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Procès du nucléaire britannique : le lien de causalité enfin reconnu


Procès du nucléaire britannique : le lien de causalité enfin reconnu
LONDRES, vendredi 29 juillet 2011 (Flash d'Océanie) – Un groupe d’anciens travailleurs des essais nucléaires britanniques dans le Pacifique a obtenu jeudi 28 juillet 2011 une victoire significative dans la reconnaissance par la justice, pour la première fois, de l’existence d’un lien de cause à effet entre les maladies dont ils souffrent et leur présence sur le site de ces essais.
Ce groupe, qui s’est formé en collectif d’un millier d’anciens travailleurs des essais britannique, rassemble à la fois dans citoyens britanniques, mais aussi des Néo-zélandais et des Fidjiens qui ont tous pour point commun d’avoir travaillé sur les essais atmosphériques de la première bombe atomique britannique, testée entre 1952 et 1958 au large de l’île Christmas (Kiritimati).
Lors de la dernière audience en date de cette saga judiciaire qui se poursuit depuis plusieurs années, la Cour Suprême britannique a, pour la première fois, indiqué que le lien entre les maladies dont souffrent les plaignants et leur présence sur le site de ces essais pouvait désormais faire l’examen plus approfondi, afin de déterminer un éventuel droit à la perception de dédommagement de la part du ministère britannique de la défense.
Les plaignants ont donc obtenu le droit de poursuivre leur démarche.
La ministère, pour sa part, s’en tient à une ligne de défense inchangée, et qui rejette toute notion de lien en ajoutant en substance qu’à l’époque les connaissance en la matière ne permettaient pas de prévoir d’éventuels effets néfastes de ces radiations.

