Tahiti, le 4 août 2022 – Le tribunal administratif a suspendu mercredi le permis de construire “modificatif” du Pays, qui devait permettre de régulariser les travaux menés depuis 2019 sans autorisations suffisantes sur le motu Terurumi à Bora Bora pour la construction de la Villa de luxe de la société “Bora Yes”. Des travaux non autorisés responsables des dégâts et de la lagune tant décriée sur le motu…
C'est une première victoire devant la justice pour les riverains du motu Terurumi à Bora Bora. Ils contestent depuis des mois les dégradations liés aux travaux de construction de la villa de luxe “Quintessence” de la société Bora Yes sur la Perle du Pacifique. Mercredi, le tribunal administratif de Papeete a suspendu le permis de construire “modificatif”, accordé par le Pays le 5 mai dernier, pour régulariser des travaux menés depuis trois ans sans autorisations suffisantes.
“Lentille polluée”
L'affaire avait été largement médiatisée à compter de la fin de l'année 2021. Plusieurs riverains du motu Terurumi à Bora Bora s'étaient alors manifestés pour dénoncer les travaux menés autour de la construction de la fameuse Villa Quintessence. “La construction de la villa n'a jamais posé de problème en tant que tel. Ce sont les travaux non-prévus et non-autorisés de creusement de lagunes et la pollution de la lentille d'eau qui en a résulté que dénoncent mes clients”, rappelle l'avocat du cabinet MLDC, Me Édouard Varrod, qui défend les riverains. C'est d'ailleurs le creusement de ces lagunes qui avait fait bondir les habitants du motu. Lesquels accusent ces travaux lourds d'avoir “pollué la lentille d'eau douce” aujourd'hui devenue impropre à la consommation…
À l'origine –administrative– de cette affaire : la société Bora Yes appartenant à un riche investisseur américain avait déposé une demande d'autorisation de travaux immobiliers “pour des travaux de construction d'une maison d'habitation, assortie d'un ponton sur pilotis” en décembre 2018. La société avait obtenu une autorisation en juillet 2019, mais elle avait ensuite entrepris de mars à juillet 2021 la réalisation de deux lagunes intérieures pour permettre un accès par bateau à la villa. Des travaux “entrepris de mars à juillet 2021, en dehors de toute autorisation”, rappelle le tribunal administratif dans sa décision de mercredi. Par la suite, une contravention de grande voirie avait été adressée le 15 octobre 2021 à la société par les services du Pays. Mais le gouvernement a “curieusement”, pour reprendre les termes de l'avocat des requérants, entrepris de régulariser l'ensemble des travaux illégaux. D'abord avec une autorisation d'occupation du domaine public maritime le 29 décembre 2021. Puis avec un permis de construire modificatif, le 5 mai 2022.
Permis suspendu
C'est ce permis de construire modificatif qui a été attaqué cette semaine en référé par les riverains du motu. Et dans sa décision rendue mercredi, le tribunal administratif a “suspendu” l'exécution de cet avenant au permis de construire initial et condamné le Pays à verser 150 000 Fcfp de frais de justice aux requérants. Le tribunal a estimé qu'il existait un “doute sérieux” sur la légalité de la décision du gouvernement, en raison de plusieurs manquements dans la procédure à respecter pour ce type d'autorisation de travaux. L'affaire sera jugée prochainement au fonds par le tribunal administratif, sur la question de l'annulation du permis de construire modificatif.
Mais la procédure intentée par les riverains ne s'arrête pas là. Dès lundi, leur avocat devra plaider en référé devant la juridiction judiciaire sa demande de cessation des travaux, d'expertise des dégâts causés et de dédommagement des riverains. Me Édouard Varrod confirme d'ailleurs que la décision de cette semaine sera versée au dossier, pour appuyer sa démarche. Enfin, un troisième recours devant le tribunal administratif est par ailleurs toujours en instance pour statuer sur la légalité de la régularisation de l'autorisation d'occupation du domaine public maritime de décembre dernier. Le feuilleton de la Villa Bora Yes n'a donc pas fini d'occuper le gouvernement dans les prochains mois…
C'est une première victoire devant la justice pour les riverains du motu Terurumi à Bora Bora. Ils contestent depuis des mois les dégradations liés aux travaux de construction de la villa de luxe “Quintessence” de la société Bora Yes sur la Perle du Pacifique. Mercredi, le tribunal administratif de Papeete a suspendu le permis de construire “modificatif”, accordé par le Pays le 5 mai dernier, pour régulariser des travaux menés depuis trois ans sans autorisations suffisantes.
