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Qui sont les personnes à la rue ?


Tahiti, le 25 juillet 2022 – Le recensement mené par la ministre du Travail et des Solidarités, récemment présenté en conseil des ministres, a permis d’établir le profil des personnes vivant à la rue et de mieux cerner leur situation personnelle. Il apparaît que les problèmes de logement et d’emploi ne sont pas les seuls à régler afin d’envisager une réinsertion : les situations familiales complexes conduisent également certains d’entre eux à dormir dehors. C’est pourquoi Virginie Bruant mise sur un suivi davantage personnalisé de ces personnes, avec un accompagnement regroupant divers acteurs du secteur, via la mise en place d’une cellule dédiée au sein de la Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité.
 
Le nombre de personnes sans abri installées dans les rues de Papeete ne cesse d’augmenter. C’est en partant de ce constat que la ministre des Solidarités en charge des personnes non autonomes a souhaité faire de la question de leur prise en charge une de ses priorités. Virginie Bruant a d’abord mené un recensement, non exhaustif, auprès de cette population, afin d’établir leur “trajectoire sociale, médicale, administrative et professionnelle”, peut-on lire dans le document qu’elle a présenté en conseil des ministres il y a une dizaine de jours.
 
“Pour pouvoir apporter les bonnes réponses, il faut bien connaître le public à qui l’on s’adresse”, explique-t-elle. “C’est important de faire les choses dans l’ordre pour savoir à qui l’on a affaire, plutôt à des hommes ou à des femmes, avec ou sans enfant ? Certains ont des contrats de travail donc c’est intéressant de connaître leur situation professionnelle. Est-ce qu’ils sont propriétaires d’un terrain, par exemple en indivision et c’est ce qui les empêche d’y retourner ? Est-ce qu’ils bénéficient d’un suivi médical ou psychologique ? On a ainsi mis en place un questionnaire d’une quarantaine de questions pour étudier le profil de ces personnes qui se retrouvent aujourd’hui à la rue.”
 
Ce questionnaire a été remis à différentes associations : Emauta, qui regroupe différents foyers d’accueil pour personnes en détresse, parmi lesquels La Samaritaine, Le Bon Samaritain et Te Arata ; Te Torea, qui compte un centre de jour et un hébergement d’urgence ; et enfin Rima Here, qui accueille des adultes atteints de handicap mental et qui s’est porté spontanément volontaire en ce qui concerne les personnes sans abri sous mesure de protection. Le centre Te Vai-ete, géré par le père Christophe, a été sollicité mais n’a pas encore fourni ses réponses.
 
166 sans-abri ont répondu au questionnaire
 
Un échantillon de 166 personnes sans domicile fixe a ainsi répondu, sur un nombre total estimé à 300 sans-abri. Leurs habitudes et leurs profils sont très variés, comme cette femme qui vit dans un petit logement de La Mission avec plusieurs membres de sa famille mais qui vient passer une ou deux nuits par semaine à côté de la cathédrale pour y trouver un peu de tranquillité. Ou bien cet homme qui habite avec sa femme et ses enfants à Taravao mais qui, depuis qu’il a décroché un CAE en ville, préfère dormir dans la rue du lundi au vendredi pour ne pas faire l’aller-retour jusque chez lui tous les jours. Un profil type se dessine toutefois : un homme de 30 à 55 ans, célibataire, né à Papeete, ayant vécu de 1 à 5 ans dans la rue, dont l’errance est due à des raisons familiales.
 
Quand on demande aux personnes à la rue quelles pourraient être les meilleures solutions pour les en sortir, la question de l’emploi, des finances et de la santé ressort en premier lieu. Mais le fait de renouer avec la famille apparaît comme la priorité suivante, au même titre que de trouver un logement. “C’est assez surprenant, on voit que le logement et le travail ne font pas forcément partie de leurs priorités”, s’étonne la ministre. “Bien sûr que c’est important, mais ça ne suffira peut-être pas sur le long terme s’il n’y a pas derrière un accompagnement psychologique et social.”
 
Des projets du côté de la DSFE
 
C’est pourquoi l’objectif de cette étude est de mener à la création d’une cellule spécialisée, au sein de la Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité (DSFE), entièrement dédiée à la prise en charge et au suivi des SDF. “Il faudra faire autant de parcours individualisés qu’il y a de cas particuliers. Les suivis devront être personnalisés au niveau psychologique, social ou médical, ou bien en termes d’habitat, d’emploi ou de formation. Cette cellule, composée de deux personnes, va prendre en charge, à partir d’août ou septembre, ce public vulnérable, qu’elle suivra jusqu’au bout de leur parcours de réinsertion sociale et professionnelle.”
 
Après le vote du budget à l’assemblée en juin, la DSFE recrute actuellement ces deux agents, qui devront donc travailler en étroite collaboration avec d’autres services et partenaires du Pays (Sefi, Office polynésien de l’habitat, Agence immobilière sociale de Polynésie française, Institut d’insertion médico-éducatif, Centre de formation professionnelle des adultes, Direction de la santé, services sociaux…).
 
