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Première convention de tātau à Taha'a


Raiatea, le 4 Juillet 2022 – Pendant cinq jours, quatorze tatoueurs professionnels ont présenté leur talent au public à l’occasion de la première convention de tatouage de Taha'a, la semaine dernière. Un moyen pour la municipalité de sensibiliser les jeunes à la culture et à l’ouverture sur le monde.
 
L’île vanille a accueilli la semaine dernière son premier salon du tatouage, Te ihi o te tātau. Au total, quatorze tatoueurs qui évoluent en France, à Tahiti, aux Australes et aux Îles-Sous-le-Vent étaient présents pour démontrer leur savoir-faire à la population de Taha’a. Il y avait parmi ces artistes trois enfants de l’île, partis se perfectionner à l’extérieur. L’événement s’est tenu à la mairie de Taha’a, basée à Patio, du 29 juin au 3 juillet. L’ouverture de la convention s’est faite par une cérémonie du tāvaira’a, rituel de purification et de nettoyage. Menée par Chantal Titi, figure de la culture de l’île, chaque tatoueur s’est couvert le visage d’eau de source afin de s’imprégner et se connecter au mana de l’île.

Puis l’encre et les aiguilles sont entrées en scène. Les artistes ont eu cinq jours pour s’exprimer sur la peau des habitants volontaires. Poerava Chu, coordinatrice à la mairie, remarque que la population a été au rendez-vous, notamment les jeunes qui semblent très intéressés par le tatouage : “On a entendu que Taha’a c’est isolé de tout, qu’il n’y aurait pas beaucoup de personnes, mais les tatoueurs n’ont pas chômé depuis le début. Ils ont eu du monde jusqu’à 22 heures. On a été obligé d’allonger les heures d’ouverture ! Initialement c’était de 8 heures à 18 heures, mais là on a été obligé d’aller jusqu’à 22 heures car l’agenda de chacun était full. Il y a eu un grand intérêt de la population, et des jeunes surtout.”
 
S'ouvrir au monde
 
Cette première convention de tatouage a été mise en place par la commission Culture de Taha’a ainsi que l’association culturelle de l’île Te upa nui. L’idée a été portée par Jocelyne Bou Kan San, conseillère municipale, et son fils Nohoarii Goche, tatoueur en France. C’est lui qui a contacté les différents tatoueurs : Je leur ai demandé s’ils pouvaient venir. Car ils bossent beaucoup, et ils ont quand même dû bloquer cinq jours dans l’agenda. C’est énorme ! Ils ont fait un beau geste pour nous, et surtout pour Taha’a.”

L’idée était de montrer aux jeunes de l’île ce qui se fait ailleurs, “d’attirer leur attention sur le fait de s’ouvrir au monde, de sortir. Que ça peut apporter beaucoup. Il faut juste oser”, ajoute Poerava. Viri Teura, originaire de Raiatea, est l’un des artistes invités. Tatoueur chez Ahi Tatoo, il explique : “Je dessinais déjà à la base, et je ne savais pas quoi faire de ma vie ; mais je voulais vivre de l’art. Je me suis donc formé avec Ahi Tatoo, et ensuite j’ai fait un cursus de deux ans au Centre des métiers d’art. Ça fait sept ans maintenant que je tatoue. J’ai fait quelques salons de Tahiti. Maintenant je vis à Taha’a, et mon objectif serait d’ouvrir un salon ici.”
 
En marge de la convention, des activités ont été organisées telles que des concours de coprah en équipe, une course de porteurs de fruits, une initiation au massage traditionnel et un tournoi de sports, avec des épreuves de futsal, de volleyball, de basket… Vendredi, l’administration du Pays a même délocalisé sur place les services de la Direction des affaires foncières, de la Santé, des contributions, et des transport, pour permettre à la population d’y avoir accès sans être obligée de se rendre à Raiatea. Enfin, l’événement s’est achevé dimanche avec un ‘ori marathon et un concert gratuit.

