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Primes, prestataires d’études, création de services… : les points à revoir selon la CTC


La masse salariale de la Polynésie, constituée du traitement de base, des indemnités et primes et des charges patronales, apparaît constante entre 2012 et 2017 et s’élevait en 2017 à 28,3 milliards de Fcfp.
La masse salariale de la Polynésie, constituée du traitement de base, des indemnités et primes et des charges patronales, apparaît constante entre 2012 et 2017 et s’élevait en 2017 à 28,3 milliards de Fcfp.
PAPEETE, le 16 avril 2019. La chambre territoriale des comptes a examiné le fonctionnement de l’administration du Pays entre 2012 et 2018. Les experts de la CTC mettent en avant notamment le « maquis inextricable » des primes et indemnités des agents et aussi les « efforts (…) à poursuivre » pour maîtriser les effectifs des cabinets ministériels et limiter le recours aux prestataires d’études.


La chambre territoriale des comptes a étudié avec minutie le fonctionnement de l'administration du Pays entre 2012 et 2018. Trois présidents se sont succédé sur cette période : Oscar Temaru de janvier à mai 2013, Gaston Flosse de mai 2013 à septembre 2014 et Edouard Fritch depuis septembre 2014. La CTC a publié ce lundi son rapport, dans lequel elle dresse 11 recommandations.
La CTC conseille ainsi au Pays de « soumettre la création de tout nouveau service administratif à la production préalable d’une analyse détaillée et circonstanciée des motivations de cette création ». La chambre prend ainsi exemple de la délégation pour la promotion des investissements.
Pour rappel, jusqu’en 2011, la promotion des investissements relevait de la délégation pour la promotion des investissements en Polynésie. La direction générale des affaires économiques (DGAE) a ensuite repris ces attributions à cette date. Finalement en mars 2017, la délégation polynésienne aux investissements (DPI), chargée notamment de la promotion des investissements et des exportations, a été créée par arrêté. « Les rapports de présentation en conseil des ministres ne motivent pas les raisons de ce retour à la situation antérieure », relève la CTC avant de souligner qu’elle « s’étonne (...) que la Collectivité se soit engagée dans la création d’un nouveau service sans même analyser plus avant les raisons des difficultés rencontrées par la DGAE dans la promotion des investissements. »

Dissoudre le conseil des réformes stratégiques
La CTC recommande aussi « d’engager les opérations de dissolution du conseil des réformes stratégiques (CRS) ». Celui-ci a été créé par délibération en août 2014, afin « d’éclairer par son expertise le Président et le gouvernement de la Polynésie dans la définition et la conduite des réformes nécessaires au développement économique, social et culturelle, à la valorisation de son environnement ainsi qu’à la modernisation de son secteur public ». Pour mener ses travaux, le conseil a accès à tous éléments d’informations et études, qu’il recueille auprès des administrations et établissements publics.

Sa création et le coût de fonctionnement du CRS a été évalué à 4 millions de Fcfp par an. « Son coût complet s’élève toutefois à 13 millions de Fcfp par an, avec le coût du secrétariat qui est composé d’un agent mis à disposition par le secrétariat général du gouvernement », relève la CTC.
Au cours de l’année 2017, le président de la Polynésie a fait connaître son intention de mettre un terme aux activités du Conseil des réformes stratégiques, justifiant cette décision par le fait qu’il n’a lui-même pas «i[ ressenti le besoin de saisir [cet] organe ».]i Pourtant, la procédure de suppression n’a pas été menée à son terme et le gouvernement a choisi de laisser le CRS en place jusqu’à la date normale d’expiration du mandat de ses membres en septembre 2018.

Le recours croissant aux prestataires d’études

Depuis la révision du statut d’autonomie de la Polynésie française en 2011, la taille du gouvernement a été limitée à dix ministres. Le montant de l’indemnité mensuelle des membres du gouvernement a aussi été plafonné. Leur indemnité de fin de fonction est passée de trois à un mois. Autre disposition : le nombre maximum de collaborateurs a été fixé à 150 -même s’il plafonne aujourd’hui à 50 agents environ relève la CTC-. Les crédits alloués aux ministères ont été limités à 3% de la masse salariale globale de l’administration polynésienne.

« In fine, si le coût des collaborateurs est effectivement en baisse de 10% sur la période, le coût total des cabinets ministériels, loin d’avoir baissé, s’est maintenu à un niveau supérieur à 1 milliards de Fcfp », constate malgré tout la CTC. La chambre relève en effet que la limitation des dépenses au sein des cabinets ministériels s’est en réalité accompagnée d’une « charge financière générée par le recours aux prestataires de service ». Les ministères sollicitent en effet des prestataires pour des missions dont la nature relève traditionnellement des fonctions des collaborateurs de cabinet puisqu’il s’agit principalement d’études, d’assistance et de conseil juridique. « Entre 2012 et 2016, le coût des prestations commandées directement par les ministères (c’est-à-dire sans prendre en compte celles commandées par leurs services administratifs) a plus que doublé, passant de 68,4 millions de Fcfp à 242 millions de Fcfp. Les prestations d’ordre juridique ou logistique représentent, de 2012 à 2017, entre 5% et 10% de leur coût total », indique le rapport.

