PAPEETE, 20 mai 2019 - Présent en 2014, avec la candidature de Tetuahau Temaru sur une liste affiliée au Parti Socialiste, le Tavini Huiraatira s'intéressera cette année aux votes comptabilisés comme nuls au scrutin de samedi : "Plutôt que d'appeler à l’abstention, on demande aux électeurs d’utiliser ce vote pour dire qu’ils ne sont pas contre l’Europe, mais qu’ils veulent une Europe partenaire direct d’un Ma’ohi Nui indépendant. D’où l’idée de ce bulletin I Love Ma’ohi Nui.", explique le député souverainiste Moetai Brotherson.
Comment l’Europe est-elle regardée au Tavini Huiraatira ?
Elle est parfois présentée comme le Grand méchant loup, avec le syndrome du plombier polonais qui va venir dérober des emplois ici. A tort ou à raison ; mais il y a une part statistique de vérité dans cette crainte. (…) Au-delà de ça, pour le Tavini Huiraatira, l’Europe représente un partenaire économique avec qui nous entretenons des échanges commerciaux dans un déséquilibre patent. Quand on voit ce qu’on importe d’Europe et ce qu’on y exporte, nous sommes clairement perdants. L’Europe c'est aussi un partenaire culturel puisque, de par le passeport européen que nous avons, nous pouvons circuler librement dans tout l’espace communautaire. Ce n’est pas négligeable.
Le problème que l’on voit dans tout ça, c’est qu’aujourd’hui l’Europe n’est pas un partenaire direct. C’est un partenaire au travers de la France. Nous sommes un PTOM (Pays et territoires d’outre-mer de l’Union européenne, NDLR). En cette qualité, nous n’arrivons pas à interagir de manière directe et complètement avec l’Europe. Nous sommes cantonnés dans de petits circuits, avec des queues de financement. Quand on compare ce qui se fait entre l’Europe et les PTOM, les RU, Régions ultrapériphériques, et les ACP (accord de partenariat entre l'Europe et certains Pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, NDLR), on doit bien constater que nous sommes les parents pauvres. A terme, nous sommes pour une relation directe, entre un Ma’ohi Nui souverain et l’Europe, à la manière de ce qui se fait avec les ACP.
Comment se présente la perspective des élections européennes de ce week-end au regard de cette analyse-là ?
Nous avons forcément une analyse décalée. Nous nous plaçons en dehors de la boîte, contrairement à toutes les autres formations politiques locales, qui essayent de se raccrocher tant bien que mal aux formations politiques nationales. Le changement de mode de scrutin fait que, contrairement à 2014 où il y avait des sections Pacifiques, etc., aujourd’hui on est obligé de s’affilier à un parti national qui décide en quel wagon – de queue, bien sûr – on va être positionné. Preuve en est : il n’y a aucun Polynésien qui a réellement des chances d’être élu au Parlement européen.
C’est ce qui justifie le choix du Tavini Huiraatira de faire campagne pour Ma’ohi Nui ?
Classiquement, on aurait eu le réflexe de prôner l’abstention et de dire aux gens "Faites un barbecue, allez surfer ou pêcher, ce sera certainement beaucoup mieux pour vous, ce jour-là". Et puis on s’est dit que nous pouvions prendre le contre-pied de ce qu’on nous reproche habituellement et on a eu l’idée, plutôt que d'appeler à l’abstention, de demander aux électeurs d’utiliser ce vote pour dire qu’ils ne sont pas contre l’Europe, mais qu’ils veulent une Europe partenaire direct d’un Ma’ohi Nui indépendant. D’où l’idée de ce bulletin I Love Ma’ohi Nui.
En somme vous assumez l’instrumentalisation de ce scrutin.
Complètement. D’abord c’est totalement légal. Ces bulletins ne seront évidemment pas comptabilisés, comme ils pourraient ou devraient l’être, puisque le système électoral de la République ne comptabilise aujourd’hui ni les blancs, ni les nuls, pour les résultats du vote. Mais, on se dit que si on fait le delta entre l’élection précédente, où il y a eu je crois un peu plus de 85 % d’abstentions… On se dit que si cette fois-ci il y a un peu moins d’abstention et plus de bulletins nuls, cela voudra dire que nous aurons gagné notre pari.
C’est-à-dire que vous allez revendiquer la masse des bulletins nuls ?
Ah oui ! Ils découleront forcément de cet appel. C’est vrai que l’on peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut. Mais si on reste conservateur, il nous suffira de prendre le nombre de bulletins nuls recensés à la dernière élection, et de comptabiliser le delta avec les résultats de samedi.
Est-ce une manière de mobiliser l’électorat polynésien sur une échéance électorale qui ne l’intéresse pas traditionnellement ?
Je ne sais pas si on va réussir à mobiliser. On l’espère. Mais c’est en tout cas une manière d’éveiller les consciences. Pour nous il n’y a pas vraiment d’enjeu, sur cette élection. Il n’y aura pas de Polynésiens au Parlement européen.
