PARIS, 14 février 2014 (AFP) - La résistance croissante des microbes aux traitements classiques, surtout les antibiotiques, est devenu une menace à l'échelle de la planète, prise très au sérieux par les autorités sanitaires qui, comme l'OMS, commencent à multiplier mises en garde et plans d'action.
Un nouveau signal d'alarme est venu des Etats-Unis où l'organisme fédéral de santé CDC a estimé que la résistance des bactéries aux antibiotiques faisait chaque année "au moins 23.000 morts", à peu près autant que les morts par armes à feu.
"Si nous ne faisons pas attention, nous serons bientôt dans l'ère post-antibiotique", un âge où ces remèdes miracles du 20e siècle ne seront plus efficaces, a lancé en septembre le directeur des CDC, Dr Tom Frieden.
"C'est un problème majeur de santé publique", confirme pour l'AFP le professeur Patrice Courvalin qui dirige à Pasteur le Centre national de référence de la résistance aux antibiotiques.
"Le problème n'est pas seulement de ne plus pouvoir traiter une maladie mais de devoir, un jour, tirer un trait sur 20 à 30 ans de progrès médical", explique-t-il.
On oublie trop facilement que la découverte des antimicrobiens, en premier lieu les antibiotiques, entre 1930 et 1970, a constitué une incroyable avancée qui s'est matérialisée par des années d'espérance de vie en plus et a rendu possible de nombreux succès de chirurgie.
Au Royaume-Uni, la principale conseillère du gouvernement pour la santé, la Chief medical officer Sally Davies, parle des résistances aux antibiotiques comme d'une menace globale comparable au terrorisme ou au réchauffement climatique.
- Emblématique tuberculose ultra-résistante -
Ce phénomène est pourtant naturel: il s'agit de l'apparition par un processus de sélection de souches mutantes de bactéries (ou virus, champignons, parasites comme celui du paludisme) devenus "insensibles" à tel ou tel médicament.
Les infections provoquées par des micro-organismes "rebelles" ne répondent plus aux traitements classiques, ce qui entraîne une maladie plus longue à traiter, un danger accru de transmission à d'autres, un surcoût et surtout un risque de décès supérieur.
La tuberculose est l'infection la plus emblématique du défi posé par les résistances. Des germes résistants se sont développés et aujourd'hui près de 5% des nouveaux cas sont dus à des bacilles de Koch "multirésistants", à savoir insensibles aux deux antibiotiques standard, normalement efficaces, l'isoniazide et la rifampicine.
Il y a plus grave avec l'apparition d'une tuberculose "ultra-résistante", non seulement insensible à ces deux traitements mais aussi réfractaire à des antibiotiques de deuxième recours. Ces cas représentent désormais près de 10% des tuberculoses résistantes.
"Dans certaines parties du monde, nous sommes déjà à court d'antibiotiques", s'alarme Timothy Walsh, professeur en microbiologie à l'Université de Cardiff, citant l'Inde, le Pakistan, l'Asie du Sud-Est ou l'Amérique Latine.
Les résistances microbiennes ne sont pas l'apanage des pays pauvres. La multiplication dans des hôpitaux de pays riches d'infections "nosocomiales" sur des patients affaiblis, par des bactéries résistantes comme des staphylocoques dorés, le prouve.
Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'usage "inapproprié" des anti-microbiens est la première cause de résistance. C'est le cas dans les pays pauvres lorsque les doses administrées sont trop faibles. C'est aussi le cas dans les pays riches avec des utilisations au contraire excessives.
La France est le troisième plus gros consommateur européen d'antibiotiques (par habitant) après avoir longtemps été numéro un. Après des campagnes d'information, l'habitude d'en prescrire inutilement pour les maladies virales s'estompe. Mais encore aujourd'hui, 20% des médicaments qui "dorment" dans les armoires à pharmacie sont des antibiotiques.
C'est aussi une réalité dans les fermes du monde occidental où la moitié des antimicrobiens produits sont destinés aux animaux d'élevage, pour accroître les rendements en viande. "Ces pratiques contribuent à augmenter les résistances d'organismes comme les salmonelles qui peuvent se transmettre à l'homme", relève l'OMS.
- Phagothérapie, une solution -
L'inexorable émergence de mutants "résistants" parfois redoutables oblige les autorités sanitaires à réagir. L'OMS a défini dès 2001 une "stratégie" pour limiter et surveiller les résistances au niveau mondial.
Mais les plans d'action semblent encore timides. Aux Etats-Unis, l'administration qui régule les produits sanitaires, FDA, veut simplement convaincre l'industrie pharmaceutique d'éliminer "certains" antibiotiques des élevages.
En Europe, la commission a mis au point en 2011 un plan anti-résistance dont l'un des objectifs est de stimuler la recherche. La tâche s'annonce rude, selon le spécialiste des maladies infectieuses Olivier Patey, car "les grands laboratoires ne sont pas motivés" pour ces produits qui sont encore "de niche".
La "phagothérapie" qui consiste à utiliser des virus pour tuer de manière ciblée des bactéries, pourrait bien être la grande gagnante du programme européen anti-résistance.
Bruxelles a financé en 2013 un premier projet dans ce domaine, baptisé Phagoburn pour tester deux produits à base de "virus bactériophages" contre des bactéries résistantes s'attaquant aux plaies de grands brûlés.
La phagothérapie pourrait se développer "à court terme pour le traitement d'infections bactériennes nosocomiales, multirésistantes aux antibiotiques", explique Jérôme Gabard, PDG de la start-up Pherecydes Pharma qui coordonne Phagoburn.
