La mappemonde Dauphin (1547), avec une représentation (à droite du document) de l'Australie, appelée Jave La Grande.
PAPEETE, le 16 octobre 2015. L’Australie a-t-elle été découverte par les Hollandais, comme le certifie l’histoire officielle de notre grand voisin ? C’est possible, mais loin d’être certain, tant le faisceau de présomptions indiquant que d’autres marins abordèrent la grande île est dense.
A Dieppe, on savait…
Le premier nom de baptême connu et reconnu de l’Australie plaide pour une découverte antérieure : des cartographes français, qui n’avaient pas pu inventer cette terre, la firent figurer sur leurs portulans dès le milieu du XVIe siècle. La carte de Jean Rotz date de 1542 et figure, en lieu et place de l’actuelle Australie, cette terre nouvelle, baptisée du nom français de “Jave la Grande” ; un élément repris en 1546 par une autre cartographe, Pierre Desceliers, à qui l’on doit une mappemonde où figure “Jave La Grande”, que l’on retrouve encore en 1547, sur la “Harleyan World Map” ou “carte Dauphin”.
A Dieppe, plus de soixante ans avant la découverte officielle par Janszoon, les dessinateurs et cartographes auteurs de portulans savaient donc parfaitement qu’une terre immense s’étendait au sud de l’Asie du Sud-Est.
Les Français seraient-ils, dans ces conditions, les vrais découvreurs de la grande île ?
Un voyage secret en 1521
L’histoire non officielle de la découverte de l’Australie nous apprend que les Portugais organisèrent, en grand secret, au début du XVIe siècle, un voyage d’exploration dans cette région du monde. Les Lusitaniens s’étaient durablement installés en Indonésie dès 1511, puis au Timor en 1516, à 500 km seulement des côtes australiennes.
A cette époque, le traité de Tordesillas, conclu en 1494 entre l’Espagne et le Portugal, afin de séparer le monde en deux parties, l’une réservée aux Espagnols, l’autre aux Portugais, interdisait à ces derniers de naviguer dans le Pacifique Sud. Or, ceux-ci cherchaient avec avidité des épices, mais surtout de l’or et de l’argent.
Depuis Timor, le navigateur portugais Cristóvão de Mendonça entreprit, dans la plus grande discrétion, une exploration de la proche mer du sud, avec deux -ou trois- caravelles, entre 1521 et 1524, afin d’en recenser les richesses ; mais, compte tenu de l’interdit dû au traité de Tordesillas, l’expédition resta quasiment confidentielle. Rien ne devait filtrer ni “fuiter”. Après ce voyage, d’autres expéditions suivirent, les Portugais, aussi intrépides que discrets, étant apparemment parvenus à quasiment faire le tour de l’Australie.
Des noms français et portugais
A la suite de ces voyages, des cartes secrètes furent ramenées d’Asie et conservées à Lisbonne, cartes détruites lors du grand tremblement de terre de 1755 (durant lequel se perdit une bonne partie des archives du royaume).
Mais, malgré le devoir d’absolue confidentialité, dès 1540, des navigateurs et cartographes portugais venus travailler à Dieppe (dont Cristóvão de Mendonça lui-même) auraient révélé le secret de leur découverte, celle de la “Terra Australis”, à leurs confrères cartographes français.
Le port de Dieppe était alors la ville où les portulans les plus précis et les plus sophistiqués étaient dessinés. D’ailleurs, sur ces cartes de l’école de Dieppe, figurent à la fois des noms francisés et des noms portugais, preuve de l’origine des sources d’inspiration des géographes et dessinateurs dieppois, sans doute portugais pour certains d’entre eux.
Un kangourou dès 1593 !
Pour corroborer ces quasi certitudes, mentionnons les ruines de Bittangabee Bay, en Nouvelle Galles du Sud ; sur les fondations d’une construction réalisée par les premiers colons en 1844, émergent des pierres anciennes dont une est datée de 1524, possible preuve qu’une caravelle portugaise a sans doute hiverné ici.
Mieux même, en 1593, l’atlas "Speculum Orbis Terrae", du Hollandais Cornelis de Jode, fait apparaître, pour symboliser cette région, une grande île et… un kangourou ! (Un cheval pour l’Europe, un chameau pour l’Asie, un lion pour l’Afrique). On connaissait donc déjà les marsupiaux.
Enfin, les débris d’une caravelle de Cristóvão de Mendonça auraient été découverts en 1836 par des baleiniers naufragés, vers Port Fairy, dans l’Etat du Victoria (épave qui a été observée et décrite par une quarantaine de témoins jusqu’en 1880, date à laquelle on en perdit la trace).
