Tahiti, le 13 janvier 2021 - Alors que la crise a émoussé la confiance, les questions autour de la composition et de la sûreté du vaccin Pfizer/BioNTech se multiplient. Du côté de l'église catholique, on s'en remet à la science, du côté des protestants, on demande des garanties et du côté du collectif Masque-Arade, on dénonce des "manipulations génétiques" sans pouvoir apporter d'explications rationnelles.
Moins prégnante en Polynésie que sur l'Hexagone, la défiance à l'égard du vaccin Pfizer/BioNTech n'en est pas moins réelle. "Ce n'est pas qu'on est contre le vaccin, mais on s'interroge beaucoup sur ce qu'il y a dedans" reconnaît François Pihaatae, président de la conférence de l’Église du Pacifique. "Si ça transforme effectivement l'ADN, ça pose quand même quelques questions éthiques...". L'inquiétude qui court sur les réseaux sociaux trouve un écho particulier chez une frange de la société polynésienne, alors que la composition du vaccin, qui repose sur l'injection intramusculaire d'un ARN messager, semble encore largement incomprise.
Il faut dire que le sujet est éminemment complexe, soulevant à juste titre de nombreuses questions. "Peut-il être dangereux à terme avec des effets secondaires ? Était-ce vraiment utile de vacciner ? N'aurait-on pas mieux fait d'attendre 4 ou 5 ans pour être sûr de son efficacité ?" interroge l'homme de foi. Pas de doute pour lui, les gens ont besoin d'être rassurés sur ces questions dans la morosité ambiante de la crise. "La population vit déjà dans la crainte, tout va très vite et le vaccin c'est un sujet compliqué".
Du côté de l'église catholique, on s'en remet humblement aux gens du métier. "On ne fait pas partie du corps médical pour pouvoir porter un jugement sur l'efficacité de la vaccination, ce qui relève des chercheurs, du corps médical et des laboratoires", indique Mgr Jean-Pierre Cottenceau, archevêque de Papeete.
Un "négationnisme suicidaire"
Un discours qui s'inscrit sur la ligne du chef du Vatican. Plus catégorique, le pape François a d'ailleurs estimé que l'opposition au vaccin contre le Covid-19 traduit un "négationnisme suicidaire." Lui-même personne à risque à 84 ans, le chef de 1,3 milliard de catholiques dans le monde, s'est fait vacciner hier, au premier jour de la campagne de vaccination organisée par le micro-État. "Ce n'est pas une obligation, en revanche ceux qui refusent la vaccination doivent trouver un moyen de se protéger et de protéger les autres, mais l'Église n'a pas le pouvoir de porter un jugement sur l'efficacité de la vaccination, l'Église n'a aucune prérogative à donner là-dessus" rappelle Mgr Jean-Pierre Cottenceau.
Plus radical, le collectif Masque-Arade estime que le "soi-disant" vaccin "n'en est pas un". "Un vaccin, c'est une injection d'un virus pas très virulent pour développer une réponse immunitaire. Aujourd'hui, ce qu'on nous présente c'est une thérapie génétique, c'est-à-dire qu'on va changer l'ADN pour qu'il fasse des virus", dénonce Pascal Pique, porte-parole du collectif. Une intime conviction pour cet ancien candidat du parti Union Populaire Républicaine (UPR) qui se contentera d'une affirmation sans apporter d'explication rationnelle.
Du côté de la direction de la Santé, on reconnaît la complexité du mécanisme, mais on dément la rumeur puisque non seulement "l'ARN contenant le code génétique d’une protéine virale ne rentre pas dans le noyau des cellules", mais en plus "il ne peut pas interagir avec notre code génétique", comme l'explique Sabine Henry, responsable du bureau de veille sanitaire.
"Les mécanismes pour aller dans le noyaux de la cellule et modifier nos gênes ne sont juste pas possibles"
"L'ARN messager, c'est un peu comme une copie de l'ADN, il ne sort pas d'un organisme vivant, il est fabriqué en laboratoire et il reste dans son enveloppe composée de graisse : le cytoplasme. Les mécanismes pour aller dans le noyau de la cellule et modifier nos gênes, qui sont sous forme d'ADN, ne sont juste pas possibles. Il manque l'équipement enzymatique qui permet l'intégration dans nos gênes, tente d'expliciter le médecin. Lors de la synthèse protéique, l'information circule de l'ADN vers l'ARN –qui n'est qu'une copie de l'ADN– puis vers la machinerie pour produire les protéines. Ce sens ne peut pas être inversé."
