Tahiti Infos

Premier collectif budgétaire à l'assemblée sur fond de campagne


© Anne-Laure Guffroy
© Anne-Laure Guffroy
Tahiti, le 23 février 2023 – L'examen du premier collectif budgétaire de l'année s'est déroulé jeudi, à l'assemblée. Les représentants ont voté le versement supplémentaire de 2,750 milliards de Fcfp au budget du CHPF, qui fait suite au protocole d'accord de sortie de grève de l'hôpital. D'autres mesures étaient également à l'ordre du jour de ce collectif budgétaire, que les élus de l'opposition n'ont pas manqué de qualifier de “mesures électoralistes” à deux mois des élections territoriales.
 
Les représentants à l'assemblée de la Polynésie se sont réunis en session extraordinaire, jeudi, pour examiner le premier collectif budgétaire portant modification du budget 2023. Celui-ci fait directement suite au protocole d'accord de sortie de grève du CHPF, fin janvier, dans lequel le Pays avait accepté de verser 2,4 milliards de Fcfp supplémentaires au budget de l'hôpital pour faire face au déficit structurel et financier de l'établissement et améliorer la qualité et la sécurité des soins. Finalement, ce sont 2,750 milliards de Fcfp qui ont été votés lors de ce collectif budgétaire.
 
L'opposition a regretté que les budgets 2023 de l'hôpital de Taaone, mais aussi de celui de Uturoa, qui a lui-même fait l'objet d'un mouvement social début février, aient été mal appréhendés. “Il aura fallu pas moins de quatre réunions du conseil d'administration de l'hôpital de Taaone et deux mouvements sociaux pour que des moyens soient débloqués”, a déclaré Nicole Bouteau, qui siège dorénavant parmi les non-inscrits. Elle a par ailleurs déploré, tout comme le Tavini Angelo Frébault, un manque de communication entre les ministres, sous-entendu de la Santé et des Finances. En réponse, le ministre des Finances, Yvonnick Raffin, a reproché à certains élus, également membres du conseil d'administration du CHPF, de s'être abstenus lors du vote du budget de l'établissement et de venir critiquer le réajustement proposé lors du collectif. De son côté, la présidente du groupe Tapura à l'assemblée, Tepuaraurii Teriitahi, a expliqué que notamment pour l'hôpital de Uturoa, où huit postes ont été créés suite à la grève, les besoins n'étaient pas remontés à la Direction de la santé. Mais elle concède que la grève aurait pu être évitée.

L'opposition dénonce des mesures électoralistes

Au total, ce ne sont pas seulement 2,750 milliards de Fcfp pour le CHPF qui ont fait l'objet de la modification budgétaire, mais 6,207 milliards de Fcfp pour la section fonctionnement du budget 2023. En effet, le gouvernement a proposé une enveloppe supplémentaire de 1,4 milliard de Fcfp pour les aides à l'emploi et de réabonder le fonds de régulation des prix des hydrocarbures de 244 millions de Fcfp ainsi que celui de la protection sociale universelle de 176 millions de Fcfp. Il prévoit également une enveloppe de 720 millions de Fcfp pour relever le point d'indice des fonctionnaires territoriaux de 3% et le barème Anfa [Agents non-fonctionnaires de l'administration, NDLR]. Enfin, des dépenses techniques, financées par des recettes affectées, sont reportées à hauteur de 322 millions de Fcfp sur la gestion de l’exercice 2023. Des mesures que l'opposition a taclées d'électoralistes à l'approche de l'échéance des territoriales. “C'est bien d'avoir cette erreur sur la dotation au CHPF. Comment auriez-vous fait, sinon, pour pouvoir voter tous les dispositifs nouveaux ?”, a ironisé Teva Rohfritsch, qui a accusé le gouvernement de “faire campagne sur fonds publics”. “Ce budget 2023 était-il à ce point insincère qu'il faille le corriger dès le mois de février ou tentez-vous le tout pour le tout ?”, a-t-il poursuivi. “On a l'impression qu'on profite de ce collectif pour distribuer à tout va ce qu'il reste”, a lancé, quant à lui, Angelo Frébault. Les élus de l'opposition dénoncent notamment un abondement du FRPH, justifié par la majorité par le fait que les recettes de l’exercice 2022 étaient inférieures au niveau anticipé dans le budget primitif, alors que le gouvernement a annoncé mercredi une baisse des prix des carburants à compter du 1er mars…
 
Mais l'objet du débat a surtout porté sur le financement de ce réajustement budgétaire. Plus de 91% (soit 5,661 milliards de Fcfp) proviennent des réserves qui étaient estimées fin janvier à 21,386 milliards de Fcfp. Des recettes qui sont le résultat, selon le ministre de l'Économie et des Finances, des taxes sur les produits importés qui ont augmenté en raison de l'inflation mondiale. Mais pour l'opposition, en revanche, ce que le gouvernement est en train de “mettre de côté provient des taxes prélevées de la poche des Polynésiens” , comme l'a souligné la représentante A Here Nicole Sanquer. “Vous maintenez un niveau de taxe pour engranger, pour jouer au Papa Noël” et “promettez une seconde distribution si vous êtes réélu”, a poursuivi Teva Rohfritsch. Yvonnick Raffin a rétorqué que les réserves étant le résultat de “l'inflation importée”, elles sont “conjoncturelles et donc temporaires”. Quant à la taxe CPS, à la question de savoir pourquoi elle n'a pas servi à financer le budget supplémentaire versé à l'hôpital, le ministre a rappelé qu'elle sert à financer la protection sociale et doit donc être dissociée du financement spécifique du CHPF.
 
À noter que le budget en investissement a également été modifié, en raison notamment de la participation de l'État à différents projets, comme l’opération de rénovation du phare de la pointe Vénus, dont 30 % du montant de la subvention de l’État au titre du fonds d’intervention maritime ont été versés, mais aussi pour l'achat de terrains à Temae et Haapiti, à Moorea, pour 3,5 milliards de Fcfp, pour garantir l'accès au littoral à la population, ou encore le versement d'un complément de 59,6 millions de Fcfp pour les travaux d'extension de la bibliothèque universitaire, en raison d’une augmentation supérieure à 35% du coût des travaux.

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Jeudi 23 Février 2023 à 19:47 | Lu 1033 fois