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Pouvanaa te Metua, une page d'histoire au cinéma


Pouvanaa te Metua, une page d'histoire au cinéma
Le cinéma Le Majestic programme le film documentaire réalisé par Marie-Hélène Villierme « L’élu du peuple, Pouvanaa Te Metua », à raison d’une séance par jour à 18 heures, du 18 au 30 avril prochains. Une surprise est réservée aux amateurs de musique classique, pour la première mercredi 18 avril.

Prix du public, lors du FIFO 2012, le Festival international du film océanien, en février dernier : près de 4.000 spectateurs avaient alors visionné ce film qui met en images, pour la première fois, à partir d’archives et de témoignages importants, le destin politique de Pouvanaa a Oopa. L’orchestration de sa mise à l’écart y sert de fil rouge pour traverser, au fil de ce document de 92 minutes, une page peu connue et pourtant décisive de l’histoire polynésienne récente.

Fruit de travaux initiés en 2008, le documentaire a été financé sur fonds propres par l’auteur, avec la participation de la chaîne Tahiti Nui Télévision, qui a acquis les droits de publication, et un accompagnement financier offert par l’Aide à la production audiovisuelle et cinématographique (APAC). Le film sera notamment présenté au prochain festival Présence autochtone, à Montréal, Québec. Il sera diffusé localement sur les ondes par TNTV, prochainement.

Des séances pour les scolaires sont également aménagées au cinéma Le Majestic le matin, de manière permanente, sur réservation, à la séance de 9 heures.

Dossier de presse sur le Film

Pouvanaa te Metua, une page d'histoire au cinéma
Marie-Hélène Villierme : "c'est un film engagé, mais pas militant"

Tahiti Infos : Qu’est-ce qui vous a convaincu de faire un documentaire sur Pouvanaa ?

Marie-Hélène Villierme : C’est en 2005 que j’ai eu les premières idées pour faire ce film, suite à des déclarations, notamment de Brigitte Girardin qui disait alors « Le processus électoral n’est pas fini ; les robinets sont à présent fermés ». Moi qui voyais naïvement l’Etat comme impartial, gérant la Polynésie « en bon père de famille », j’ai compris qu’il n’en était rien : certainement sur le tard ; mais j’ai compris aussi que, vu cette relation politique malsaine, instable, qui s’est perpétuée au long des années, jusqu’à aujourd’hui, on ne nous disait pas tout. Loin de là. Et pour comprendre ce qu’il se passe aujourd’hui – et c’est vraiment la problématique qui m’a incitée à faire ce film –, je me suis demandée : depuis quand ; comment ; pourquoi ? Et en remontant dans le temps, j’ai rencontré ce personnage, je le connaissais évidemment, il avait une place dans mon esprit ; mais en faisant des recherches, j’ai été étonnée de constater qu’il y avait autant d’informations, à son propos. (…) J’ai été frappée de constater aussi que la période des années cinquante avait été aussi agitée, tant au plan politique que social. Pour moi, ces années là étaient jusque là plutôt synonyme de joie de vivre et de belle époque.

Tahiti Infos : C’est un film engagé ?

M-H Villierme : C’est un film engagé, mais pas militant. Il ne prend pas partie pour un camp. J’ai tenté de faire un documentaire objectif. Il est engagé parce que l’on dénonce : ce que j’ai découvert, je l’ai dit, sans tabou. Il n’est pas militant, dans le sens où il n’est pas tout blanc ou tout noir. Et je n’y exprime pas le point de vue d’un parti politique. C’est la critique un peu facile que l’on m’a faite au départ. Ce n'est pas fondé. Elle a été formulée a priori, avant que les gens n’ai pu voir le film ; mais elle n’a pas tenu.



Pouvanaa te Metua, une page d'histoire au cinéma
Pouvanaa, Te metua

Né en 1895 à Huahine, année de la signature du traité d’annexion de son île par la France, Pouvana'a Oopa décède en 1977, alors que se met en place le premier Statut d’autonomie et de gestion du Territoire de la Polynésie française, qui sera signé en juillet, cette même année, par Françis Sanford. La destinée du Metua, aujourd’hui promu au rang d’icône en Polynésie, apparaît d’emblée comme étroitement liée à l’histoire politique du pays. Premier leader indépendantiste, il s’oppose avec force à l’administration coloniale française lorsque la décision est prise d’implanter le centre d’expérimentations nucléaires dans le Pacifique. L’historien Jean-Marc Regnault estime qu’il a été victime de la raison d’Etat, condamné en 1959, après un procès que lui-même et la magistrate Catherine Vannier ont qualifié de « colonial » dans leur ouvrage « Le Metua et le Général, un combat inégal ».
A la faveur de la possible ouverture des archives de ce procès, diverses initiatives sont engagées aujourd’hui pour inciter à la révision de cette décision de justice qui pourrait permettre la réhabilitation de sa mémoire, affaire d'honneur pour laquelle l’homme se sera battu jusqu’au dernier souffle.
Pouvanaa est en 1940 l'un des principaux artisans du ralliement à la France libre, mais il s'oppose vite à l'administration qu'il accuse de ne pas respecter les droits des autochtones, ce qui lui vaut des peines d'emprisonnement. Il continue son combat après la guerre et il est élu député en 1949. Il fonde un puissant parti, le Rassemblement démocratique des Populations tahitiennes (RDPT). Devenu vice-président du gouvernement issu de la loi-cadre, il préconise le « non » au référendum organisé par le général de Gaulle, le 28 septembre 1958. Il n'est pas suivi par la population qui, en votant « oui » majoritairement, souhaite implicitement rester attachée à la France. Peu après, Pouvanaa est arrêté sous le motif qu'il aurait ordonné d'incendier Papeete. Si cette accusation n'est pas retenue à l'issue du procès, il est néanmoins condamné à la prison et à 15 années d'exil pour « complicité de destruction d'édifices et détention d'armes et de munitions sans autorisation ». Amnistié en 1968, il rentre à Tahiti et devient sénateur de 1971 jusqu'à sa mort, en 1977.
Il n'a cessé de proclamer son innocence pour les faits de 1958 et combattu pour obtenir la révision de son procès. Les diverses tentatives pour y parvenir, de son vivant comme après son décès, sont restées vaines. Les Polynésiens l'ont surnommé Te Metua, c'est-à-dire Le père spirituel.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 16 Avril 2012 à 16:49 | Lu 1362 fois