conséquences de cette modeste affaire sont relativement anecdotiques, l'élu siégeant dans les rangs de l'opposition depuis les dernières municipales, l'examen du dossier à Paris est venu apporter son lot d'anecdotes rocambolesques…
 
A l'origine du litige, l'ancien maire de Rangiroa Teina Maraeura avait fait voter par son conseil municipal le retrait des délégations et des fonctions de son premier adjoint Félix Tetua entre les deux tours des élections municipales en mai 2020. Et pour cause, Félix Tetua menait la liste opposée à celle de Teina Maraeura sur la commune. Sauf que si la loi permet au maire d'une commune de “mettre un terme, à tout moment, aux délégations de fonctions qu'il avait données à l'un de ses adjoints”, c'est uniquement “sous réserve que sa décision ne soit pas inspirée par un motif étranger à la bonne marche de l'administration communale”. Or, n'en déplaise au tāvana de Rangiroa, la simple candidature d'un élu à une élection municipale n'empêche en rien à elle seule la bonne marche de l'administration.
 
Arguments cocasses
 
En première instance, on se souvient que la commune de Rangiroa n'avait produit aucune explication pour justifier sa décision. Mise en demeure par le tribunal de fournir des observations, elle n'avait même jamais répondu à la juridiction. Résultat, l'éviction du premier adjoint avait été annulée et la commune avait été condamnée à verser 150 000 Fcfp de frais de justice à Félix Tetua. Sauf que depuis, la commune a fait appel avec deux arguments plutôt cocasses.
 
Premièrement, si elle n'a pas répondu à la justice, c'est parce que ses services ont connu des “difficultés” avec l'application “télérecours” du tribunal administratif. Quelles difficultés ? L'agent que la commune avait désigné pour être le référent de l'application “s'était déchargé de cette tâche auprès d'un autre agent” qui n'était autre que… la fille de Félix Tetua. Argument balayé sans trop de surprise par la cour d'appel de Paris. Deuxièmement, la commune a cette fois-ci justifié l'éviction du premier adjoint en affirmant que ce dernier “aurait, lors du confinement du printemps 2020, procédé à une distribution de travaux aux élèves de la commune, en méconnaissance des consignes données par le maire”. Là encore, la cour d'appel est apparue assez dubitative sur le fait que ce motif aurait été “manifestement contraire à la bonne marche des affaires communales”.
 
Résultat, l'appel de la commune de Rangiroa a été rejeté. Elle a été condamnée à verser un surplus de 180 000 Fcfp de frais de justice à Félix Tetua. Et pour couronner le tout, la cour d'appel l'a “enjointe” à payer également les 150 000 Fcfp dus à l'ancien premier adjoint depuis la décision du tribunal administratif.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 12 Avril 2022 à 19:39 | Lu 3854 fois