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Protection judiciaire : accompagner les enfants délinquants pour éviter la récidive


Membres de l'équipe de la Protection judiciaire de la jeunesse de Polynésie. Crédit photo : PJJ.
Membres de l'équipe de la Protection judiciaire de la jeunesse de Polynésie. Crédit photo : PJJ.
Tahiti, le 30 août 2023 – La Protection judiciaire de la jeunesse de Polynésie va organiser prochainement trois colloques afin de présenter ses missions et inciter les gens à devenir famille d'accueil. À l'occasion de ces événements, la directrice de l'organisme d'État, Liliane Vallois, revient pour Tahiti Infos, sur le rôle essentiel de la PJJ dans l'accompagnement des enfants délinquants pour éviter les récidives.
 
En quête de famille d'accueil, la Protection judiciaire de la jeunesse de Polynésie (PJJ) va organiser trois colloques d'information pour le grand public afin de présenter ses missions. En effet, si la protection de l'enfance est une compétence du Pays, celle de la protection judiciaire de la jeunesse relève de l'État et de ses missions régaliennes, puisqu'il est inscrit dans le code de la justice pénale des mineurs, que le suivi de ces jeunes est une direction du ministère de la Justice. De ce fait, la PJJ accompagne les enfants qui commentent des actes de délinquance dans toutes les étapes de la procédure judiciaire (même après le jugement), quel que soit l'endroit, puisque si l'organisme est implanté à Tahiti, il couvre l'entièreté du territoire de la Polynésie, avec des déplacements mensuels sans toutes les îles. La Protection judiciaire de la jeunesse n'est d'ailleurs pas seulement implantée au fenua, mais bel et bien sur l'ensemble du territoire de la République.
 
Ces trois colloques, donc, se tiendront ce samedi à la mairie de Papeete, le samedi 9 septembre à la mairie de Taravao et le samedi 16 septembre à Moorea. “On va présenter nos missions et le travail de chacun de nos experts. Mais on va aussi essayer d'inciter les gens à devenir famille d'accueil”, a expliqué pour Tahiti Infos, la directrice de la PJJ, Liliane Vallois. Quelques jours avant la tenue du premier de ces trois événements, elle est revenue pour nous, sur les missions essentielles qu’exerce l'organisme dans l'accompagnement pénal des jeunes, et notamment sur l'importance des familles d'accueil. La PJJ qui, en 2022, a suivi 613 jeunes (506 garçons et 107 filles).
 
Prise en charge en milieu ouvert
 
La PJJ intervient dans toute la procédure pénale des délinquants mineurs. “Quand un jeune est arrêté, on va d'abord dresser une photographie socio-éducative de lui. C’est-à-dire, qui il est, comment vit sa famille, s'il va à l'école, sa position par rapport aux faits qu'il a commis. Il peut aussi avoir des troubles psychiques... Ce bilan on va ensuite l'envoyer au magistrat”, explique Liliane Vallois. Grâce à ses nombreuses structures et à ses 45 employées (éducateurs spécialisés, psychologues, etc.) la PJJ va ensuite se mobiliser pour apporter la meilleure réponse pour chaque mineur “afin que le jeune trouve sa place dans la société”. Les prises en charge proposées se font d'ailleurs dans la plus grande majorité des cas en milieu ouvert : hors de question, sauf crime grave, de placer un mineur en prison (en 2022, seulement cinq sont passés par la case incarcération). “Ce n'est pas un lieu adapté à l'éducation. Il grandirait avec les normes de la prison et serait totalement inadapté à la société après. C'est déjà le cas pour certains adultes alors pour des enfants en pleine croissance...”, estime la directrice de la PJJ. Malgré tout cette prise en charge peut comporter quelques obligations ou interdictions. L’obligation de voir un psychologue, d’aller à l'école ou de se soigner dans le cas d'une désintoxication.
 