Précédents revers cinglants

La poursuite de cette affaire en est au stade de l’appel, à la suite de précédents revers essuyés par les vétérans.
Fin novembre 2010, un groupe de dix vétérans britanniques des essais nucléaires effectués par le Royaume-Uni dans le Pacifique avait vu sa demande de compensations déboutée par une Cour d’Appel à Londres.
Elle rejetait alors tout lien de cause à effet entre leur exposition aux radiations et les maladies dont ils souffrent depuis.
Ce groupe d’anciens travailleurs, qui poursuivait en justice le ministère britannique de la défense, avait participé aux essais nucléaires sur des sites situés en Australie, ainsi que sur l’atoll de Christmas (Kiritimati), dans ce qui était alors la colonie britannique des îles Gilbert (devenues depuis l’État indépendant de Kiribati), dans les années 1950.
Ils demandaient des compensations pour des maladies allant de cancers de la peau à l’arthrite.
Dans neuf des dix cas, néanmoins, la cour d’Appel, en rendant son verdict, avait estimé que les preuves présentées étaient « insuffisantes » pour établir un lien de causalité entre leur présence sur site et leurs subséquentes maladies.
Le tribunal avait aussi estimé que le délai légal de dépôt de plainte avait expiré.
La défense britannique s’était basée sur l’argument faisant valoir la prise de précautions nécessaires au moment de ces essais.
« Nous ne doutons pas du fait que (ce jugement) pourra sembler dur pour des gens comme ces plaignants qui ont servi leur pays et qui ont souffert », avait alors reconnu la juge Janet Smith (qui était assistée de deux autres juges) en rendant son verdict, dans lequel elle ne barre pas la voie à d’autres poursuites devant des tribunaux de pensions militaires.
« Une pension de guerre n’est certes pas aussi bénéfique financièrement que le droit commun, mais c’est quand même une forme de compensation », avait-elle nuancé.
Le cas d’un seul des dix plaignants, Bert Sinfield, décédé en 2007, a obtenu gain de cause et pourra poursuivre le processus judiciaire.
Les autres, déçus, avaient alors rapidement conclu que leur ultime recours se trouvait désormais du côté de la Cour Suprême.
Andrew Robathan, ministre britannique du personnel des défense, des affaires sociales et des vétérans, avait alors accueilli favorablement ce verdict : « Tout en ayant une sympathie énorme pour quiconque est malade, la Cour a accepté les arguments selon lesquels le bien-fondé de ces plaintes était extrêmement faible et que les plaignants n’ont produit aucune preuve permettant d’établir un lien entre leur maladie à leur présence sur les sites d’essais nucléaires (…)Nous reconnaissons la contribution inestimable de tous les personnels de service qui ont participé au programme d’expérimentations nucléaires. Nous leurs sommes reconnaissants pour le rôle qu’ils ont joué pour la sécurité du Royaume-Uni », avait-il commenté à la BBC.
Les essais nucléaires britanniques en Océanie ont concerné à la fois le désert australien (Maralinga) et l’atoll de Christmas (îles Gilbert, six essais atmosphériques en 19857 et 1958)
Mi-juin 2009, une décision précédente d’un tribunal britannique avait donné espoir aux vétérans en estimant qu’ils pouvaient poursuivre leur action en dommages-intérêts à l’encontre du gouvernement britannique.
Le juge David Foskett, qui entendait l’affaire au sein de la Cour Royale de Justice, avait estimé, en substance et au terme d’audiences qui avaient duré plus de trois mois, que ce groupe d’anciens travailleurs (représentant les nationalités de la Grande-Bretagne, mais aussi des îles Fidji, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie), disposaient d’une base suffisante pour poursuivre leur action collective, au sein de laquelle ils ont été plus de vingt cinq mille à se regrouper.
« Toutes choses étant égales par ailleurs, un vétéran qui pense avoir une maladie, une blessure ou un handicap attribuable à sa présence à ces essais, et dont le cas s’appuie sur des preuves scientifiques et médicales apparemment crédibles, devrait être en mesure d’accéder au tribunal », avait alors déclaré le magistrat britannique dans son jugement intermédiaire.
Les associations des anciens travailleurs des pays concernés (Fidji, Australie, Nouvelle-Zélande) avaient alors multiplié les réunions pour faire le point sur l’arsenal juridique dont ils disposent.
À Fidji, la Fiji Nuclear Test Veterans Association (FNTVA), qui s’est associée à ce combat judiciaire ces dix dernières années, estimait en 2009 que 189 individus, anciens travailleurs ou leurs survivants, seraient en position de revendiquer des dédommagements du fait des maladies (pour la plupart des cancers, des leucémies et des maladies de peau) occasionnées par la présence sur le site de ces essais nucléaires au cours d’une campagne d’essais placée sous le nom de code « Grapple ».
À l’origine, près de trois cent anciens travailleurs de Fidji (alors colonie britannique) auraient participé à ces essais.
Les deux tiers sont depuis décédés.
En Australie, l’association des vétérans du nucléaire (Australian Nuclear Veterans Association, ANVA) et son président, Rick Johnson, concentre ses efforts sur un autre volet des essais britanniques, toujours dans les années 1950, mais effectués dans le désert australien, sur le site de Maralinga (sept essais en 1956 et 1957).
En Nouvelle-Zélande, en mai 2009, le gouvernement, via sa ministre des vétérans, Judith Collins (qui a depuis été promue en charge de la police), annonçait pour sa part la mise en place d’un groupe d’experts chargé d’évaluer la fiabilité des données scientifiques disponibles concernant les effets des essais dans le Pacifique sur la santé des personnes y ayant assisté.
Sur la base des recommandations à venir de ce panel, le gouvernement néo-zélandais pourrait ensuite adapter en conséquence son processus d’attribution de pensions militaires.
Les dernières recherches en date à ce sujet, en Nouvelle-Zélande, proviennent de l’université de Massey, en 2005.
Ces études tendaient notamment à mettre en évidence la présence de malformations génétiques chez les personnes ayant été exposées à de hautes doses de radiations, à la suite des essais conduits dans le cadre de l’opération « Grapple ».
Le gouvernement de Wellington reste toutefois réservé et circonspect en estimant toujours que le nombre de cas probants reste « limité ».
Mais « alors que les recherches de l’Université de Massey ne montrent pas de développement de handicaps liés au service, il est important que ce panel d’experts soit en possession du maximum d’informations pertinentes pour décider des besoins à venir de ces vétérans », avait commenté Mme Collins.
Un système compensatoire au titre des infirmités de guerre pour les vétérans de ces essais a été mis en place en 1998, a-t-elle souligné.
Dans le cadre de ce dispositif, 132 vétérans reçoivent des pensions à vie.

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« Opération Grapple »

Procès du nucléaire britannique : le lien de causalité enfin reconnu
Dans le Pacifique insulaire, les essais, sous le nom de code « Opération Grapple », ont eu lieu en 1958 et 1959.
Ils concernaient un prototype de bombe à hydrogène sur les sites d’expérimentation nucléaires britanniques, en particulier sur l’île de Kiritimati (Christmas, aux îles Kiribati, anciennes îles Gilbert).
Mi-2007, les associations de ces anciens travailleurs des essais nucléaires ont annoncé leur intention de poursuivre en justice le Royaume Uni afin d'obtenir dédommagements, du fait des maladies occasionnées par ces expositions.
Outre des Australiens et des Néo-zélandais, l’opération Grapple a aussi concerné, à l’époque, des Océaniens, notamment de Fidji, alors sous tutelle britannique.
Formés eux aussi en une association de vétérans, les Fidjiens tentent depuis plusieurs années d’obtenir des dédommagements de la part du gouvernement britannique, dont ils veulent aussi qu’il admette sa « responsabilité morale » dans les essais atmosphériques effectués à la fin des années 1950.
Cette association de vétérans porte son combat sur le terrain juridique et tente d’obtenir des compensations pour ses membres, dont nombre souffrent de cancers.
De nombreux autres sont déjà décédés des suites de ce type de maladie.
L’un de ces vétérans se souvenait récemment des messages de la Reine d’Angleterre, diffusés par haut-parleurs sur le site des essais, à Kiritimati, et qui félicitait les travailleurs d’avoir accompli leur tâche.