Les résultats des concours

Le podium Patutiki ©Marie Production
Le podium Patutiki ©Marie Production
Catégorie Best of Day : Taikanapa (Hotu Shop)

Catégorie Best of Show : Aito Tattoo
 
Catégorie polynésien moderne
1er : Noho Tatau
2e : Nana'o Tattoo
3e : Paul Burns (Burns tattoo shop)
 
Catégorie patutiki
1er : Tems Harrys  (Pk.0 tattooshop)
2e : Aito Tattoo
3e : Hotu Ratto

Nohoarii Goche, dirigeant de Noho Tatau
“C’est un rêve qui se réalise sur mon île”
“Je suis de Taha’a. J’ai grandi ici, mais en ce moment j’évolue dans le Var, dans le Sud de la France. De base je suis parti en France pour l’armée, puis j’ai rencontré mon ‘sensei’ et j’ai tout quitté pour devenir tatoueur. Je suis revenu exprès pour la convention. Le budget avion a piqué un peu, mais c’était important pour moi d’être présent. C’est un rêve qui se réalise sur mon île. C’est le premier d’une série. Là, on est à treize artistes. La prochaine fois on va essayer de faire plus ! La culture en avant. Et l’échange ! Pour moi c’est le plus important. Peu importe les générations et les types de tatouages."

Revatea Rey, tatoueur chez Burns Tatoo shop
“On peut faire quelque chose de ses mains, autre que le fa’a'apu ou la pêche”
“J’ai commencé sur un coup de tête, et c’est devenu une passion. À la base je dessinais beaucoup, donc je me suis dit pourquoi ne pas essayer le tatouage. J’ai commencé comme ça, et ça va faire 6 ans que je tatoue. J’ai fait plusieurs conventions de tatouage, dont Polynesia tātau où j’ai fini 2e en catégorie custom. Pour cette convention, j’ai été invité, et comme c’est l’île de ma grand-mère, c’était important pour moi de venir. Pour relever l’île aussi. Avec tous les problèmes de vol de vanille, la drogue, c’est bien d’avoir des choses positives ici. Surtout qu’en Polynésie on a plein d’artistes. Les jeunes d’ici peuvent voir qu’on peut faire quelque chose de ses mains, autres que le fa’a’apu ou la pêche. Je veux leur dire qu’au début c’est dur de se lancer, mais faut faire le pas, et avoir le courage de le faire. Moi, par exemple, c’est mon tatoueur qui a vu mon travail et qui m’a demandé si je ne voulais pas essayer. Et depuis, je n’ai pas eu peur ou hésité. Je fais un peu tous les styles. À la base je fais beaucoup de portraits, mais ici c’est vrai qu’il vaut mieux faire des motifs polynésiens.”

Heitaa Moana, tatoueur à son compte
“Ici il y a un truc particulier (…) : C’est toujours puissant”
“J’ai grandi à Tahiti, et à force de voir les tontons tatouer à l’époque, ça m’a motivé, comme j’étais déjà dans le dessin. J’ai commencé vers mes 17 ans. J’ai fait quinze ans d’apprentissage avec mon maître de Hawaii, Aisea Suluape. Je tatoue de façon traditionnelle et aussi avec la machine. Ici sur la convention, je le fais de façon traditionnelle pour promouvoir cette façon-là. La grosse différence avec la machine c’est les motifs que tu vas faire, et les instruments évidemment. Là, j’utilise un morceau de bois, sur lequel je fixe un plexiglass. Avant on utilisait de la carapace de tortue, mais là on utilise le plexi pour l’hygiène. Et à la place des os on met des aiguilles. Pour le geste, j’ai besoin d’un assistant pour tirer la peau, un ‘stretcher’, et au niveau de la douleur, certains disent que ça fait moins mal qu’à la machine, ça dépend des gens. Mais personne ne m’a dit que ça faisait plus mal (rires). Pour la convention, c’était important d’être ici parce que j’ai vécu cinq ans à Taha’a, et ici il y a un truc particulier, ce n’est pas n’importe où : C’est toujours puissant.”

Nana Blasch, apprentie chez Eli M Tatoo, et seule tatoueuse femme de l’événement
“Je suis honorée d’être à côté de tous ces artistes”
“C’est ma première convention, je suis apprentie chez Eli M Tatoo à Pirae. Avant je faisais du handpoke en France, où tu n’as pas de machine et tu fais à la main point par point avec ton aiguille. Cela fait 6 mois que je suis passée à la machine. Donc pour cette première convention, c’est très impressionnant et je suis honorée d’être à côté de tous ces artistes. Tout le monde ici a été très accueillant, même si je ne suis pas d’ici et que je commence juste. C’est vraiment top."


Rédigé par V.Leroi le Lundi 4 Juillet 2022 à 14:37 | Lu 1606 fois