Parmi toutes Les structures dont dispose l'organisme d'État, on peut notamment retrouver un service territorial éducatif et une unité éducative pour les enfants en décrochage scolaire mais surtout un centre spécialisé d'insertion professionnelle ou scolaire. Ce dernier point, l'insertion, est un point noir pour Liliane Vallois, tant le taux d'inactivité chez les jeunes délinquants suivis par la PJJ en Polynésie est élevé par rapport à ce qu’il est en métropole (35% contre 12%). Et malgré tous les recours dont dispose la Protection judiciaire de la jeunesse, il est parfois indispensable de sortir l'enfant de son milieu familial et de la placer en famille d'accueil quelque temps.
 
Famille d'accueil, le dernier recours
 
Le placement en famille d'accueil est l'ultime recours de la PPJ. En effet, si l'organisme estime que l'environnement familial est propice à la récidive du mineur, la PPJ va inévitablement placer l'enfant. “On constate parfois que l'enfant revend le cannabis que produit ses parents”, observe même Liliane Vallois. “Il faut que le jeune soit dans un milieu où il peut comprendre ce qu'on lui propose.” Toutefois, ces placements, qui durent de quelques jours à plusieurs semaines, ne sont pas définitifs, sauf si les investigations montrent un environnement néfaste pour la santé de l'enfant et, dans ce cas-là, c'est la protection de l'enfance du Pays qui prend le relais. Pour l'instant au fenua, il n'y a que 15 familles d'accueil qui travaillent avec la PJJ. Un chiffre qu'il faudrait doubler selon sa directrice de l’établissement public. En 2022, 18 enfants ont été placés par la PJJ. “C'est l'objectif de ces colloques, d'inciter les gens à s'engager auprès des enfants du fenua. De se dire : ‘Moi j'ai été parent, je me suis bien occupé de mes enfants et je peux donner à d'autres qui n'ont pas eu cette chance’. Ou alors ‘J'ai fait moi-même des bêtises plus jeunes, et je sais que j'arriverai à apporter quelque chose à ces jeunes’. C'est d'ailleurs tout l'intérêt des colloques qui vont être organisés.”
 
Malgré ce déficit de volontaires, n'est pas famille d'accueil qui veut. Il y a des critères à respecter : avoir un casier judiciaire vierge et une condition matérielle minimum pour l'enfant (chambre individuelle). “Après, on choisit surtout en fonction du discours de la famille. On fait très attention à ce qui n'il n’y ait pas de fantasme d'adoption. Il n'est pas question de remplacer les parents. On ne cherche pas des experts de l'éducation non plus, car c'est notre équipe qui intervient à ce point-là. Nos équipes sont mobilisables sept jours sur sept”, explique Liliane Vallois. À noter que devenir famille d'accueil n'est pas un emploi mais une action bénévole indemnisée. Ce n'est pas un salaire avec congés payés. La famille reçoit une indemnisation de 4 700 francs par jour pour le temps consacré à l'enfant et pour subvenir à ses besoins vitaux. “De plus, il n'y a pas de contrat : une famille peut arrêter si ça se passe mal. Elles ne sont pas pieds et poings liés.”
 
Investir dans la protection de l'enfance
 
“Investir dans la protection de l'enfance est primordial. Nous avons repéré qu'il y a au moins 80% des enfants qui ont commis un délit qui auraient pu être pris en charge par la protection de l'enfance du Pays”, nous apprend la directrice de la PJJ. Il est essentiel donc pour l'organisme d'État, de travailler avec les différents services et ministère du Pays. D'ailleurs, la Protection judiciaire de la jeunesse en Polynésie s'est énormément développée ces trois dernières années. “On s'est rendu compte de l'écart entre les possibilités d'offres de la PJJ en métropole par rapport à la Polynésie, donc on s'est réajustés.” De ce fait, les équipes sont passées de 27 à 45 personnes et le budget a triplé. Prochain investissement prévu par l'organisme, une future structure d'accueil collective de cinq places, qui devrait rapidement voir le jour. Le taux de récidive des jeunes en Polynésie est par ailleurs bien plus faible que dans l’Hexagone avec seulement 18% de réitération, contre 35.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mercredi 30 Août 2023 à 17:36 | Lu 1963 fois