« Le recours croissant à ce type de prestations révèle un besoin de réorganisation de cette fonction dans les services administratifs de la Polynésie et justifie pleinement l’engagement d’une étude associant la Direction de la Modernisation et des Réformes de l’Administration (ex-IGA) et le secrétariat général du gouvernement sur cette thématique à horizon 2019 », analyse la CTC.

La chambre relève de manière paradoxale que « la maîtrise de la masse salariale a généré des effets pervers en matière de ressources humaines puisqu’elle a pris le pas sur la définition d’une stratégie de recrutement, élément pourtant essentiel de toute gestion prévisionnelle ». « Ainsi, les retards dans l’organisation des concours de la fonction publique territoriale ont généré un doublement des effectifs d’agents non titulaires, dont le nombre a dépassé 750 en 2017 », note la CTC. « Si le recours aux agents non titulaires peut être admis dans les seuls conditions, prévue par la réglementation, il doit demeurer ponctuel, ce qui est loin d’être le cas désormais. »

L’ambitieux projet de la modernisation de l’administration

La ministre de la Modernisation de l’administration, Tea Frogier, a réuni en juillet dernier l’ensemble des services administratifs placés sous sa tutelle, afin de leur présenter les orientations générales et opérationnelles à inscrire dans la politique en matière de modernisation de l’administration, du numérique et de l’énergie, qu’elle compte mener.
La ministre de la Modernisation de l’administration, Tea Frogier, a réuni en juillet dernier l’ensemble des services administratifs placés sous sa tutelle, afin de leur présenter les orientations générales et opérationnelles à inscrire dans la politique en matière de modernisation de l’administration, du numérique et de l’énergie, qu’elle compte mener.
Annoncée dès 2014, la modernisation de l’administration constitue un axe essentiel de la mission « Pouvoirs Publics ». Elle a d’abord été initiée par la création d’un service dédié, la Direction de la Modernisation et des réformes de l’administration, par ailleurs en charge de l’audit interne de la Collectivité.
« Les actions de fond de modernisation de l’administration n’ont été concrètement engagées qu’à partir de 2017, avec le lancement de trois chantiers d’envergure permettant de dresser un état des lieux : le recensement des procédures, l’identification du périmètre de l’administration et la prise en compte des risques professionnels », rappelle la CTC qui constante que « la démarche engagée ne saurait toutefois aboutir sans une réforme d’envergure des modalités de gestion des ressources humaines. »
Elle ajoute : « l’absence de système d’information des ressources humaines constitue un obstacle rédhibitoire qui doit impérativement être surmonté, pour dépasser le pilotage à vue qui caractérise aujourd’hui la gestion du personnel. La modernisation de l’administration impose un engagement résolu et concret dans une démarche prospective qui a fait défaut jusqu’à présent ».

Primes et indemnités : « un maquis inextricable »

L’augmentation relevée en 2013 et 2014 provient notamment des indemnités de départ versées lors des changements de gouvernement.
L’augmentation relevée en 2013 et 2014 provient notamment des indemnités de départ versées lors des changements de gouvernement.
« Annoncée maintes fois, la réforme du régime indemnitaire de la Collectivité n’a jamais abouti », relève la CTC. Constitué de 66 primes et indemnités, ce régime est fonction du niveau de responsabilité, du statut ou de l’affectation. « Il constitue un maquis inextricable, axé vers le seul développement de la rémunération des agents puisqu’il comporte peu d’éléments incitatifs ou de modulation », met en avant la CTC. « Relancée au cours de l’année 2017, la réforme du régime indemnitaire se doit désormais de poser les bases d’un dispositif équitable, lisible et efficient, garant de l’investissement complet du personnel. »

Le volume financier des primes et indemnités versé aux agents de l’administration de la Polynésie a représenté en totalité 2 milliards de Fcfp en moyenne par an, soit 7% de la masse salariale. Mais tous les agents ne bénéficient pas de ces primes. « Une étude engagée par le président du Pays au cours de l’année 2017 a montré que 1 919 agents, soit environ un tiers de l’effectif rémunéré, sont attributaires de primes et indemnités et peuvent cumuler jusqu’à six accessoires différents. A contrario, près de 66% des agents de l’administration de la Polynésie ne bénéficient d’aucune prime. En 2017, des primes et indemnités ont été versées à des agents affectés dans 43 services sur les 49 services administratifs que compte la Polynésie. »

La chambre territoriale des comptes souligne aussi le « dérapage » dans l’octroi des indemnités de sujétion. Entre 2012 et 2018, « la charge financière afférente à l’indemnité pour sujétions spéciales (ISS) a plus que doublé, passant de 206 millions de Fcfp en 2012 à 424 millions de Fcfp en 2017, au bénéfice de plus de 300 agents. Cette évolution est révélatrice d’un dérapage dans l’octroi de cette indemnité. « Par nature accessoire distinctif d’un niveau de responsabilité, de compétence ou de conditions de travail particulières, l’ISS tend à devenir, par les évolutions successives de ses modalités d’attribution, un accessoire systématique pour certains services », constate la CTC.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 16 Avril 2019 à 16:05 | Lu 2311 fois