Tahiti Infos

Quelle vision pour la Polynésie de 2050 ?


PUNAAUIA, le 11 juillet 2017 - Pour son anniversaire, le CESC a organisé ce mardi une journée de conférences publiques sur le thème "Comment envisager un développement harmonieux de la Polynésie pour les 40 années à venir ?" Une trentaine de personnalités se sont exprimés sur la question lors des discours et ateliers. Nous sommes allés leur demander de nous dévoiler leur vision de la Polynésie de 2050…


La population en 2050

La présentation de Fabien Breuilh, directeur de l'Institut de la statistique de Polynésie française, a donné une vision de notre avenir démographique.
Ainsi, les modèles prédisent que le maximum de notre population sera atteint dans la décennie 2030, nous serons alors autour de 320 000 habitants. Ensuite les démographes s'attendent à ce que la population se stabilise ou diminue, en fonction du solde migratoire.
En parallèle, la population vieillit rapidement. La natalité est déjà passée sous les deux enfants par femme et d'ici 2030, un polynésien sur cinq aura plus de 65 ans. En 2050 chaque retraité pourra compter sur deux actifs, ce qui pose les défis de la gestion des retraites et du développement de la "silver economy".

Bran Quinquis, docteur en économie environnementale, conseiller au gouvernement

"Je ne suis pas fataliste pour l'avenir. Le changement climatique est une réalité mais je pense que d'ici 2040 – 2050, nous aurons réussi à nous adapter. Les écosystèmes eux-mêmes auront peut-être aussi réussi à s'adapter, même nos récifs coralliens qui sont au cœur de nos écosystèmes marins. Certains scientifiques sont alarmistes, mais d'autres disent que la Polynésie pourrait être un des derniers refuges pour les récifs coralliens d'ici 2050, donc tout espoir n'est pas perdu…
Et on peut fournir du travail aux jeunes et développer notre économie sans sacrifier notre environnement. Chaque défi que la Polynésie aura à relever, sur la démographie, sur l'environnement, apportera aussi des opportunités, ce sont autant de trains à ne pas rater. Par exemple la transition énergétique va créer beaucoup d'emplois, qualifiés ou non. D'ici 2050 nos enfants auront tous un travail dans la mise en œuvre de ces transitions. Nos petits enfants seront installateurs de panneaux solaires, boutureurs de corail, pêcheurs écoresponsables, agriculteurs durables, conducteurs de transports propres, concepteurs ou architectes de bâtiments écoresponsables… Mais ce sera une longue transition."

Matairea Bessert, fondateur de la marque Nesian

"La marque Nesian a été créée en 2014 à Raiatea, et depuis nous avons pu bien nous installer localement, et maintenant on travaille sur l'exportation. Donc je crois en l'avenir, mais pas celui qu'on imagine aujourd'hui. L'avenir est une page blanche, et tout ce que l'on va décider aujourd'hui va dessiner le futur. La société que l'on critique aujourd'hui, on l'a choisie il y a quelques années, c'est tout.
Donc pour la société de 2050, je pense qu'il faut surtout travailler sur la jeunesse. Elle est un peu perdue aujourd'hui, c'est vrai, mais je pense que c'est elle qui va construire cette société de demain. La Polynésie a plein de ressources, les grandes nations nous regardent et nous envient pour notre potentiel énorme dans l'environnement, les ressources marines, la création… On peut créer dans n'importe quel domaine ! Je pense que chacun de nous a un potentiel qu'il faut exploiter. Certains sont bons pour être salariés d'une entreprise et gérer, d'autre sont bons dans la culture, l'art, et d'autres sont bons pour créer. Il faut permettre à chacun de trouver son potentiel."

Christopher Kozely (consul des Etats-Unis) et Hiria Ottino (consultant, spécialiste des relations avec la Chine)

Christopher Kozely : "Mes impressions sont que la Polynésie a besoin de se réveiller. On a un peu traîné ces dernières décennies. On doit développer les relations de la Polynésie et des États-Unis, en particulier dans le tourisme. Il faut construire plus d'hôtels, beaucoup d'Américains me disent que c'est impossible de trouver une chambre en Polynésie. Donc la suite logique serait de développer des projets hôteliers, avec une image différente du simple honey moon et beaucoup de nouvelles activités, un développement de l'éco tourisme, des randonnées, des trails de VTT… Plein d'activités sur Tahiti même. Il faut aussi diversifier l'économie, et je proposerais de faire jouer ce qui a marché par le passé. Hollywood adore filmer la Polynésie, et pour les attirer il faudrait faire de Tahiti un grand studio. Il y a plein de niches comme ça qui ne polluent pas, donnent du travail et créent un futur pour la Polynésie. Il y a aussi toutes les technologies américaines, les États-Unis sont prêts à collaborer avec la Polynésie pour le développement de nouvelles technologies écologiques."

Hiria Ottino : "Il faut voir à quoi va ressembler le monde en 2050. Je crois qu'il y a un vrai clivage entre les mondialistes et les nationalistes dont on ne parle pas aujourd'hui, mais je pense que ce sera une clé de la question. Il y a l'option occidentale, dirigée par le G7 avec toutes les lois occidentales qui s'appliquent, avec une forme d'uniformisation des langues, des cultures et des lois où les nations disparaissent. En face il y a un nouveau bloc qui se met en place à travers les Pays émergents et la Route de la soie, pour créer une sorte de société multipolaire.
Si on choisit la voie de la mondialisation, on ira vers une très grande intégration et en 2050 il ne restera rien de notre culture, plus que du folklore pour touristes, des cocotiers et du sable blanc. Avec l'autre voie, nous serions une nation beaucoup plus forte où on aurait plus de possibilités de conserver notre identité, mais aussi avec des choix d'investissement plus forts. C'est un danger de baser notre économie entière sur le tourisme, où nous n'avons aucun levier sur ce qu'il se passe à l'extérieur. Il faut développer des nouvelles industries. Par exemple l'aquaculture pour lutter contre la surpêche. Mais je vois toujours une Polynésie ouverte sur l'étranger, où les investissements sont autorisés."


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 11 Juillet 2017 à 17:44 | Lu 4367 fois