Autre chantier de la DSFE, la mise en place des dispositifs SISAE, les structures d’insertion sociale par l’activité économique, est imminente. Ces dispositifs, qui s’adressent à un public éloigné de l’emploi, peuvent intéresser les personnes à la rue. C’est pourquoi leurs bureaux devraient être situés juste à côté de la nouvelle cellule qui leur est dédiée, afin de faciliter les échanges.
 
“On va entamer les réunions de travail avec les parties prenantes et les associations au mois d’août. On va ensuite pouvoir lancer les appels à projets, dans des domaines qui ne soient pas concurrentiels du secteur privé. Des associations comme Face ou Hotuarea Nui vont pouvoir se positionner courant septembre afin de lancer les premiers projets pilotes d’ici la fin de l’année”, s’enthousiasme Virginie Bruant. Cela pourrait concerner plusieurs centaines de personnes, sur toutes les îles.
 

Les sans-abri en quelques chiffres

Résumé du questionnaire mené sur un échantillon de 166 personnes sans domicile fixe, sur environ 300 personnes vivant dans la rue dans la zone urbaine de Tahiti.
 
  • Situation de la personne
75% sont des hommes.
71% sont âgés de 30 à 55 ans (20% de 18 à 29 ans et 8% de plus de 55 ans).
143 personnes sont originaires de l’archipel de la Société, 12 des Tuamotu, 5 de métropole, 3 des Gambier, 2 d’autres îles d’Océanie et 1 des Marquises.
52% sont célibataires, 41% en couple, 6% mariés et 1% veufs.
57% ont des enfants et sont essentiellement hébergés dans les foyers de Emauta.
35% des personnes recensées ont passé d’1 à 5 ans dans la rue.
 
  • Parcours personnel
63 personnes ont déclaré percevoir un revenu, issu principalement de la mendicité (pour 30 d’entre elles) et du travail au noir (pour 16).
26 personnes touchent des allocations familiales (principalement des femmes), d’un montant de 7 000 Fcfp à 28 000 Fcfp, et 6 une pension de retraite.
28% sont porteurs de handicap, parmi lesquelles 13% sont placés sous tutelle ou curatelle.
 
  • Situation administrative
15% sont propriétaires d’un terrain et 8% d’une maison. Ces personnes sont en situation d’errance principalement pour raisons familiales (conflits).
94% ont une carte d’identité et 91% un compte bancaire.
 
  • Parcours d’hébergement
45% ne sont pas intégrés dans une structure d’accueil et il s’agit d’un choix personnel dans 43% des cas.
66 personnes retournent de temps en temps auprès de leurs proches, sans envisager de retour définitif, du fait de conflits familiaux.
 
  • Parcours professionnel
Plus de 90% savent lire et écrire.
67% ont un niveau d’études secondaires et 55% ont un diplôme (BEP et CAP principalement).
62 personnes ont une activité économique, principalement des CAE, CDD, CDI et travail non déclaré.
51% ont bénéficié d’une formation par le biais de leurs centres d’hébergement.
 
  • Parcours de soin
35% d’entre eux bénéficient d’une prise en charge médicale régulière, davantage psychique que physique. Cela s’explique par le suivi médical au sein du CHPF suite à une décompensation psychiatrique.

 

Trois opérations de construction toujours dans les tuyaux

Virginie Bruant, ministre des Solidarités, présente les plans du projet de village communautaire à Afaahiti.
Virginie Bruant, ministre des Solidarités, présente les plans du projet de village communautaire à Afaahiti.
Ils ont pris beaucoup de retard sur le calendrier mais ils sont toujours d’actualité. Les trois projets d’accueil de sans-abri du ministère des Solidarités devraient sortir de terre dans deux ou trois ans.

Le premier est la construction d’un centre d’accueil de jour à Vaininiore, où les personnes sans domicile fixe pourront être accueillis avec leurs animaux de compagnie, point important quand l’on sait que le fait de ne pas savoir où laisser leurs animaux la journée est l’un des freins principaux à la recherche d’un emploi. Le site comprendra également des salles de formation et de réinsertion. Le budget est d’environ 350 millions de Fcfp.

Le deuxième est le centre d’hébergement et de réinsertion sociale à Raimanutea, en lieu et place de l’ancien IIME, un bâtiment de 950 m2 sur 6 000 m2 de terrain. Ce projet inclut des zones d’hébergement d’urgence et de formation professionnelle, ainsi que des jardins partagés. Le budget est d’environ 600 millions de Fcfp.

Enfin, le village communautaire de Afaahiti n’accueillera pas que des sans-abri mais également des anciens détenus ou des personnes en très grande précarité, l’idée étant de leur réapprendre à vivre en société. Des logements indépendants seront installés tout autour d’espaces communs centraux, où seront dispensés des ateliers et des formations professionnelles. Le budget dépasse les 500 millions de Fcfp.
 

Rédigé par Lucie Ceccarelli le Lundi 25 Juillet 2022 à 16:59 | Lu 3623 fois