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Questions de genre, orientation sexuelle... les intérêts renouvelés de la jeunesse étudiante


ALAIN JOCARD / AFP
ALAIN JOCARD / AFP
Paris, France | AFP | mardi 07/03/2022 - Les étudiants en sciences sociales, comme la fraction la plus diplômée de la jeunesse, portent un intérêt croissant aux questions de genre ou d'orientation sexuelle. A l'approche de la présidentielle, loin de s'opposer aux recherches sur les inégalités et les classes sociales, cet intérêt les enrichit, selon des témoignages recueillis par l'AFP.

"Ces sujets ont une grande importance, dans ma vie comme dans mes études", explique d'emblée Maxime, 20 ans, en licence de sociologie à Paris, qui souhaite être cité par son seul prénom.

"Harcèlement scolaire" au collège parce qu'il ne voulait pas jouer au foot avec les autres garçons, sexisme ou homophobie prégnants mais "invisibilisés" (non discutés, ni pris en compte) dans son lycée privé "catholique, extrêmement conservateur"... Ces sujets, il les étudie, mais ce fut aussi son quotidien. Comme beaucoup d'étudiants.

"Oui, mes étudiants des filières sciences humaines et sociales, ces questions de genre, d'égalité entre les sexes, de sexualité, voire d'environnement, ça les préoccupe de manière croissante, c'est vrai. Et parmi eux, de plus en plus de futurs doctorants", souligne à l'AFP Camille Peugny, directeur de la Graduate School sociologie et science politique de l'université Paris-Saclay.

Mobilisations pour l'égalité femmes-hommes, libération de la parole, notamment depuis le mariage homosexuel, prise de conscience des divers types de discriminations, développement des "études de genre", mouvement #metoo… Plusieurs raisons expliquent cet intérêt accru.

Mais en bon étudiant en sociologie, Maxime n'est pas dupe: "beaucoup d'étudiants à l'université sont de familles CSP+", les catégories sociales les plus favorisées, "mais d'autres franges de la jeunesse ont d'autres préoccupations, avant tout trouver un boulot pas trop précaire".

C'est que la jeunesse étudiante n"est pas toute la jeunesse. Celle-ci est "fracturée" par de "profondes inégalités sociales", et dans sa fraction la moins diplômée, notamment chez les "vaincus de la compétition scolaire", on observe une "marée montante de la précarité", explique Camille Peugny dans son livre "Pour une politique de la jeunesse" (République des Idées/Seuil), qui vient de paraître.

"pas de contradiction" 

Cette diversité explique pourquoi, en moyenne, les valeurs des moins de 30 ans ne diffèrent pas sensiblement de celles des 30-59 ans: si clivage il y a, c'est avec la génération des plus de 60 ans, résume le professeur de sociologie, à partir des enquêtes European Social Survey et European Value Survey de 2018.

Un constat qui recoupe, en partie, celui des sociologues Olivier Galland et Marc Lazar, dans leur étude "La jeunesse plurielle", que vient de publier l'Institut Montaigne et qui s'appuie sur un panel de 8.000 jeunes de 18 à 24 ans.

Les questions de genre, de droits des personnes LGBT ou l'idée d'un "racisme structurel" sont jugées très importantes par une partie seulement de ces jeunes (28%, 35% et 11% respectivement), alors que des sujets comme les violences faites aux femmes (77%), le racisme (67%), les inégalités et l'écologie (chacun 62%) le sont par une large majorité.

D'ailleurs, en dépit de divergences entre chercheurs, cet intérêt pour les discriminations de tous types ne paraît pas se développer au détriment de la question sociale.

Genre, orientation sexuelle, origine ethno-raciale... "Si ces questions paraissent plus importantes, c'est peut-être parce qu'elles sont plus médiatisées", relève Clara, venue de Nantes, même âge et mêmes études que Maxime. "Mais dans les travaux qui sont faits, ça ne prend pas le pas sur les inégalités sociales. C'est ce que je ressens dans les cours qu'on a, dans nos lectures, dans nos discussions entre camarades. Et si on fait une enquête en oubliant un de ces facteurs, elle risque d'être incomplète".

"Il n'y a pas de contradiction entre ces deux types de préoccupations, même moins qu"il y a quinze ans", renchérit Camille Peugny, pour qui "ce qui nous donne cette impression, c'est que les questions sociales sont moins portées par l'offre politique".

"Mais beaucoup de thèses enrichissent les points de vue sur les inégalités sociales par des questions de genre ou d'origine ethnique. On assiste plus à un enrichissement des analyses en termes de classes qu'à leur recul ou leur disparition", ajoute-t-il.

La jeunesse en cinq chiffres

Voici cinq chiffres illustrant la jeunesse en France, une classe d'âge au coeur des attentions à un mois de l'élection présidentielle.

30% de jeunes 

Trois Français sur dix (30%) sont âgés de moins de 25 ans, selon les données de l'Insee au 1er janvier.

Cela fait de la France, selon Eurostat (données 2020), le deuxième pays de l'Union européenne comptant la plus grande part de jeunes, derrière l'Irlande (33%).

Le poids des jeunes est nettement moins élevé dans les autres grands pays du bloc - 25% en Espagne, 24% en Allemagne et 23% en Italie, dernière du classement -, notamment en raison d'un taux de fécondité inférieur à celui de la France.

Près de 4H par jour sur le smartphone 

Les jeunes de 15-24 ans surfent chaque jour 3H41 sur leurs smartphones, soit plus de deux fois plus que l'ensemble de la population (1H37), selon une étude de Médiamétrie parue en novembre.

Cette durée est montée en flèche ces dernières années, puisque les 15-24 ans ne consacraient que 1H03 par jour à l'internet sur mobile quatre ans auparavant (octobre 2017).