Bien que toutes les étapes ont été respectées, la rapidité de mise au point du vaccin –en l'espace d'un an– revient également sur la table, soulevant des soupçons de travers ou de travail bâclé. "Il y a plusieurs années de recherche et de développement derrière l'ARN messager, d'ailleurs il y a beaucoup de ce type de vaccins en préparation, mais sur des pathogènes qui sont moins d'actualité que le Covid, poursuit le médecin. Les vaccins utilisent d'habitude des agents pathogènes atténués, mais vivants et donc plus dangereux à manipuler. L'ARN en revanche est beaucoup moins risqué parce que c'est juste une reproduction des codes pour fabriquer la protéine du virus."
"Le vaccin a plusieurs cibles"
Étrangères mais inoffensives, ces protéines, appelée "spikes", déclenchent une production d’anticorps construisant ainsi notre immunité. "C'est un énorme avantage sur les autres vaccins, puisque la protéine produite est très proche de la protéine naturelle, du coup on a une réponse immunitaire complète" reprend la responsable. D'où son taux d'efficacité affiné à 94%.
Habituellement, la vaccination consiste à injecter un virus sous une forme affaiblie ("atténuée") afin de préparer l’organisme à une attaque de plus grande ampleur. "Avec les vaccins à ARN messager, l’idée est de laisser nos cellules fabriquer elles-mêmes le composant contre lequel notre organisme va apprendre à se défendre" défend l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
Restent, enfin, les inquiétudes autour des variants anglais qui font beaucoup de bruit en Europe. "Le vaccin a plusieurs cibles, les anticorps produits vont aller sur plusieurs positions de la protéine, si celle-ci mute, il y a d'autres endroits ou s'accrocher. Pour l'instant, d'après les données, il n'y a pas de perte d'efficacité." La responsable du bureau de veille sanitaire précise au passage que le Covid-19 est beaucoup plus stable que le virus de la grippe, qui varie énormément du fait de sa structure.
Moins prégnante en Polynésie que sur l'Hexagone, la défiance à l'égard du vaccin Pfizer/BioNTech n'en est pas moins réelle. "Ce n'est pas qu'on est contre le vaccin, mais on s'interroge beaucoup sur ce qu'il y a dedans" reconnaît François Pihaatae, président de la conférence de l’Église du Pacifique. "Si ça transforme effectivement l'ADN, ça pose quand même quelques questions éthiques...". L'inquiétude qui court sur les réseaux sociaux trouve un écho particulier chez une frange de la société polynésienne, alors que la composition du vaccin, qui repose sur l'injection intramusculaire d'un ARN messager, semble encore largement incomprise.
Il faut dire que le sujet est éminemment complexe, soulevant à juste titre de nombreuses questions. "Peut-il être dangereux à terme avec des effets secondaires ? Était-ce vraiment utile de vacciner ? N'aurait-on pas mieux fait d'attendre 4 ou 5 ans pour être sûr de son efficacité ?" interroge l'homme de foi. Pas de doute pour lui, les gens ont besoin d'être rassurés sur ces questions dans la morosité ambiante de la crise. "La population vit déjà dans la crainte, tout va très vite et le vaccin c'est un sujet compliqué".
Du côté de l'église catholique, on s'en remet humblement aux gens du métier. "On ne fait pas partie du corps médical pour pouvoir porter un jugement sur l'efficacité de la vaccination, ce qui relève des chercheurs, du corps médical et des laboratoires", indique Mgr Jean-Pierre Cottenceau, archevêque de Papeete.