« pour Dieu, le Roi et notre pays »

« À l’époque, c’était pour Dieu, le Roi et notre pays, on y croyait, alors quand nos chefs nous ont appelé (pour aller travailler sur ces sites), on y est allé de bon cœur », a-t-il déclaré sous conditions d’anonymat.
« Mais aucun d’entre nous ne savait dans quoi on s’embarquait. Parce que si on avait su qu’on allait souffrir de tous ces cancers, et ensuite qu’on allait aussi voir nos enfants être touchés, on n’y serait pas allés », ajoute-t-il.
À Londres, le ministère de la défense, fin 2004, accusait sobrement réception de la demande de dédommagement émanant des Fidjiens, Néo-zélandais et Britanniques ayant travaillé, dans les années 1950, sur les sites d’expérimentation nucléaire de Kiritimati.
Cette action conjointe concerne notamment les personnes qui étaient employées sur le site des îles Christmas (Kiritimati) et Malden, entre 1957 et 1958.
Le ministère britannique de la défense cite également de précédentes études, dont une réalisée par la BRPB (British Radiological Protection Board, conseil britannique pour la protection radiologique), qui avaient écarté toute possibilité de lien entre des cas de cancer et la présence des victimes sur ces sites, il y a presque cinquante ans.
Selon la Fiji Nuclear Tests Veterans Association (FNTVA), association d'anciens militaires fidjiens ayant servi sous les drapeaux de l’armée britannique avant l’indépendance, ils étaient quelque trois cents soldats Fidjiens ayant participé à l’opération « Grapple ».
Les vétérans fidjiens ont ces derniers mois reçu le soutien de l'association japonaise des victimes des bombardements nucléaires d' Hiroshima et de Nagasaki, en août 1945.
En 2003, ils déclaraient avoir obtenu un accord de principe de la part du gouvernement britannique afin de soumettre à nouveau leurs doléances documentées.
La FNTVA évoque notamment chez les survivants de Christmas et de Malden des "maladies étranges, des problèmes congénitaux, des fausses couches chez les épouses des vétérans, la perte des ongles et des cheveux, des saignements de gencives, des tumeurs de la peau" ou encore des "morts de plusieurs formes de cancers".

Dédommagements américains

En juillet 2006, Roy Prescott, vétéran britannique de ces mêmes essais nucléaires de l'île Christmas, en service actif en 1962 dans le Pacifique et engagé dans l'armée américaine, a reçu un dédommagement de 75.000 dollars US en guise de dédommagement du gouvernement américain.
Durant un an de service sur place, il a témoigné avoir assisté à 25 essais atmosphériques.
Âgé de 67 ans, il est atteint d'un cancer du poumon.
La décision américaine de le dédommager s'appuie sur le fait que son type de cancer figure dans une liste (comprenant un total de 19 maladies) reconnues comme comportant un lien avec une exposition aux radiations nucléaires.

Troublantes études

Mi-2007, la publication d'une étude menée par l'Université de Massey relançait la polémique, en particulier en Nouvelle-Zélande : elle tendait à montrer, sur un échantillon de cinq cent personnes, que ces vétérans du nucléaire, ainsi que leur descendance, ont souffert d'anomalies génétiques.
Interpellé une nouvelle fois sur ce dossier, le gouvernement néo-zélandais, par la voix de son ministre des anciens combattants, avait tenté de relativiser ces résultats en estimant qu'ils étaient encore sujets à vérifications.
Il a toutefois déclaré que le gouvernement "prendra en considération" les demandes de dédommagements faites par les enfants d'anciens travailleurs du nucléaire exposés à ces essais, dans le cadre de l'opération Grapple.
Principaux groupes exposés : les hommes d’équipages des bateaux situés aux alentours lors de ces essais, à des fins d’observation.

« Class action »

Les résultats de cette enquête, dont l’essence a été révélée dès avril 2006, ont en partie servi de base à une démarche conjointe, sur le mode de la « class action » anglo-saxonne, de la part non seulement des vétérans néo-zélandais, mais aussi des Britannique et Fidjiens qui ont participé aux essais.
Les associations de vétérans australiens, qui ont quant à eux participé à d’autres essais britanniques dans le désert de l’île-continent, indiquaient aussi leur intention d’intenter un procès afin d’obtenir compensation.

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Rédigé par PAD le Vendredi 29 Juillet 2011 à 05:56 | Lu 977 fois