“Lentille polluée”
L'affaire avait été largement médiatisée à compter de la fin de l'année 2021. Plusieurs riverains du motu Terurumi à Bora Bora s'étaient alors manifestés pour dénoncer les travaux menés autour de la construction de la fameuse Villa Quintessence. “La construction de la villa n'a jamais posé de problème en tant que tel. Ce sont les travaux non-prévus et non-autorisés de creusement de lagunes et la pollution de la lentille d'eau qui en a résulté que dénoncent mes clients”, rappelle l'avocat du cabinet MLDC, Me Édouard Varrod, qui défend les riverains. C'est d'ailleurs le creusement de ces lagunes qui avait fait bondir les habitants du motu. Lesquels accusent ces travaux lourds d'avoir “pollué la lentille d'eau douce” aujourd'hui devenue impropre à la consommation…
À l'origine –administrative– de cette affaire : la société Bora Yes appartenant à un riche investisseur américain avait déposé une demande d'autorisation de travaux immobiliers “pour des travaux de construction d'une maison d'habitation, assortie d'un ponton sur pilotis” en décembre 2018. La société avait obtenu une autorisation en juillet 2019, mais elle avait ensuite entrepris de mars à juillet 2021 la réalisation de deux lagunes intérieures pour permettre un accès par bateau à la villa. Des travaux “entrepris de mars à juillet 2021, en dehors de toute autorisation”, rappelle le tribunal administratif dans sa décision de mercredi. Par la suite, une contravention de grande voirie avait été adressée le 15 octobre 2021 à la société par les services du Pays. Mais le gouvernement a “curieusement”, pour reprendre les termes de l'avocat des requérants, entrepris de régulariser l'ensemble des travaux illégaux. D'abord avec une autorisation d'occupation du domaine public maritime le 29 décembre 2021. Puis avec un permis de construire modificatif, le 5 mai 2022.
Permis suspendu
C'est ce permis de construire modificatif qui a été attaqué cette semaine en référé par les riverains du motu. Et dans sa décision rendue mercredi, le tribunal administratif a “suspendu” l'exécution de cet avenant au permis de construire initial et condamné le Pays à verser 150 000 Fcfp de frais de justice aux requérants. Le tribunal a estimé qu'il existait un “doute sérieux” sur la légalité de la décision du gouvernement, en raison de plusieurs manquements dans la procédure à respecter pour ce type d'autorisation de travaux. L'affaire sera jugée prochainement au fonds par le tribunal administratif, sur la question de l'annulation du permis de construire modificatif.
Mais la procédure intentée par les riverains ne s'arrête pas là. Dès lundi, leur avocat devra plaider en référé devant la juridiction judiciaire sa demande de cessation des travaux, d'expertise des dégâts causés et de dédommagement des riverains. Me Édouard Varrod confirme d'ailleurs que la décision de cette semaine sera versée au dossier, pour appuyer sa démarche. Enfin, un troisième recours devant le tribunal administratif est par ailleurs toujours en instance pour statuer sur la légalité de la régularisation de l'autorisation d'occupation du domaine public maritime de décembre dernier. Le feuilleton de la Villa Bora Yes n'a donc pas fini d'occuper le gouvernement dans les prochains mois…
Me Édouard Varrod, avocat des riverains : “Le Pays adoube des gens qui font des choses dans des conditions étranges et illégales”
Pour quelles raisons le tribunal a-t-il suspendu ce permis de construire modificatif ?