Je suis député à l’Assemblée nationale depuis deux ans. Déjà, on a parfois le sentiment, quand on est à Paris que la distance entre le Polynésien de base – ce n’est pas péjoratif – et les décisions ou les actions que l’on mène à l’Assemblée est assez lointaine. Mais alors quand vous allez à Bruxelles, c’est en année-lumière... Les eurodéputés passent leur temps à discuter du calibre des Macaroni ou de choses dont le commun des mortels n’a que faire. Donc par rapport à ça, l’intérêt pour nous d’avoir un député européen, quand bien même serait-il Polynésien, il est minime. Son pouvoir d’action au sein du Parlement est très limité, de par notre statut de PTOM. Il pourra certainement faire des trucs très sympas pour les autres, pour l’Europe, les pays européens ; mais pour la Polynésie il ne pourra pas grand-chose.
A l’inverse, nous avons depuis 2011 je crois, à l’initiative d’Oscar Temaru, créé au sein de l’administration du Pays, le Bureau des Affaires européennes (BAE). Et ça, c’est beaucoup plus intéressant à mon avis. C’est eux, réellement, qui aident les acteurs locaux à monter les dossiers pour présenter des projets éligibles au Fonds européen de développement. Parce que le FED, c’est le gros des aides européennes chez nous. Et là aussi, nous sommes les mauvais élèves, quand on se compare à la Nouvelle-Calédonie ou aux autres PTOM. Le montage des dossiers est compliqué ; les acteurs ne sont pas forcément formés. Plutôt que de perdre de l’énergie et du temps à essayer de faire élire quelqu’un qui ne sera pas élu, de toute façon, je préférerais que l’on muscle le BAE à Tahiti, et que l’on crée une cellule itinérante pour aller d’île en île aider les tāvana à monter des dossiers éligibles au FED, de A à Z.
Comment se passe la campagne pour Maohi Nui sur le terrain ?
Nous avons démarré les meetings. En gros nous faisons de la pédagogie. On explique ce que je viens d’exposer, à savoir : 1. Du fait que l’on soit un PTOM, nous sommes enfermés dans un carcan très restrictif ; 2. Que tous les candidats polynésiens qui sont actuellement sur certaines listes n’ont aucune chance d’être élu ; 3. Que l’on ferait mieux de doper le BAE, plutôt que de perdre son temps à essayer de faire élire un député européen.
Et les bulletins Ma’ohi Nui ?
I Love Ma’ohi Nui ! Nous en avons imprimé une certaine quantité sur les fonds du parti. On propose aux gens de venir les récupérer au siège du Tavini Huiraatira. Je crois que l’on en a commandé 100 000. Parce que c’est l’objectif. Il faut être ambitieux. (Rires). L’espoir fait vivre… Je ne voudrais pas donner de mauvais chiffres. Mais il me semble que c’était l’idée initiale. Donc, on dispatche au prorata, en fonction des inscrits, dans les différentes communes. Les bulletins seront distribués dans nos permanences.
Comment l’Europe est-elle regardée au Tavini Huiraatira ?
Elle est parfois présentée comme le Grand méchant loup, avec le syndrome du plombier polonais qui va venir dérober des emplois ici. A tort ou à raison ; mais il y a une part statistique de vérité dans cette crainte. (…) Au-delà de ça, pour le Tavini Huiraatira, l’Europe représente un partenaire économique avec qui nous entretenons des échanges commerciaux dans un déséquilibre patent. Quand on voit ce qu’on importe d’Europe et ce qu’on y exporte, nous sommes clairement perdants. L’Europe c'est aussi un partenaire culturel puisque, de par le passeport européen que nous avons, nous pouvons circuler librement dans tout l’espace communautaire. Ce n’est pas négligeable.
Le problème que l’on voit dans tout ça, c’est qu’aujourd’hui l’Europe n’est pas un partenaire direct. C’est un partenaire au travers de la France. Nous sommes un PTOM (Pays et territoires d’outre-mer de l’Union européenne, NDLR). En cette qualité, nous n’arrivons pas à interagir de manière directe et complètement avec l’Europe. Nous sommes cantonnés dans de petits circuits, avec des queues de financement. Quand on compare ce qui se fait entre l’Europe et les PTOM, les RU, Régions ultrapériphériques, et les ACP (accord de partenariat entre l'Europe et certains Pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, NDLR), on doit bien constater que nous sommes les parents pauvres. A terme, nous sommes pour une relation directe, entre un Ma’ohi Nui souverain et l’Europe, à la manière de ce qui se fait avec les ACP.
Comment se présente la perspective des élections européennes de ce week-end au regard de cette analyse-là ?
Nous avons forcément une analyse décalée. Nous nous plaçons en dehors de la boîte, contrairement à toutes les autres formations politiques locales, qui essayent de se raccrocher tant bien que mal aux formations politiques nationales. Le changement de mode de scrutin fait que, contrairement à 2014 où il y avait des sections Pacifiques, etc., aujourd’hui on est obligé de s’affilier à un parti national qui décide en quel wagon – de queue, bien sûr – on va être positionné. Preuve en est : il n’y a aucun Polynésien qui a réellement des chances d’être élu au Parlement européen.
