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Pas touche aux avantages à l'OPT


Tahiti, le 29 septembre 2023 – Tandis que la grève est suspendue à l'OPT mais qu'elle peut être déclenchée à tout moment, les comptes 2021 – déjà déficitaires – de l'Office étaient examinés jeudi à l'assemblée. La ministre Vannina Crolas a ainsi réaffirmé que le seul véritable levier sur lequel elle peut agir doit passer par une révision des avantages accordés chaque année aux 1 300 agents de l'établissement : deux milliards de francs par an sur une masse salariale de 10 milliards. Problème : “Les organisations syndicales ne veulent rien lâcher.”
 
Alors que les organisations syndicales ont suspendu la grève à l'OPT et qu'ils doivent rencontrer la ministre Vannina Crolas la semaine prochaine, cette dernière n'en démord pas. Comme un message adressé au patron de la CSIP, Cyril Le Gayic qui estime que la ministre prend “le personnel de l'OPT en grippe”, Vannina Crolas a rappelé qu'elle y avait fait ses premières armes il y a 20 ans, mais a tenu à souligner que la convention collective en vigueur aujourd'hui n'existait pas encore. “Il y avait des avantages”, a-t-elle concédé, mais “ils n'étaient pas aussi importants”. Et de détailler : “Il faut savoir que les avantages à l'OPT représentent deux milliards de francs par an sur les 10 milliards de francs de masse salariale. Lorsqu'on sait que pour l'administration du Pays, c'est trois milliards pour 8 000 agents, là on a 2 milliards pour 1 300 agents.”

69 personnes payées à ne rien faire ou presque

Faut-il dégraisser le mammouth OPT pour autant ? “Couper dans les effectifs, ce n'est pas raisonnable”, a estimé l'élu du Tapura, Gaston Tong Sang qui préconise plutôt de “miser sur un gel de la masse salariale”. Sans parler de licenciement, la ministre a évoqué des “effectifs en surnombre” qui ne sont “pas occupés à la hauteur de leur rémunération”. Elle a même donné un chiffre : “On a estimé 69 personnes pour un montant de 500 millions de francs [par an, NDLR]”. Vannina Crolas souhaiterait donc “motiver le personnel existant” avant de penser à recruter de nouveaux agents. Logique. Mais compliqué si on leur supprime une partie de leurs avantages. Et cela semble plutôt mal engagé avec les syndicats. “Des négociations ont déjà eu lieu avec les dirigeants et les organisations syndicales, et il se trouve qu'elles ne veulent pas lâcher les avantages”, a-t-elle déploré ce jeudi en séance plénière à l’assemblée, précisant qu'elle devait rencontrer les syndicats la semaine prochaine.
 
Un modèle économique qui n'est plus soutenable
 
Il faudra que chacun mette un peu d'eau dans son vin. Car il paraît peu probable que les organisations syndicales disent “amen” à une coupe drastique des avantages dont bénéficient les salariés du groupe de télécommunications. Et ce, même si le contexte d'un OPT florissant qui dégageait des excédents quand il détenait le monopole des télécommunications est aujourd'hui révolu. Mais il n'y a pas de mystère selon elle. Même s'il y a des pistes pour augmenter le chiffre d'affaires de l'Office – “plus facile à dire qu'à faire” selon Nuihau Laureyla seule façon pour l'OPT de rebondir et d'être compétitif, c'est de “réduire les dépenses”. Outre la masse salariale, Vannina Crolas entend également faire des économies en invitant l'OPT à revoir sa copie concernant le Fare Hinoi, projet de construction du nouveau siège social du groupe qui est devenu beaucoup trop budgétivore en passant “de 11 milliards à 12,9 milliards de francs”.
 
Un Fare Hinoi “à une dimension plus humaine”
 
“Vous vous êtes montrée très réservée sur le projet immobilier à l'étude concernant le terrain de la SCI Fare Hinoi visant à regrouper, d'ici 2025, les entités du groupe OPT ainsi que le SPCPF (syndicat pour la promotion des communes), et le CGF (centre de gestion et de formation du personnel des communes)”, s'est d'ailleurs inquiété Gaston Tong Sang, tandis que Nuihau Laurey a estimé au contraire que c'était une “décision de bon sens” car “ce n'est pas une priorité dans ce contexte”. D'autant que comme l'a rappelé l'élu AHIP, ce terrain a été acquis en 2000 par l'OPT qui avait alors bénéficié de dispositions de défiscalisation. Mais 23 ans plus tard, force est de constater qu'“aucun investissement n'a été réalisé et l'OPT a dû rembourser ces avantages fiscaux”. La ministre entend revoir le projet “à une dimension plus humaine et recentrer sur les besoins propres de l'OPT”. Mais elle a tout de même tenu à rassurer le tāvana de Bora Bora et la sénatrice Lana Tetuanui sur cette fameuse “maison des communes” en indiquant qu'elle allait “trouver une solution, mais pas à cet endroit”.
 
L'OPT n'a “pas les mêmes armes” que ses concurrents
 
L'opposition et la majorité s'accordent sur un point : la situation de “notre OPT” est préoccupante et on sait pourquoi. Pendant des années, les activités de téléphonie mobile et fixe ont dégagé suffisamment d'excédents permettant de financer les déficits structurels des services financiers et de la poste. Mais aujourd'hui, cela ne suffit plus. “En 2022, pour la première fois, la branche Onati a pâti d'une politique commerciale certainement trop agressive de l'aveu même de son P-dg, pour répondre à la politique également très agressive de la concurrence”, a souligné Gaston Tong sang. D'autant que l'OPT “ne dispose pas des mêmes armes” puisque pour assurer sa mission de service public, sa présence est obligatoire dans les îles les plus éloignées avec pas moins de 80 bureaux de poste disséminés dans tous les archipels. Pour Nuihau Laurey, ces services publics “doivent être financés par la puissance publique et pas par un établissement dont la vocation est d'être concurrentiel par rapport à d'autres sociétés privées qui, elles, ne bénéficient pas du soutien du Pays”.
 
Lana Tetuanui propose une commission d'enquête
 
Enfin, l'élu et sénatrice Tapura, Lana Tetuanui a proposé au président de l'assemblée Antony Géros, tout en demandant le soutien des élus du Tavini qui y semblaient favorables, de mettre en place une commission d'enquête afin de revoir le mode de gestion et de fonctionnement de l'OPT. “Je sais que vous êtes un peu allergique aux missions d'enquête, mais je pense que ça vaut le coup pour les élus de l'assemblée de mener une mission sur le fonctionnement de notre OPT. Mais de grâce ne supprimez pas nos bureaux de poste dans les îles.”

Rédigé par Stéphanie Delorme le Vendredi 29 Septembre 2023 à 17:40 | Lu 5642 fois