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Peines allégées pour Air Moorea


La maquette du Twin Otter d'Air Moorea produite par les avocats de la défense pour les procès.
La maquette du Twin Otter d'Air Moorea produite par les avocats de la défense pour les procès.
Tahiti, le 29 août 2022 – Six mois après la cassation partielle dans l'affaire du crash d'Air Moorea et deux mois après un nouveau procès en appel portant uniquement sur la lourdeur des peines prononcées, la cour d'appel de Papeete a réduit les peines des quatre responsables impliqués à 36 mois de sursis simple. Les interdictions définitives d'exercer prononcées à leur encontre ont cependant été maintenues.
 
Quinze ans après la mort de vingt personnes dans le crash d'un Twin Otter de la compagnie Air Moorea, la cour d'appel de Papeete s'est prononcée jeudi matin pour la deuxième fois sur le quantum des peines auxquelles avaient été condamnés la compagnie et quatre des responsables de cette affaire. L'ancien directeur général de la compagnie, Freddy Chanseau, l'ancien directeur du GSAC en Polynésie, Andriamamonjisoa Ratzimbasafy, l'ex-directeur technique d’Air Moorea, Jacques Gobin ainsi que l'ancien responsable de l'entretien de la flotte, Stéphane Loisel, ont tous été condamnés à 36 mois de prison avec sursis et à l'interdiction définitive d'exercer.
 
En première instance, puis en appel, les prévenus, reconnus coupables d'homicides involontaires, avaient été condamnés à des peines mixtes comprenant de la prison ferme et des interdictions d'exercer. Ils avaient alors décidé de former un pourvoi devant la Cour de cassation qui avait prononcé une cassation partielle le 22 février dernier en confirmant la culpabilité définitive des prévenus, mais en demandant à la cour d'appel de motiver davantage le quantum des peines.
 
"Brin de satisfaction"
 
Jeudi matin, Me Robin Quinquis, l'avocat de Freddy Chanseau et de la compagnie Air Moorea -qui a été condamnée à une amende de 25 millions de Fcfp comme lors du premier procès en appel- a salué le fait que son client ait cette fois écopé du sursis simple : "On ne peut pas parler de satisfaction, puisque c'est une décision qui intervient dans un cadre très particulier. Il y a eu une décision de la cour d'appel en janvier 2020 qui est devenue définitive en ce qui concerne la culpabilité de mon client et de la compagnie Air Moorea et après un arrêt de la Cour de cassation, la cour d'appel n'était saisie que d'une question relative au quantum des peines prononcées en application d'une condamnation définitive. Je note avec un brin de satisfaction que la cour d'appel a réduit le montant des condamnations, notamment en ce qui concerne la peine de prison infligée à monsieur Chanseau puisque la totalité de sa peine d'emprisonnement a été assortie du sursis."
 
L'avocat a également soutenu que son client pourrait continuer d'exercer son emploi actuel de chef d'escale : "Je note également que la cour a bien précisé l'objet de l'interdiction professionnelle de mon client, à savoir toute fonction en lien avec la navigabilité et la maintenance aéronautique et rien que cela. Cela n'obère donc pas la poursuite de ses pratiques au sein d'une compagnie aérienne à partir du moment où il respecte cette injonction." Interrogé sur l'éventualité d'un nouveau pourvoi contre cette seconde décision d'appel, Me Robin Quinquis a indiqué que cette possibilité n'était "pas évidente à ce stade". Les prévenus ont cinq jours pour saisir la Cour de cassation. Passé ce délai, cette affaire sera définitivement terminée sur le plan pénal.

"Des coupables quasiment pas condamnés"

Peines allégées pour Air Moorea
Nikolaz Fourreau, président de l'association des victimes 987 : 
 
"Nous pouvons nous inquiéter de la vitesse de la justice qui a mis 15 ans pour arriver à une décision définitive. On peut féliciter la médiocrité ou l'efficacité, peu importe, des avocats de la défense pour arriver à ces délais, alors que la plupart des prévenus sont désormais à la retraite à profiter tranquillement et à jouir de la vie et des salaires qu'ils ont touchés alors même qu'ils étaient inefficaces. Il en reste un qui est en âge d'exercer, qui était directeur général  à l'époque et qui se retrouve avec un sursis simple alors qu'il avait de lourdes responsabilités. Nous nous retrouvons face à des coupables quasiment pas condamnés. C'est un peu délicat. On ne passera pas à autre chose car c'est impossible. Le bruit des avions aura toujours le même parfum. Tant mieux pour eux et tant pis pour ceux qui sont morts."

Chronologie pénale

9 août 2007 : Un Twin Otter de la compagnie Air Moorea s'écrase quelques minutes après avoir décollé de l'aéroport de Temae avec vingt personnes à son bord. Ouverture d'une enquête préliminaire puis d'une information judiciaire pour homicides involontaires. 
 
Décembre 2008 : Rapport d'analyse du BEA sur les causes de l'accident imputables à la rupture du câble à cabrer de la commande de profondeur.
 
Avril 2009 : Mises en examen des directeur général, directeur technique, responsable de production et du responsable du bureau d'études et de documentation d'Air Moorea ainsi que du directeur du Service d'État de l'aviation civile.
 
Août 2013 : Clôture de l'instruction.
 
2013 - 2017 : Demandes d'expertises et recours contre les mises en examen auprès de la chambre de l'instruction et de la Cour de cassation.

Mars 2017 : Le juge d'instruction en charge de l'information judiciaire ordonne le renvoi en correctionnelle de six prévenus mais prononce un non-lieu pour Andriamamonjisoa Ratzimbasafy et l'ancien directeur de l'aviation civile, Guy Yeung.

Juillet 2017 : La chambre de l'instruction ordonne le renvoi de Guy Yeung et de Andramamonjisoa Ratzimbasafy devant le tribunal correctionnel.

Janvier 2019 : Procès en première instance, sept des huit prévenus sont reconnus coupables du chef d'homicide involontaire. Guy Yeung est relaxé.

Janvier 2020 : La cour d'appel condamne quatre prévenus à 12 à 18 mois de prison ferme et la compagnie à 25 millions de Fcfp d'amende. Elle relaxe l'ex-responsable de production de la compagnie ainsi que l'ex-contrôleur de production et confirme la relaxe de Guy Yeung. Les prévenus condamnés forment un pourvoi en cassation.

Février 2022 : La Cour de cassation annule partiellement l'arrêt de la cour d'appel sur le quantum des peines au motif que ces dernières n'ont pas été assez motivées.

1er septembre 2022 : La cour d'appel prononce du sursis simple à l'encontre des prévenus.

Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 1 Septembre 2022 à 11:43 | Lu 2518 fois