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Pereava Tere veut “changer la mentalité des gens”


TAHITI, le 18 octobre 2023 - Il y a un an, à Moorea, Pereava Tere a ouvert un institut pour lutter contre les poux. Le succès est au rendez-vous. Ce projet n’est qu’une étape, elle annonce vouloir s’installer à Faa’a, puis à Mahina, Taravao et dans les îles via la mise en place de franchises. Elle espère, en plus, pouvoir faire de la sensibilisation dans les écoles pour briser le tabou lié à cet insupportable parasite.

“SOS Poux”, tel est le nom de l’institut que Pereava Tere a ouvert à Moorea il y a un an. “Au début, je comptais m’adresser plutôt aux enfants et j’ai pensé à SOS Fantômes”, s’amuse-t-elle. En pratique, les clients ont tous les âges. Le nom est tout de même resté.

L’institut ne désemplit pas. Les clients prennent rendez-vous, Pereava Tere les accueille, leur explique, les rassure. Les poux existent depuis des millénaires. Le parasite a été retrouvé sur des momies âgées de 10 000 ans. Selon les statistiques, il y aurait dans le monde une infestation toutes les trois secondes. “C’est un fléau”, affirme Pereava Tere. C’est également un tabou qu’elle entend lever. “Nous, les hommes, sommes des victimes, pas des coupables.” Elle insiste pour qu’enfants et parents se sentent à l’aise. “Souvent, quand ils arrivent, ils ont un peu honte, je fais en sorte que les clients ne soient plus les mêmes en sortant.

Le traitement peut être long, selon l’âge, la chevelure. “Je prends le temps.” Les produits utilisés sont 100% naturels, la séance peut durer de 30 minutes pour un enfant de 5 ans qui porte des cheveux courts à 2h30 pour une jeune adolescente aux cheveux longs. “J’ai développé des techniques efficaces à force de faire des recherches et des essais. C’est dans ma nature, je passe ma vie à apprendre et essayer de comprendre.”

Pereava Tere entourée de sa famille, avec de gauche à droite, Raimana (26 ans), Temoeiti (22 ans) (son départ pour l'armée de l'air), son compagnon Franck (43 ans) et Eliott (7 ans).
Pereava Tere entourée de sa famille, avec de gauche à droite, Raimana (26 ans), Temoeiti (22 ans) (son départ pour l'armée de l'air), son compagnon Franck (43 ans) et Eliott (7 ans).
“J’étais studieuse”

Pereava Tere est née à Moorea en 1981. Elle a grandi à Papetoai dans une famille de six enfants. “C’est dans cette commune que j’ai passé mon enfance et une partie de mon adolescence.” Elle a arrêté l’école à la fin du collège. Son père – “pour me protéger”, insiste-t-elle – a refusé qu’elle quitte l’île Sœur et aille en internat sur Tahiti. “Il craignait que je fasse de mauvaises rencontres, ce qui peut se comprendre.” La visite des professeurs de l’adolescente au domicile familial n’y a rien changé. “Je voulais vraiment continuer, j’étais studieuse. Et comme j’aime les mathématiques, j’envisageais des études de comptabilité.” Rien n’y a fait. “Ce qui ne m’a pas arrêtée pour autant !


Elle a travaillé dans la restauration et la vente. Elle a suivi une formation au Centre de formation pour adultes. “J’ai d’’ailleurs été lauréate de ma session en restauration.” C’était en 2005. Elle est arrivée à la formation en retard de trois semaines mais elle a vite rattrapé ses collègues. Elle a également été assistante de direction dans la rénovation et la restauration d’automobiles. “Il y avait 21 employés, j’étais la seule femme !” Puis, elle a ouvert sa société dans le même secteur. En 2008, elle a dû tout quitter pour des raisons personnelles pour aller en métropole. Elle a été contrainte de fermer sa société. “Mais je prends tout comme une opportunité”, rassure-t-elle.


“Je prends tout comme une opportunité”

En France, j’ai rebondi !” Pereava Tere a repris ses études. Elle a suivi des cours à distance avec le Cned pour obtenir en 18 mois un DAEU, l’équivalent d’un baccalauréat. Une fois diplômée, elle a répondu à l’appel de son pays. Elle sentait une envie toujours plus forte de rentrer chez elle. De retour à Moorea, elle a trouvé des postes dans l’hôtellerie et la restauration. Elle a été hôtesse d’accueil et réceptionniste. “Cela m’a beaucoup plu car j’aime être en contact avec l’extérieur, découvrir de nouvelles cultures, des habitudes différentes.”

Chez elle, comme chez tout le monde, elle a eu à gérer des infestations de poux. “J’en ai eu moi-même, comme mes enfants.” Petite, elle se rappelle avoir été victime de moqueries. Elle a tout essayé, s’est occupée également de l’infestation de ses nièces. “Cela me prenait beaucoup de temps et beaucoup d’argent.” Assoiffée de savoir, elle a fait des recherches, encore et toujours. “Quand on connaît son ennemi, le combat est à moitié gagné.” L’idée d’ouvrir un institut a commencé à germer. “Je voulais monter quelque chose d’innovant, autre que la restauration ou la beauté, quelque chose qui soit utile.” Et puis, à l’entendre, les poux sont “un problème sociétal”.

La team CGE (formation Sefi) : “Depuis deux ans maintenant, on ne se quitte plus.”
La team CGE (formation Sefi) : “Depuis deux ans maintenant, on ne se quitte plus.”
“J’étais sûre à 99% que ça allait fonctionner”

Pendant le Covid, le tourisme a souffert. Pereava Tere, qui travaillait alors dans une pension de famille, a perdu son emploi en janvier 2021. “Tout cela, mon envie de créer, le fait que je sois licenciée ont fait étincelle !” De plus, cette expérience l'a poussée à revoir “ma vie sur le plan professionnel d'un tout autre point de vue et état d'esprit.”

Elle a suivi une formation avec le Sefi pour construire un projet solide. Elle a fait une enquête à Tahiti et Moorea sur les besoins en traitement de poux. Celle-ci a été menée il y a deux ans. Il semble que 92% des personnes interrogées aient été infestées au moins une fois par des poux dans leur vie. Pour monter SOS Poux, elle a pu profiter du savoir et de l’expérience de sept intervenants en différents domaines. “Après tout cela, j’étais sûre à 99% que ça allait fonctionner !” Et elle ne s’est pas trompée. Elle glisse tout de même : “Pour qu’un projet fonctionne, il faut être bien dans sa tête, avoir confiance. Il faut d’abord investir sur soi, ce que j’ai fait.”

Monter son entreprise est une première étape. Elle va déménager de Moorea et s’installer à Faa’a car ses clients sont à 80% de Tahiti. Elle espère ensuite ouvrir un institut à Mahina et à Taravao. Puis elle mettra en place des franchises pour les îles. Mais surtout, elle veut sensibiliser petits et grands, entrer dans les écoles pour parler du parasite afin de faire de la prévention sur la pediculose (infestation des poux et des lentes). “Il ne faut plus que cela soit une honte car il y a des solutions ! Je veux changer la mentalité des gens.”

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 18 Octobre 2023 à 20:40 | Lu 2027 fois