Refroidi par un contexte légal défavorable (les virus issus du vivant ne peuvent être brevetés) "les grands labo restent pour l'instant hors circuit" de la phagothérapie, note Dr Patey du Centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges (région parisienne).
Un nouveau signal d'alarme est venu des Etats-Unis où l'organisme fédéral de santé CDC a estimé que la résistance des bactéries aux antibiotiques faisait chaque année "au moins 23.000 morts", à peu près autant que les morts par armes à feu.
"Si nous ne faisons pas attention, nous serons bientôt dans l'ère post-antibiotique", un âge où ces remèdes miracles du 20e siècle ne seront plus efficaces, a lancé en septembre le directeur des CDC, Dr Tom Frieden.
"C'est un problème majeur de santé publique", confirme pour l'AFP le professeur Patrice Courvalin qui dirige à Pasteur le Centre national de référence de la résistance aux antibiotiques.
"Le problème n'est pas seulement de ne plus pouvoir traiter une maladie mais de devoir, un jour, tirer un trait sur 20 à 30 ans de progrès médical", explique-t-il.
On oublie trop facilement que la découverte des antimicrobiens, en premier lieu les antibiotiques, entre 1930 et 1970, a constitué une incroyable avancée qui s'est matérialisée par des années d'espérance de vie en plus et a rendu possible de nombreux succès de chirurgie.
Au Royaume-Uni, la principale conseillère du gouvernement pour la santé, la Chief medical officer Sally Davies, parle des résistances aux antibiotiques comme d'une menace globale comparable au terrorisme ou au réchauffement climatique.
- Emblématique tuberculose ultra-résistante -
Ce phénomène est pourtant naturel: il s'agit de l'apparition par un processus de sélection de souches mutantes de bactéries (ou virus, champignons, parasites comme celui du paludisme) devenus "insensibles" à tel ou tel médicament.
Les infections provoquées par des micro-organismes "rebelles" ne répondent plus aux traitements classiques, ce qui entraîne une maladie plus longue à traiter, un danger accru de transmission à d'autres, un surcoût et surtout un risque de décès supérieur.
La tuberculose est l'infection la plus emblématique du défi posé par les résistances. Des germes résistants se sont développés et aujourd'hui près de 5% des nouveaux cas sont dus à des bacilles de Koch "multirésistants", à savoir insensibles aux deux antibiotiques standard, normalement efficaces, l'isoniazide et la rifampicine.
Il y a plus grave avec l'apparition d'une tuberculose "ultra-résistante", non seulement insensible à ces deux traitements mais aussi réfractaire à des antibiotiques de deuxième recours. Ces cas représentent désormais près de 10% des tuberculoses résistantes.
"Dans certaines parties du monde, nous sommes déjà à court d'antibiotiques", s'alarme Timothy Walsh, professeur en microbiologie à l'Université de Cardiff, citant l'Inde, le Pakistan, l'Asie du Sud-Est ou l'Amérique Latine.
Les résistances microbiennes ne sont pas l'apanage des pays pauvres. La multiplication dans des hôpitaux de pays riches d'infections "nosocomiales" sur des patients affaiblis, par des bactéries résistantes comme des staphylocoques dorés, le prouve.
Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'usage "inapproprié" des anti-microbiens est la première cause de résistance. C'est le cas dans les pays pauvres lorsque les doses administrées sont trop faibles. C'est aussi le cas dans les pays riches avec des utilisations au contraire excessives.
La France est le troisième plus gros consommateur européen d'antibiotiques (par habitant) après avoir longtemps été numéro un. Après des campagnes d'information, l'habitude d'en prescrire inutilement pour les maladies virales s'estompe. Mais encore aujourd'hui, 20% des médicaments qui "dorment" dans les armoires à pharmacie sont des antibiotiques.
C'est aussi une réalité dans les fermes du monde occidental où la moitié des antimicrobiens produits sont destinés aux animaux d'élevage, pour accroître les rendements en viande. "Ces pratiques contribuent à augmenter les résistances d'organismes comme les salmonelles qui peuvent se transmettre à l'homme", relève l'OMS.
- Phagothérapie, une solution -
L'inexorable émergence de mutants "résistants" parfois redoutables oblige les autorités sanitaires à réagir. L'OMS a défini dès 2001 une "stratégie" pour limiter et surveiller les résistances au niveau mondial.
Mais les plans d'action semblent encore timides. Aux Etats-Unis, l'administration qui régule les produits sanitaires, FDA, veut simplement convaincre l'industrie pharmaceutique d'éliminer "certains" antibiotiques des élevages.
En Europe, la commission a mis au point en 2011 un plan anti-résistance dont l'un des objectifs est de stimuler la recherche. La tâche s'annonce rude, selon le spécialiste des maladies infectieuses Olivier Patey, car "les grands laboratoires ne sont pas motivés" pour ces produits qui sont encore "de niche".
La "phagothérapie" qui consiste à utiliser des virus pour tuer de manière ciblée des bactéries, pourrait bien être la grande gagnante du programme européen anti-résistance.
Bruxelles a financé en 2013 un premier projet dans ce domaine, baptisé Phagoburn pour tester deux produits à base de "virus bactériophages" contre des bactéries résistantes s'attaquant aux plaies de grands brûlés.
La phagothérapie pourrait se développer "à court terme pour le traitement d'infections bactériennes nosocomiales, multirésistantes aux antibiotiques", explique Jérôme Gabard, PDG de la start-up Pherecydes Pharma qui coordonne Phagoburn.
Refroidi par un contexte légal défavorable (les virus issus du vivant ne peuvent être brevetés) "les grands labo restent pour l'instant hors circuit" de la phagothérapie, note Dr Patey du Centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges (région parisienne).