“Le tribunal administratif a ordonné la suspension des effets de ce permis de construire modificatif pour plusieurs raisons. Nous avions soulevé énormément de défauts de ce permis de construire modificatif, parce que la Polynésie française avait manqué à beaucoup de ses obligations. En fait, elle aurait dû vérifier certaines mentions avant d'accorder le permis de construire et elle ne l'a pas fait. Mais ce que je trouve intéressant dans cette décision du tribunal administratif, c'est que le juge rétablit plusieurs vérités. La première, c'est qu'on nous a dit pendant très longtemps (…) qu'il n'y avait pas d'eau sous le motu. Après, on nous a dit que l'eau n'était pas douce et pas exploitable. Après, on nous dit que l'eau était quasiment douce, mais que nous n'avions pas d'autorisation pour l'exploiter. Ensuite, on nous a dit que, certes, il y a eu une pollution de l'eau douce par l'eau salée, mais qu'elle s'est limitée à 90 mètres autour du terrain de la SARL Bora Yes… Et le juge des référés a pris exactement le contrepied de toutes ces versions. Il dit que les attestations que nous apportions démontrent qu'il y avait de l'eau douce ; qu'elle a été polluée par de l'eau de mer depuis les travaux qui ont commencé en mars 2021 ; que les résidents avaient le droit d'utiliser cette eau sans autorisation, parce que l'usage de l'eau douce pour à des fins domestiques n'est pas soumis à autorisation, et que cela n'excède pas les usages que chacun peut faire du domaine public. Et puis surtout, le juge vient dire : Attention prudence quand on fait des travaux d'une telle ampleur sur un motu qui est préservé de l'activité humaine ! C’est-à-dire que l’administration ne pouvait pas accorder un permis de construire sans avoir vérifié que toutes les conséquences de ces travaux ont été prises en compte.”
Quelles conséquences cette décision a-t-elle sur votre action ?
“Cela veut bien dire que, dans cette histoire, la Polynésie française a émis des décisions qui sont très surprenantes. C'est à dire que la collectivité vient autoriser l'occupation du domaine public a posteriori, alors que les travaux étaient faits et alors même qu'ils ont causé des dégâts. Elle vient autoriser des travaux qui ont dévasté un motu, qui a été coupé en deux. On dirait que la Polynésie française adoube des gens qui font des choses dans des conditions totalement étranges ou en tout cas totalement illégales. Et on trouve cela très surprenant, pour ne pas dire autre chose, que la Polynésie française fasse cela et qu'il faille que ce soit le tribunal administratif qui vienne annuler ces décisions-là.”
“Le tribunal administratif a ordonné la suspension des effets de ce permis de construire modificatif pour plusieurs raisons. Nous avions soulevé énormément de défauts de ce permis de construire modificatif, parce que la Polynésie française avait manqué à beaucoup de ses obligations. En fait, elle aurait dû vérifier certaines mentions avant d'accorder le permis de construire et elle ne l'a pas fait. Mais ce que je trouve intéressant dans cette décision du tribunal administratif, c'est que le juge rétablit plusieurs vérités. La première, c'est qu'on nous a dit pendant très longtemps (…) qu'il n'y avait pas d'eau sous le motu. Après, on nous a dit que l'eau n'était pas douce et pas exploitable. Après, on nous dit que l'eau était quasiment douce, mais que nous n'avions pas d'autorisation pour l'exploiter. Ensuite, on nous a dit que, certes, il y a eu une pollution de l'eau douce par l'eau salée, mais qu'elle s'est limitée à 90 mètres autour du terrain de la SARL Bora Yes… Et le juge des référés a pris exactement le contrepied de toutes ces versions. Il dit que les attestations que nous apportions démontrent qu'il y avait de l'eau douce ; qu'elle a été polluée par de l'eau de mer depuis les travaux qui ont commencé en mars 2021 ; que les résidents avaient le droit d'utiliser cette eau sans autorisation, parce que l'usage de l'eau douce pour à des fins domestiques n'est pas soumis à autorisation, et que cela n'excède pas les usages que chacun peut faire du domaine public. Et puis surtout, le juge vient dire : Attention prudence quand on fait des travaux d'une telle ampleur sur un motu qui est préservé de l'activité humaine ! C’est-à-dire que l’administration ne pouvait pas accorder un permis de construire sans avoir vérifié que toutes les conséquences de ces travaux ont été prises en compte.”
Quelles conséquences cette décision a-t-elle sur votre action ?
“Cela veut bien dire que, dans cette histoire, la Polynésie française a émis des décisions qui sont très surprenantes. C'est à dire que la collectivité vient autoriser l'occupation du domaine public a posteriori, alors que les travaux étaient faits et alors même qu'ils ont causé des dégâts. Elle vient autoriser des travaux qui ont dévasté un motu, qui a été coupé en deux. On dirait que la Polynésie française adoube des gens qui font des choses dans des conditions totalement étranges ou en tout cas totalement illégales. Et on trouve cela très surprenant, pour ne pas dire autre chose, que la Polynésie française fasse cela et qu'il faille que ce soit le tribunal administratif qui vienne annuler ces décisions-là.”