Java Major, Java Minor
Il semble évident, à la lecture de ces éléments, que les Portugais connaissaient parfaitement bien l’existence de l’île continent, 80 ans avant sa découverte officielle ; ils lui avaient donné le nom de“Java Major” en portugais, devenu “Jave La Grande” une fois francisé à Dieppe, par opposition à l’autre île qu’était “Java Minor” (“Jave La Petite”, aujourd’hui l’île de Java, en Indonésie).
En revanche, à la lumière des informations exhumées du passé, il est assez peu probable que des Français aient pu découvrir l’Australie avant les Portugais et les Anglais (sinon en 1504, mais c’est une autre histoire dont nous vous reparlerons…). En France, les cartographes dieppois connaissaient l’existence de la Terra Australis, grâce aux indiscrétions de leurs collègues et amis portugais, longtemps avant le Hollandais Janszoon, en 1606.
“Jave La Grande” (et la secrète) fut, après le débarquement néerlandais, rebaptisée Nouvelle-Hollande, avant de prendre officiellement, en 1824, le nom d’Australie…
A Dieppe, on savait…
Le premier nom de baptême connu et reconnu de l’Australie plaide pour une découverte antérieure : des cartographes français, qui n’avaient pas pu inventer cette terre, la firent figurer sur leurs portulans dès le milieu du XVIe siècle. La carte de Jean Rotz date de 1542 et figure, en lieu et place de l’actuelle Australie, cette terre nouvelle, baptisée du nom français de “Jave la Grande” ; un élément repris en 1546 par une autre cartographe, Pierre Desceliers, à qui l’on doit une mappemonde où figure “Jave La Grande”, que l’on retrouve encore en 1547, sur la “Harleyan World Map” ou “carte Dauphin”.
A Dieppe, plus de soixante ans avant la découverte officielle par Janszoon, les dessinateurs et cartographes auteurs de portulans savaient donc parfaitement qu’une terre immense s’étendait au sud de l’Asie du Sud-Est.
Les Français seraient-ils, dans ces conditions, les vrais découvreurs de la grande île ?
Un voyage secret en 1521
L’histoire non officielle de la découverte de l’Australie nous apprend que les Portugais organisèrent, en grand secret, au début du XVIe siècle, un voyage d’exploration dans cette région du monde. Les Lusitaniens s’étaient durablement installés en Indonésie dès 1511, puis au Timor en 1516, à 500 km seulement des côtes australiennes.
A cette époque, le traité de Tordesillas, conclu en 1494 entre l’Espagne et le Portugal, afin de séparer le monde en deux parties, l’une réservée aux Espagnols, l’autre aux Portugais, interdisait à ces derniers de naviguer dans le Pacifique Sud. Or, ceux-ci cherchaient avec avidité des épices, mais surtout de l’or et de l’argent.
Depuis Timor, le navigateur portugais Cristóvão de Mendonça entreprit, dans la plus grande discrétion, une exploration de la proche mer du sud, avec deux -ou trois- caravelles, entre 1521 et 1524, afin d’en recenser les richesses ; mais, compte tenu de l’interdit dû au traité de Tordesillas, l’expédition resta quasiment confidentielle. Rien ne devait filtrer ni “fuiter”. Après ce voyage, d’autres expéditions suivirent, les Portugais, aussi intrépides que discrets, étant apparemment parvenus à quasiment faire le tour de l’Australie.
Des noms français et portugais
A la suite de ces voyages, des cartes secrètes furent ramenées d’Asie et conservées à Lisbonne, cartes détruites lors du grand tremblement de terre de 1755 (durant lequel se perdit une bonne partie des archives du royaume).
Mais, malgré le devoir d’absolue confidentialité, dès 1540, des navigateurs et cartographes portugais venus travailler à Dieppe (dont Cristóvão de Mendonça lui-même) auraient révélé le secret de leur découverte, celle de la “Terra Australis”, à leurs confrères cartographes français.
Le port de Dieppe était alors la ville où les portulans les plus précis et les plus sophistiqués étaient dessinés. D’ailleurs, sur ces cartes de l’école de Dieppe, figurent à la fois des noms francisés et des noms portugais, preuve de l’origine des sources d’inspiration des géographes et dessinateurs dieppois, sans doute portugais pour certains d’entre eux.
Un kangourou dès 1593 !
Pour corroborer ces quasi certitudes, mentionnons les ruines de Bittangabee Bay, en Nouvelle Galles du Sud ; sur les fondations d’une construction réalisée par les premiers colons en 1844, émergent des pierres anciennes dont une est datée de 1524, possible preuve qu’une caravelle portugaise a sans doute hiverné ici.
Mieux même, en 1593, l’atlas "Speculum Orbis Terrae", du Hollandais Cornelis de Jode, fait apparaître, pour symboliser cette région, une grande île et… un kangourou ! (Un cheval pour l’Europe, un chameau pour l’Asie, un lion pour l’Afrique). On connaissait donc déjà les marsupiaux.
