Marseille, France | AFP | jeudi 23/08/2023 - En matière d'urbanisme, le passé pourrait être notre meilleur allié dans l'adaptation au réchauffement climatique, à condition d'une réelle volonté politique, souligne l'architecte Matthieu Poitevin, initiateur à Marseille d'un festival pour penser la ville du futur.
Et de citer en exemple l'architecture traditionnelle des villes méditerranéennes, dont les bâtiments régulent naturellement la chaleur.
Question: Pour faire face au changement climatique, ne peut-on pas s'inspirer des savoir-faire ancestraux qui ont présidé à la construction des villes méditerranéennes?
Réponse: Dans l'architecture vernaculaire de ces villes, on se protège de la chaleur et de tous ses aléas parce qu'on se fait de l'ombre. Il faut arrêter de construire des bâtiments sur lesquels le soleil rayonne, tape et s'amplifie. Il n'y a pas 36.000 solutions: ou on met de la climatisation mais alors on vit tous dans des boîtes et ce n'est pas l'idéal pour le climat. Ou alors on regarde ce qui a été fait ailleurs dans des pays qui sont déjà chauds et qui savent construire en conséquence. De toute façon, nous n'avons pas d'autre alternative que de concevoir des villes plus intelligentes: nous sommes 80% à vivre dans ces dernières, qui est le seul endroit où l'empreinte carbone peut être maîtrisée. La ville, c'est à peu près 20 à 30% d'empreinte carbone en moins par rapport à un lotissement. Car le mythe de la maison individuelle comme étant la panacée, c'est une catastrophe climatique.
Q: Comment ces constructions méditerranéennes régulent-elles naturellement la chaleur ?
R: La première des choses, c'est de construire par la matière et par l'inertie. Il faut des matériaux qui soient épais ou alors bien isolés. Le béton, c'est ce qu'il y a de pire. Aujourd'hui, on sait isoler des bâtiments avec de la laine de bois ou du chanvre, qui ont une capacité thermique incroyable.
Il y a aussi des choses très simples de l'ordre de la ventilation naturelle, auxquelles on est en train de revenir. Quand on fait rentrer de l'air par le bas, il est à peu près frais et il faut ensuite évacuer l'air chaud par le haut. Si on arrive à trouver une façon de construire comme cela, on parviendrait à avoir une ventilation naturelle assez efficace. On sait le faire dans les villes espagnoles depuis longtemps avec les patios. Le principe, c'est de créer par le centre un îlot de fraîcheur. Un simple arbre dans une cour, cela représente cinq degrés de moins sous l'arbre. Donc on fait rentrer l'air frais par cet îlot-là et on l'évacue par les façades qui sont les plus hermétiques possibles quand elles sont orientées d'est en ouest en plein soleil. Ce sont des choses que l'on sait faire depuis très longtemps.
Le plus paradoxal c'est que là où les gens souffrent le plus de la chaleur, ce n'est pas dans le bâti ancien. Il n'y a pas si longtemps, toutes les grandes avenues françaises étaient des allées qui étaient complètement bordées par des arbres et les bâtiments haussmanniens à Paris ou classiques ailleurs sont faits en pierre, avec une inertie plus importante.
Q : Quels sont les freins aujourd'hui à la généralisation de ces principes de construction ?
R : On serait tout à fait à même de construire des villes pour que les gens puissent y être bien, mieux que dans des bocaux, mais c'est très compliqué parce que cela a un coût financier que les promoteurs ou bailleurs sociaux refusent. Le béton, c'est un matériau qui a une empreinte carbone catastrophique mais il y a de tels lobbys dans la construction que c'est actuellement impossible de faire sans. Aussi longtemps que la ville sera un produit financier, qu'elle aura une valeur marchande plutôt que sociale, humaine et culturelle, on ne s'en sortira pas. Construire les villes pour qu'elles soient adaptées au monde dans lequel on est, demande du courage politique et une radicalité économique.
Et de citer en exemple l'architecture traditionnelle des villes méditerranéennes, dont les bâtiments régulent naturellement la chaleur.
Question: Pour faire face au changement climatique, ne peut-on pas s'inspirer des savoir-faire ancestraux qui ont présidé à la construction des villes méditerranéennes?
Réponse: Dans l'architecture vernaculaire de ces villes, on se protège de la chaleur et de tous ses aléas parce qu'on se fait de l'ombre. Il faut arrêter de construire des bâtiments sur lesquels le soleil rayonne, tape et s'amplifie. Il n'y a pas 36.000 solutions: ou on met de la climatisation mais alors on vit tous dans des boîtes et ce n'est pas l'idéal pour le climat. Ou alors on regarde ce qui a été fait ailleurs dans des pays qui sont déjà chauds et qui savent construire en conséquence. De toute façon, nous n'avons pas d'autre alternative que de concevoir des villes plus intelligentes: nous sommes 80% à vivre dans ces dernières, qui est le seul endroit où l'empreinte carbone peut être maîtrisée. La ville, c'est à peu près 20 à 30% d'empreinte carbone en moins par rapport à un lotissement. Car le mythe de la maison individuelle comme étant la panacée, c'est une catastrophe climatique.
Q: Comment ces constructions méditerranéennes régulent-elles naturellement la chaleur ?
R: La première des choses, c'est de construire par la matière et par l'inertie. Il faut des matériaux qui soient épais ou alors bien isolés. Le béton, c'est ce qu'il y a de pire. Aujourd'hui, on sait isoler des bâtiments avec de la laine de bois ou du chanvre, qui ont une capacité thermique incroyable.
Il y a aussi des choses très simples de l'ordre de la ventilation naturelle, auxquelles on est en train de revenir. Quand on fait rentrer de l'air par le bas, il est à peu près frais et il faut ensuite évacuer l'air chaud par le haut. Si on arrive à trouver une façon de construire comme cela, on parviendrait à avoir une ventilation naturelle assez efficace. On sait le faire dans les villes espagnoles depuis longtemps avec les patios. Le principe, c'est de créer par le centre un îlot de fraîcheur. Un simple arbre dans une cour, cela représente cinq degrés de moins sous l'arbre. Donc on fait rentrer l'air frais par cet îlot-là et on l'évacue par les façades qui sont les plus hermétiques possibles quand elles sont orientées d'est en ouest en plein soleil. Ce sont des choses que l'on sait faire depuis très longtemps.
Le plus paradoxal c'est que là où les gens souffrent le plus de la chaleur, ce n'est pas dans le bâti ancien. Il n'y a pas si longtemps, toutes les grandes avenues françaises étaient des allées qui étaient complètement bordées par des arbres et les bâtiments haussmanniens à Paris ou classiques ailleurs sont faits en pierre, avec une inertie plus importante.
Q : Quels sont les freins aujourd'hui à la généralisation de ces principes de construction ?
R : On serait tout à fait à même de construire des villes pour que les gens puissent y être bien, mieux que dans des bocaux, mais c'est très compliqué parce que cela a un coût financier que les promoteurs ou bailleurs sociaux refusent. Le béton, c'est un matériau qui a une empreinte carbone catastrophique mais il y a de tels lobbys dans la construction que c'est actuellement impossible de faire sans. Aussi longtemps que la ville sera un produit financier, qu'elle aura une valeur marchande plutôt que sociale, humaine et culturelle, on ne s'en sortira pas. Construire les villes pour qu'elles soient adaptées au monde dans lequel on est, demande du courage politique et une radicalité économique.