Un "négationnisme suicidaire"
Un discours qui s'inscrit sur la ligne du chef du Vatican. Plus catégorique, le pape François a d'ailleurs estimé que l'opposition au vaccin contre le Covid-19 traduit un "négationnisme suicidaire." Lui-même personne à risque à 84 ans, le chef de 1,3 milliard de catholiques dans le monde, s'est fait vacciner hier, au premier jour de la campagne de vaccination organisée par le micro-État. "Ce n'est pas une obligation, en revanche ceux qui refusent la vaccination doivent trouver un moyen de se protéger et de protéger les autres, mais l'Église n'a pas le pouvoir de porter un jugement sur l'efficacité de la vaccination, l'Église n'a aucune prérogative à donner là-dessus" rappelle Mgr Jean-Pierre Cottenceau.
Plus radical, le collectif Masque-Arade estime que le "soi-disant" vaccin "n'en est pas un". "Un vaccin, c'est une injection d'un virus pas très virulent pour développer une réponse immunitaire. Aujourd'hui, ce qu'on nous présente c'est une thérapie génétique, c'est-à-dire qu'on va changer l'ADN pour qu'il fasse des virus", dénonce Pascal Pique, porte-parole du collectif. Une intime conviction pour cet ancien candidat du parti Union Populaire Républicaine (UPR) qui se contentera d'une affirmation sans apporter d'explication rationnelle.
Du côté de la direction de la Santé, on reconnaît la complexité du mécanisme, mais on dément la rumeur puisque non seulement "l'ARN contenant le code génétique d’une protéine virale ne rentre pas dans le noyau des cellules", mais en plus "il ne peut pas interagir avec notre code génétique", comme l'explique Sabine Henry, responsable du bureau de veille sanitaire.
"Les mécanismes pour aller dans le noyaux de la cellule et modifier nos gênes ne sont juste pas possibles"
"L'ARN messager, c'est un peu comme une copie de l'ADN, il ne sort pas d'un organisme vivant, il est fabriqué en laboratoire et il reste dans son enveloppe composée de graisse : le cytoplasme. Les mécanismes pour aller dans le noyau de la cellule et modifier nos gênes, qui sont sous forme d'ADN, ne sont juste pas possibles. Il manque l'équipement enzymatique qui permet l'intégration dans nos gênes, tente d'expliciter le médecin. Lors de la synthèse protéique, l'information circule de l'ADN vers l'ARN –qui n'est qu'une copie de l'ADN– puis vers la machinerie pour produire les protéines. Ce sens ne peut pas être inversé."
Bien que toutes les étapes ont été respectées, la rapidité de mise au point du vaccin –en l'espace d'un an– revient également sur la table, soulevant des soupçons de travers ou de travail bâclé. "Il y a plusieurs années de recherche et de développement derrière l'ARN messager, d'ailleurs il y a beaucoup de ce type de vaccins en préparation, mais sur des pathogènes qui sont moins d'actualité que le Covid, poursuit le médecin. Les vaccins utilisent d'habitude des agents pathogènes atténués, mais vivants et donc plus dangereux à manipuler. L'ARN en revanche est beaucoup moins risqué parce que c'est juste une reproduction des codes pour fabriquer la protéine du virus."
"Le vaccin a plusieurs cibles"
Étrangères mais inoffensives, ces protéines, appelée "spikes", déclenchent une production d’anticorps construisant ainsi notre immunité. "C'est un énorme avantage sur les autres vaccins, puisque la protéine produite est très proche de la protéine naturelle, du coup on a une réponse immunitaire complète" reprend la responsable. D'où son taux d'efficacité affiné à 94%.
Habituellement, la vaccination consiste à injecter un virus sous une forme affaiblie ("atténuée") afin de préparer l’organisme à une attaque de plus grande ampleur. "Avec les vaccins à ARN messager, l’idée est de laisser nos cellules fabriquer elles-mêmes le composant contre lequel notre organisme va apprendre à se défendre" défend l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
Restent, enfin, les inquiétudes autour des variants anglais qui font beaucoup de bruit en Europe. "Le vaccin a plusieurs cibles, les anticorps produits vont aller sur plusieurs positions de la protéine, si celle-ci mute, il y a d'autres endroits ou s'accrocher. Pour l'instant, d'après les données, il n'y a pas de perte d'efficacité." La responsable du bureau de veille sanitaire précise au passage que le Covid-19 est beaucoup plus stable que le virus de la grippe, qui varie énormément du fait de sa structure.