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Pouvana'a a Oopa: La mémoire du Metua déchargée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation


PARIS, le 25 octobre 2018- "La Cour de révision dit que la requête en révision est fondée. Elle annule l’arrêt de la Cour criminelle de Polynésie française du 21 octobre 1959 condamnant Pouvanaa a Oopa à la peine de 8 ans de réclusion criminelle et à celle de 15 ans d’interdiction de séjour. Elle constate que Pouvanaa a Oopa est décédé le 10 janvier 1977 et en conséquence, elle décharge sa mémoire. "

Tels sont les mots employés, ce jeudi 25 octobre à Paris, par le Greffier de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, dans le délibéré concernant la demande de révision du procès de Pouvanaa a Oopa. Dans la salle d’audience se tiennent, debout, Teiha et Teheiura Stephenson, arrière-arrière-petits-fils du Metua, accompagnés par Louise Peltzer, ancienne Présidente de l’Université de Polynésie française et petite-nièce de Pouvanaa, la réalisatrice Marie-Hélène Villierme, ainsi que des proches et journalistes venus nombreux entendre ce délibéré historique pour le Fenua. Le 5 juillet dernier, l’avocate générale avait recommandé l’annulation du procès, ce qui laissait entrevoir un délibéré allant dans le même sens.


Teiha et Teheiura Stephenson, les arrière-arrière-petits-enfants de Pouvanaa représentaient leur père Sandro
Teiha et Teheiura Stephenson, les arrière-arrière-petits-enfants de Pouvanaa représentaient leur père Sandro
« C’est une décision que j’espérais », a déclaré l’avocat Emmanuel Piwnica, désigné curateur à la mémoire de Pouvanaa A Oopa par la Cour de révision. « A la lecture de l’examen de ce dossier, j’étais absolument convaincu de l’ensemble des erreurs qui avaient pu être commises par la Justice (…). Un certain nombre de représentants de la République française s’étaient mal conduits (…) », poursuit-il, « et c’est la grandeur de la République française d’avoir une Justice, aujourd’hui, indépendante (…), capable de reconnaitre ses fautes, capable de réparer ».

« Il n’est jamais parti, il est toujours là » a confié Louise Peltzer. « C’est un grand jour, et il a toujours cru en la Justice. Il n’a jamais été haineux ». Louise Peltzer avait rencontré le Metua alors qu’il était assigné à Pierrefonds en Métropole. Échangeant en Re’o Ma’ohi, Pouvanaa a Oopa l’avait encouragé à « parler la langue ». « Il a toujours défendu ça, la culture polynésienne avec sa langue (…). C’est un bel exemple pour nous tous et je suis fière d’appartenir à la famille ». « C’est un moment qu’on attendait depuis un demi-siècle », salue Teiha Stephenson, ému par le dénouement de près de 60 ans de combat. « Ma grand-mère nous a souvent raconté cette nuit », durant laquelle Pouvanaa fut arrêté, « lorsqu’on était enfants, quasiment tous les soirs, elle nous demandait de ne pas lâcher ce combat après elle ».

Le délibéré s’appuie sur des « faits nouveaux » rapportés par des témoignages recueillis ces dernières années. Il rapporte notamment qu’aux Îles Sous-le-Vent, l’arrestation de Pouvanaa a Oopa avait été annoncée un jour avant celle-ci. Pour précision, Pouvanaa a Oopa étant décédé au moment de ce délibéré, il s’agit d’une décharge de sa mémoire de toutes accusations de « complicité d’incendies volontaires ou de tentatives d’incendies volontaires d’édifices habités, et de détention d’armes et de munitions sans autorisation ». La révision du procès du Metua est la septième, depuis le début de la Ve République, a rencontré une issue positive.



Emmanuel Piwnica, avocat désigné curateur à la mémoire de Pouvanaa A Oopa par la Cour de révision

« C’est une décision que j’espérais. A l’examen du dossier, j’étais absolument convaincu de l’ensemble des erreurs qui avaient pu être commises par la Justice, plus exactement par un certain nombre de ses représentants, de ses agents un peu trop zélés. On peut constater aujourd’hui une chose qui me parait essentielle : un certain nombre de représentants de la République française s’étaient mal conduits, avaient eu des comportements indignes et insupportables. C’est la grandeur de la Justice, la grandeur de la République française d’avoir une Justice, aujourd’hui en tout cas, indépendante, capable de reconnaître ses erreurs, ses fautes, capable de les réparer. Il faut se réjouir d’être dans un pays qui a cette Justice aujourd’hui. La Justice française est mal passée à une époque, elle a été capable de reconnaître ses fautes et les a totalement réparés puisqu’aujourd’hui Pouvanaa est reconnu comme innocent, il a toujours été innocent, sa mémoire est déchargée. On peut s’en réjouir ».

Louise Peltzer, ancienne présidente de l’UPF et petite-nièce de Pouvanaa a Oopa :

« Il était confiant et on a surtout parlé de la langue. Il savait que j’aimais bien la langue et il me disait que c’était important pour notre pays, que les Polynésiens continuent à parler leur langue. Il a toujours défendu la culture polynésienne avec sa langue. Il ne portait pas de propos haineux. Il disait : « je suis là, c’est une condamnation mais je sais qu’un jour la vérité sera connue ». C’est un grand homme. Vivre comme ça, loin de son pays, de ses proches et sans haine, je trouve que c’est un exemple, un bel exemple pour nous tous et je suis fière d’appartenir à la famille ».

Rédigé par Tenahe Faatau le Jeudi 25 Octobre 2018 à 06:31 | Lu 1892 fois