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Quand le lagon est expliqué aux enfants par les scientifiques


Préparation des boutures de corail.
Préparation des boutures de corail.
FAA'A, le 22 avril 2015. De jeunes thésards et chercheurs du CNRS, tous membres du Criobe, mènent depuis plusieurs années des travaux scientifiques d'observation sur l'évolution du corail et son adaptation au réchauffement climatique. Ce mercredi, les élèves d'une classe de CM2 de Saint-Hilaire ont bouturé du corail.
Ils ont beau être des enfants polynésiens et aller régulièrement se baigner dans le lagon tout proche de chez eux, ils n'en connaissent pas, loin de là tous les secrets et mystères. Ce mercredi, les 29 élèves d'une classe de CM2 de l'école Saint-Hilaire de Faa'a ont été accueillis au lagoonarium de l'Intercontinental et ont découvert le fonctionnement de ce milieu fragile et fascinant dans lequel ils se baignent avec insouciance. "Ils fréquentent régulièrement le lagon, touchent du corail et regardent les poissons qui y vivent, mais ne savent pas toute la richesse de ce milieu. C'est un bon sujet pour étudier avec eux la biodiversité et la préservation de leur environnement naturel" explique Freddy Vongue, leur instituteur. Et pour découvrir l'extraordinaire vivacité du lagon, la nécessité de préserver le corail, suivre la métamorphose des poissons coralliens, ces enfants ont eu droit aux meilleurs des guides avec deux jeunes thésards du Criobe (Centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement). Antoine Puisay leur a expliqué la reproduction des coraux, Marc Besson le cycle de vie des poissons coralliens. Pour ces enfants âgés de 9 à 11 ans, cette matinée de conférences et d'actions pratiques est passée avec la rapidité de l'éclair, "ils prennent conscience des bons comportements qu'il faut adopter dans le lagon et avec l'environnement en général. Nous poursuivrons ce travail en classe" poursuit leur instituteur.

Mais le plus impressionnant sans doute pour les enfants est la participation aux opérations de "bouturage" du corail. Cette méthode de reproduction, par fragmentation, est pratiquée depuis plus de 45 ans mais reste encore teintée de mystère pour ceux qui ne la connaissent pas. "Bien que le corail soit un animal, son apparence avec des branches et son mode de développement sont similaires à celles des arbres aussi les techniques de la sylviculture ont été adaptées au corail" explique Antoine Puisay. Depuis plusieurs années, le Criobe mène des recherches sur cette reproduction asexuée des coraux à la fois en milieu protégé comme dans le lagoonarium de l'Intercontinental, mais aussi en milieu naturel pour comparer le taux de réussite de deux milieux, leurs évolutions. Les scientifiques espèrent ainsi, à terme, pouvoir combattre efficacement les effets du réchauffement climatique. Les épisodes de forte chaleur et d'élévation de la température de l'eau conduisent au blanchissement du corail et à la mort des barrières récifales qui protègent les atolls (voir ci-dessous). Le bouturage permettrait ainsi de restaurer les barrières de corail très endommagées.


Les boutures de corail sont collés sur de petits supports en plastique (vendus en magasins de bricolage) puis replacés sur les massifs coralliens dans le lagon.
Les boutures de corail sont collés sur de petits supports en plastique (vendus en magasins de bricolage) puis replacés sur les massifs coralliens dans le lagon.
Des coraux résistants au stress du changement climatique ?

Antoine Puisay a démarré en décembre 2014 avec le Criobe -basé à Moorea- une thèse en vue de développer une méthode pour que les coraux puissent mieux appréhender les changements futurs. La publication finale de son travail est attendue dans trois ans. "On sait que la température de l'eau va augmenter, notre objectif est de voir comment les coraux vont pouvoir mieux vivre dans cet environnement" explique Laetitia Hédouin, chercheur au CNRS basée au Criobe depuis 2010. Deux approches sont étudiées parallèlement. "Lorsqu'il y a un épisode de blanchissement des coraux, tous ne sont pas atteints. L'étude va suivre l'adaptation de ceux qui résistent. Le but est de réensemencer le récif avec ces coraux résistants. Nous espérons que la résistance de ces coraux à la maladie sera transmise à la descendance. La 2e approche consiste à pratiquer des fécondations artificielles de coraux et d'exposer ces jeunes coraux, progressivement à des changements de température pour voir leur adaptation à ce stress jusqu'à ce qu'ils y résistent complètement".

A droite sur la photo, Laetitia Hédouin, chercheur au CNRS en eco-toxicologie. Elle travaille depuis 2010 avec le Criobe. Elle observe particulièrement "la réponse du corail au stress anthropique".
A droite sur la photo, Laetitia Hédouin, chercheur au CNRS en eco-toxicologie. Elle travaille depuis 2010 avec le Criobe. Elle observe particulièrement "la réponse du corail au stress anthropique".
En 2015, le corail blanchit à nouveau

Avec la chaleur constatée depuis de longs mois en Polynésie française, pas étonnant de remarquer que les coraux souffrent de nouveau."On a vu clairement cette année le blanchissement du corail. Sur les huit sites que le Criobe contrôle trois sont atteints désormais en raison d'une température qui est bien plus chaude que la normale. Heureusement, les premiers constats de ce blanchissement qui peut atteindre jusqu'à 20% d'une colonie sont assez récents. Aussi comme nous sommes en fin de la saison chaude, nous espérons que ce blanchissement constaté ne conduira pas à une mortalité du corail atteint. On a tagué des coraux atteints de blanchissement pour les suivre de près" indique Laetitia Hédouin, chercheur CNRS.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 22 Avril 2015 à 16:41 | Lu 1868 fois