Le premier confinement anti-Covid-19 du printemps 2020 a eu un fort impact, en faisant passer leur temps de surf mobile de 3H13 à 4H27 par jour. Les réseaux sociaux et messageries représentaient près de la moitié (45%) de cette hausse, les vidéos en ligne plus d’un quart (27%).

60% des jeunes ont voté aux deux tours en 2017 

Les jeunes sont une des classes d'âge qui votent le moins.

Lors de la dernière présidentielle, en 2017, seulement 62% des 18-24 ans et 58% des 25-29 ans ont glissé leur bulletin dans l'urne aux deux tours du scrutin, contre 73% de l'ensemble des adultes. Pire, entre 21% et 25% se sont même abstenus aux deux tours, contre 15% des adultes.

Cette tendance à plus forte abstention des jeunes est récurrente. Elle a culminé aux dernières régionales et départementales en juin 2021, 82% des moins de 35 ans s'étant abstenus.

Selon une étude parlementaire présentée en octobre, cela s'explique notamment par leur "désintérêt" et par des problèmes d'inscription électorale de jeunes qui déménagent régulièrement ou étudient loin du domicile de leurs parents.

1 jeune sur 2 fait du bénévolat 

En 2021, près d'un jeune sur deux (48%) a donné bénévolement de son temps au sein d'une association ou d'une autre organisation (parti politique, syndicat, etc.), selon un baromètre publié en janvier par l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) et le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc).

Cet engagement bénévole connaît une forte hausse, puisqu'il n'était que de 38% en 2016.

Le sport arrive en tête des domaines dans lesquels les jeunes s’engagent (31%), devant la jeunesse et l'éducation (19%), la culture et les loisirs (17%), le domaine social et la solidarité (17%).

Par ailleurs, plus les jeunes se sentent discriminés, plus ils s'engagent dans le bénévolat: de 35% chez les jeunes ne s'estimant pas discriminés à 83% chez jeunes confrontés à au moins six motifs de discrimination (orientation sexuelle, handicap, lieu de vie, origine, apparence physique, âge...).

1 jeune sur 2 croit en Dieu 

Près d'un jeune sur deux (48%) croit en Dieu, selon un sondage Ifop réalisé en août 2021 pour l'Association des journalistes d'information sur les religions (Ajir).

Cette proportion est globalement la même que pour l'ensemble de la population française (49%), mais les 18-34 ans sont la seule classe d'âge dont la croyance en Dieu ne flanche pas. Ils croient autant en Dieu que lors de la précédente édition du sondage en avril 2011, quand toutes les autres classes d'âge voient leur croyance en Dieu dégringoler: de 66% à 58% pour les 65 ans et plus, de 58% à 47% pour les 50-64 ans et de 52% à 45% pour les 35-49 ans.

5 propositions pour la jeunesse des candidats à l'Elysée

Des exonérations d'impôts à la création d'une banque, en passant par une dotation de 5.000 euros, les candidats à l'Elysée rivalisent d'idées pour soutenir la jeunesse. En voici cinq:

Exonération fiscale (Le Pen)

Si elle est élue présidente de la République le 24 avril, la candidate RN Marine Le Pen, qui promet une "politique massive de soutien aux jeunes familles", appliquera une "exonération totale d'impôt sur le revenu" pour tous les jeunes de moins de 30 ans. Elle souhaite ainsi convaincre les jeunes de ne pas partir travailler à l'étranger. "Je veux qu'ils construisent des entreprises, qu'ils s'installent avec leurs familles et envisagent leur avenir en France", a-t-elle affirmé.

Une "banque des jeunes" (Pécresse)

La candidate LR Valérie Pécresse propose la création d'une "banque des jeunes", qui leur accorderait des prêts garantis par l'Etat "pour financer leurs études ou créer leur entreprise". Selon ses propres termes, cette nouvelle banque serait celle du "droit à l'échec". Elle "ne se remboursera que si le jeune gagne un certain niveau de salaire": "Vous vous lancez dans des études, si ça ne marche pas, c'est l'Etat qui garantit", a-t-elle ajouté.

Une aide sociale (Macron)

Si le président-candidat Emmanuel Macron n'a pas encore publié son projet, le mouvement de jeunesse de la majorité présidentielle, les Jeunes avec Macron (JAM), a formulé plusieurs propositions envers la jeunesse. Parmi elles, "l'aide sociale aux étudiants", qui ont été particulièrement mis à l'épreuve lors de la crise sanitaire. Cette mesure devrait s'effectuer notamment par une réforme des bourses et doit "vraisemblablement" figurer dans le programme, selon un cadre des JAM.

Une garantie d'autonomie (Mélenchon)

L'Insoumis Jean-Luc Mélenchon propose une "garantie d'autonomie": 1.063 euros seront ainsi alloués à tout jeune qui étudie et est détaché du foyer fiscal parental. La mesure serait financée par la taxation à 100% des successions au-delà de 12 millions d’euros.

Une dotation (Hidalgo)

La candidate PS Anne Hidalgo, qui souhaite instaurer un minimum jeunesse "ouvert dès 18 ans sous condition de ressources à hauteur du RSA" (revenu de solidarité active), veut donner aux jeunes "les moyens de leur émancipation". Pour y parvenir, elle propose "une dotation en capital de 5.000 euros qui sera attribuée à chaque jeune à ses 18 ans, sans conditions de ressources, pour lui permettre de financer ses projets professionnels et personnels. 

Et aussi... un revenu étudiant

Le communiste Fabien Roussel propose un revenu de 850 euros par mois pour tous les étudiants, sans conditions de ressources. 

le Mardi 8 Mars 2022 à 14:04 | Lu 552 fois