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Prison avec sursis pour les importateurs de plantes interdites


Prison avec sursis pour les importateurs de plantes interdites
PAPEETE, le 16 avril 2019 - L’ancien cadre du service du développement rural (SDR), Jean-Claude Tang, son épouse ainsi que trois prévenus, dont deux horticulteurs, ont comparu ce mardi devant le tribunal correctionnel pour avoir participé à l’importation de plus de 3000 plantes interdites sur le territoire en avril 2017. Ils ont été condamnés à des peines de prison avec sursis.

Le 3 avril 2017 à l’aéroport de Tahiti Faa’a, les douaniers procèdent à un contrôle de routine sur 24 colis déclarés pour une somme de 200 000 francs lorsqu’ils remarquent qu'il y a environ 3500 plantes dans ces colis. La déclaration qui leur a été transmise est vraisemblablement erronée. Elle vient pourtant d’être validée par un agent du service phytosanitaire qui n’a pas procédé au contrôle physique des colis. Sur les 3500 plantes, plus de 3000 sont interdites sur le territoire. Les marchandises sont enregistrées sous les noms de deux femmes : Patricia Hoata, présidente de la fédération d’horticulture de Polynésie française, et Myrna Tang, épouse de Jean-Claude Tang, actuel conseiller du président du Pays, Edouard Fritch.

Parmi les voyageurs qui ont pris le vol sur lequel les plantes illicites ont été transportées, on retrouve Patricia Hoata, Jean-Claude Tang, un autre individu chargé de monter et démonter les stands ainsi qu’un horticulteur, Hans Rauscher. Cette délégation revient alors du salon de l’agriculture qui a eu lieu chaque année à Paris.

« Délégation utilisée pour importer des plantes prohibées »

L’enquête laisse apparaître que les plantes ont été achetées au marché de grossistes de Rungis, où les particuliers ne sont normalement pas en capacité d’accéder. Patricia Hoata et Hans Rauscher indiquent qu’ils ont pu y faire des achats car Jean-Claude Tang leur a prêté sa carte de membre de la délégation polynésienne du salon de l’agriculture. Ils expliquent cependant que cet ancien membre du SDR n’était absolument pas au courant que les colis contenaient des plantes interdites. Elles auraient été introduites à son insu après qu’il a lui-même vérifié la marchandise avant le contrôle du service phytosanitaire à Paris. Quant au fait que sa femme ait donné 200 000 francs à Patricia Hoata afin d’importer des plantes, l’homme dit ne pas en avoir été informé.

A la barre du tribunal correctionnel ce mardi, les cinq prévenus restent sur leurs positions respectives. Lors de l’arrivée des plantes prohibées à Tahiti, l’agent du service phytosanitaire qui avait tamponné le listing était une connaissance de certains prévenus. Ce n’est pas le seul détail qui interpelle le président du tribunal : « cet agent était particulièrement dévoué à son travail puisque ce jour-là, il n’était pas de service mais ‘de passage pour récupérer ses affaires’». « Il a donc fait des heures supplémentaires lorsqu’il a appris que ses amis revenaient en Polynésie française », ironise le magistrat.

« Complot politique »

Jean-Claude Tang dit avoir été « trahi » par les co-prévenus en affirmant qu’il ne « comprend pas » leur choix. Le président du tribunal lui rappelle alors une note anonyme envoyée au procureur de la République le 7 avril 2017 et selon laquelle l’homme avait pour habitude de livrer à ce type d’importations: « Donc, si je comprends bien, vous étiez le seul du groupe à ne pas savoir que la délégation était utilisée pour importer des plantes prohibées ? Et cette note anonyme ? Il semble qu’elle vienne de l’intérieur… » Selon Jean-Claude Tang, qui ne se démonte pas, tout cela est lié à la «politique » : « Je faisais partie des cadres du Tapura et lorsque l’on a monté ce parti, il est rapidement devenu très important. J’étais la cible des autres partis. Pas Edouard Fritch mais surtout moi. Ils ont essayé de me dégommer par tous les moyens ». L’homme indique que cette affaire lui a vraiment porté préjudice. Actuellement employé en qualité de chargé de mission à la présidence pour un salaire mensuel de 630 000 francs, il se plaint d’avoir été écarté : « avant, j’avais des responsabilités, j’avais mon mot à dire. Aujourd’hui, je suis un agent habilité à traiter les petits dossiers, les doléances. »

Interrogée à son tour, son épouse, Myrna Tang, explique qu’elle a bien commandé des plantes à Patricia Hoata mais qu’elle en ignorait le caractère illicite. Suite à une dépression, elle souhaitait se changer les idées et comptait « décorer » son jardin.

A la barre, les deux autres horticulteurs reconnaissent quant à eux l’intégralité des faits reprochés en affirmant qu’ils avaient conscience de transgresser la loi portant sur l’importation de certaines plantes.

« Appât du gain »

« Dans la genèse des faits, tout le monde était informé. Ce n’est que le côté émergé de l’iceberg et nous sommes face à une pratique bien rôdée avec la connivence de plusieurs services » affirme l’avocat du Pays, Me Jourdainne, à l’aube de sa plaidoirie. « On a utilisé des agents du SDR pour faciliter cette importation alors que les textes prévoient une procédure très rigoureuse qui suppose que l’importateur sollicite un permis d’importation. Ce dossier est l’illustration de ce que les contrôles doivent être exercés de manière approfondie. C’est une nécessité vitale pour la Polynésie. La nature humaine est ainsi faite : l’appât du gain sera toujours plus important que la préservation de l’environnement » conclut l’avocat avant de rappeler qu’en l’espace de cinq ans, le Pays a alloué plus de 150 millions de francs au service phytosanitaire.

Lors de ses réquisitions, le procureur de la République affirme que Jean-Claude Tang est l’ « instigateur » de cette importation : « Il nie les faits mais il détient la carte et les trois quarts de la commande ont été passés par son épouse car il ne voulait pas avoir de soucis professionnels. » Si le représentant du ministère public requiert la relaxe à l’encontre du prévenu en charge de monter les stands, il demande à ce que les quatre mis en cause soient condamnés à la peine de trois mois de prison avec sursis.

Monsieur Tang s’est montré « professionnel » assure son avocate lors de sa plaidoirie : « Il n’était pas au courant et n’avait aucune intention délictueuse. Il exerce une fonction très importante et sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur. »

Après en avoir délibéré, les magistrats relaxent l’individu en charge du montage des stands. Les quatre autres prévenus sont condamnés à six mois de prison avec sursis, ils devront chacun verser 480 000 francs au Pays au titre de préjudice moral et écopent d’amendes comprises entre un et deux millions de francs.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 16 Avril 2019 à 16:52 | Lu 5518 fois