Enfin, les débris d’une caravelle de Cristóvão de Mendonça auraient été découverts en 1836 par des baleiniers naufragés, vers Port Fairy, dans l’Etat du Victoria (épave qui a été observée et décrite par une quarantaine de témoins jusqu’en 1880, date à laquelle on en perdit la trace).
Java Major, Java Minor
Il semble évident, à la lecture de ces éléments, que les Portugais connaissaient parfaitement bien l’existence de l’île continent, 80 ans avant sa découverte officielle ; ils lui avaient donné le nom de“Java Major” en portugais, devenu “Jave La Grande” une fois francisé à Dieppe, par opposition à l’autre île qu’était “Java Minor” (“Jave La Petite”, aujourd’hui l’île de Java, en Indonésie).
En revanche, à la lumière des informations exhumées du passé, il est assez peu probable que des Français aient pu découvrir l’Australie avant les Portugais et les Anglais (sinon en 1504, mais c’est une autre histoire dont nous vous reparlerons…). En France, les cartographes dieppois connaissaient l’existence de la Terra Australis, grâce aux indiscrétions de leurs collègues et amis portugais, longtemps avant le Hollandais Janszoon, en 1606.
“Jave La Grande” (et la secrète) fut, après le débarquement néerlandais, rebaptisée Nouvelle-Hollande, avant de prendre officiellement, en 1824, le nom d’Australie…
Australie : les grandes dates
- Dès le IXe siècle, à l’époque de Charlemagne donc, des navigateurs chinois ont très probablement exploré la côte nord de l’Australie. En 1290, le journal de Marco Polo fait état d’une terre riche au sud de Java.
- Dès le Xe siècle, des marins venus du Sud-Est asiatique (bugis, makassar et bajau) fréquentent régulièrement les eaux australiennes (le pays est appelé Marege) pour y pêcher des holothuries, revendues ensuite en Asie.
- Entre 1521 et 1524, le Portugais Cristóvão de Mendonça conduisit la première expédition européenne (deux ou trois caravelles) en Australie. D’autres navigateurs lusitaniens lui emboîtèrent le pas.
- En 1540, l’existence de la grande île était révélée par les Portugais aux cartographes de l’école de Dieppe, en France, cette nouvelle terre étant baptisée “Java Major” (“Jave La Grande” en français).
- En 1606, la découverte officielle est faite par Janszoon, suivi de nombreux autres navigateurs hollandais.
- En 1688, le boucanier anglais William Dampier suit et reconnaît la côte nord-ouest et finalement, après beaucoup d’autres, James Cook la “découvre” à son tour en 1770. Il accoste à Botany Bay. 18 ans plus tard, la Grande-Bretagne débarque ses premiers forçats ; une nation va naître.
- Dès le IXe siècle, à l’époque de Charlemagne donc, des navigateurs chinois ont très probablement exploré la côte nord de l’Australie. En 1290, le journal de Marco Polo fait état d’une terre riche au sud de Java.
- Dès le Xe siècle, des marins venus du Sud-Est asiatique (bugis, makassar et bajau) fréquentent régulièrement les eaux australiennes (le pays est appelé Marege) pour y pêcher des holothuries, revendues ensuite en Asie.
- Entre 1521 et 1524, le Portugais Cristóvão de Mendonça conduisit la première expédition européenne (deux ou trois caravelles) en Australie. D’autres navigateurs lusitaniens lui emboîtèrent le pas.
- En 1540, l’existence de la grande île était révélée par les Portugais aux cartographes de l’école de Dieppe, en France, cette nouvelle terre étant baptisée “Java Major” (“Jave La Grande” en français).
- En 1606, la découverte officielle est faite par Janszoon, suivi de nombreux autres navigateurs hollandais.
- En 1688, le boucanier anglais William Dampier suit et reconnaît la côte nord-ouest et finalement, après beaucoup d’autres, James Cook la “découvre” à son tour en 1770. Il accoste à Botany Bay. 18 ans plus tard, la Grande-Bretagne débarque ses premiers forçats ; une nation va naître.
Le frontispice de l’atlas "Speculum Orbis Terrae", du Hollandais Cornelis de Jode, publié en 1593. Sur la partie gauche du document, on distingue, pour symboliser les quatre continents connus, un cheval (en haut à droite), un chameau (en haut à gauche), un lion (en bas à droite) et un kangourou (en bas à droite). Sur la partie droite de notre document, un gros plan sur le kangourou de 1593, portant ses deux petits dans sa poche, facile à distinguer.
A gauche de cette illustration, une reproduction de la première carte portugaise établie à Dieppe par Jean Rotz, en 1542. A droite, l’Australie vue par les Hollandais quasiment un siècle plus tard, aux environs de 1628. Il est clair que les Lusitaniens en savaient beaucoup plus longs que les Néerlandais !