C’est ce qui justifie le choix du Tavini Huiraatira de faire campagne pour Ma’ohi Nui ?
Classiquement, on aurait eu le réflexe de prôner l’abstention et de dire aux gens "Faites un barbecue, allez surfer ou pêcher, ce sera certainement beaucoup mieux pour vous, ce jour-là". Et puis on s’est dit que nous pouvions prendre le contre-pied de ce qu’on nous reproche habituellement et on a eu l’idée, plutôt que d'appeler à l’abstention, de demander aux électeurs d’utiliser ce vote pour dire qu’ils ne sont pas contre l’Europe, mais qu’ils veulent une Europe partenaire direct d’un Ma’ohi Nui indépendant. D’où l’idée de ce bulletin I Love Ma’ohi Nui.
En somme vous assumez l’instrumentalisation de ce scrutin.
Complètement. D’abord c’est totalement légal. Ces bulletins ne seront évidemment pas comptabilisés, comme ils pourraient ou devraient l’être, puisque le système électoral de la République ne comptabilise aujourd’hui ni les blancs, ni les nuls, pour les résultats du vote. Mais, on se dit que si on fait le delta entre l’élection précédente, où il y a eu je crois un peu plus de 85 % d’abstentions… On se dit que si cette fois-ci il y a un peu moins d’abstention et plus de bulletins nuls, cela voudra dire que nous aurons gagné notre pari.
C’est-à-dire que vous allez revendiquer la masse des bulletins nuls ?
Ah oui ! Ils découleront forcément de cet appel. C’est vrai que l’on peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut. Mais si on reste conservateur, il nous suffira de prendre le nombre de bulletins nuls recensés à la dernière élection, et de comptabiliser le delta avec les résultats de samedi.
Est-ce une manière de mobiliser l’électorat polynésien sur une échéance électorale qui ne l’intéresse pas traditionnellement ?
Je ne sais pas si on va réussir à mobiliser. On l’espère. Mais c’est en tout cas une manière d’éveiller les consciences. Pour nous il n’y a pas vraiment d’enjeu, sur cette élection. Il n’y aura pas de Polynésiens au Parlement européen.
Je suis député à l’Assemblée nationale depuis deux ans. Déjà, on a parfois le sentiment, quand on est à Paris que la distance entre le Polynésien de base – ce n’est pas péjoratif – et les décisions ou les actions que l’on mène à l’Assemblée est assez lointaine. Mais alors quand vous allez à Bruxelles, c’est en année-lumière... Les eurodéputés passent leur temps à discuter du calibre des Macaroni ou de choses dont le commun des mortels n’a que faire. Donc par rapport à ça, l’intérêt pour nous d’avoir un député européen, quand bien même serait-il Polynésien, il est minime. Son pouvoir d’action au sein du Parlement est très limité, de par notre statut de PTOM. Il pourra certainement faire des trucs très sympas pour les autres, pour l’Europe, les pays européens ; mais pour la Polynésie il ne pourra pas grand-chose.
A l’inverse, nous avons depuis 2011 je crois, à l’initiative d’Oscar Temaru, créé au sein de l’administration du Pays, le Bureau des Affaires européennes (BAE). Et ça, c’est beaucoup plus intéressant à mon avis. C’est eux, réellement, qui aident les acteurs locaux à monter les dossiers pour présenter des projets éligibles au Fonds européen de développement. Parce que le FED, c’est le gros des aides européennes chez nous. Et là aussi, nous sommes les mauvais élèves, quand on se compare à la Nouvelle-Calédonie ou aux autres PTOM. Le montage des dossiers est compliqué ; les acteurs ne sont pas forcément formés. Plutôt que de perdre de l’énergie et du temps à essayer de faire élire quelqu’un qui ne sera pas élu, de toute façon, je préférerais que l’on muscle le BAE à Tahiti, et que l’on crée une cellule itinérante pour aller d’île en île aider les tāvana à monter des dossiers éligibles au FED, de A à Z.
Comment se passe la campagne pour Maohi Nui sur le terrain ?
Nous avons démarré les meetings. En gros nous faisons de la pédagogie. On explique ce que je viens d’exposer, à savoir : 1. Du fait que l’on soit un PTOM, nous sommes enfermés dans un carcan très restrictif ; 2. Que tous les candidats polynésiens qui sont actuellement sur certaines listes n’ont aucune chance d’être élu ; 3. Que l’on ferait mieux de doper le BAE, plutôt que de perdre son temps à essayer de faire élire un député européen.
Et les bulletins Ma’ohi Nui ?
I Love Ma’ohi Nui ! Nous en avons imprimé une certaine quantité sur les fonds du parti. On propose aux gens de venir les récupérer au siège du Tavini Huiraatira. Je crois que l’on en a commandé 100 000. Parce que c’est l’objectif. Il faut être ambitieux. (Rires). L’espoir fait vivre… Je ne voudrais pas donner de mauvais chiffres. Mais il me semble que c’était l’idée initiale. Donc, on dispatche au prorata, en fonction des inscrits, dans les différentes communes. Les bulletins seront distribués dans nos permanences.