Tahiti Infos

Pas de vague rose et vague à l’âme bleu


Tahiti, le 30 juin 2024 - Après ce premier tour, quels enseignements tirer de ce scrutin précipité par le président de la République ?
 

Moerani Frébault élu dès le premier tour pour une poignée de voix qui lui permettent, malgré ses 53,85% de votes exprimés, de passer à peine les 25% d’inscrits dans la première circonscription. Nicole Sanquer qui frôle la majorité dans la deuxième. Pascale Haiti-Flosse qui fait jeu égal avec Mereana Reid Arbelot dans la troisième.
 
Les autonomistes auront réussi à prouver une chose lors de ce premier tour des élections législatives anticipées, c’est qu’ensemble, ils ont pesé plus lourds que les indépendantistes seuls. Si Oscar Temaru, récemment, estimait que la Polynésie française pouvait se passer d’un referendum pour accéder à l’autodétermination, c’est aussi pour masquer l’évidence des chiffres qui confirment que la majorité bleue à l’assemblée de la Polynésie française est essentiellement due à la division du camp autonomiste et au vote sanction contre le Tapura.

Le vent de l’union

L’union fait la force, ce n’est pas une nouveauté. En s’associant sous une bannière rose qui rappelait pourtant à certain les couleurs du défunt Here ai’a, le Tapura, le Amuitahira, A here ia Porinetia et Ia ora te nuna’a ont réussi un tiers de leur objectif samedi soir. L’élection de Moerani Frébault, inconnu de la politique il y a encore un an, dès le premier tour, replace les autonomistes en tête sur une circonscription dans laquelle le député sortant, Tematai Le Gayic avait réussi une “remontada” extraordinaire deux ans plus tôt. Malgré le doublement de ses voix du premier tour entre 2022 (6 223) et ce samedi (12 243), le plus jeune député de France a dû s’incliner devant les 18 456 voix de Frébault, qui réalise de son côté le même score que Nicole Bouteau deux ans plus tôt au second tour.
 
Dans la deuxième, Nicole Sanquer peut elle-aussi sentir le vent de l’union dans ses voiles. Seule en 2022, elle engrangeait 4 548 voix, contre 12 986 ce samedi. Elle l’emporte à Hitia’a o te ra, Teva i uta, Mahina, Taiarapu-Ouest. Des communes qui avaient pourtant basculé en faveur du Tavini aux dernières territoriales. Surprise, elle l’emporte aussi dans la commune de Paea mais dans cette circonscription à forte abstention au premier tour, rien n’est encore gagné pour celle qui a déjà connu l’Assemblée nationale sous l’étiquette Tapura en 2017.
 
Enfin, Pascale Haiti-Flosse réalise un score que peu de personnes lui conféraient. Avec 41,08% des voix, elle talonne Mereana Reid Arbelot (42,71%) qui aurait dû pouvoir compter plus fermement sur les votes de certaines communes clefs.

Vote sanction, abstention, le Tavini s’égare

En croissance constante depuis 2022, les résultats des législatives anticipées de ce samedi marquent un coup d’arrêt pour le Tavini. Le parti d’Oscar Temaru, qui fait à nouveau l’expérience du pouvoir, fait aussi l’amère expérience de la division et du mécontentement.
 
Après des législatives 2022 renversantes puis des territoriales 2023 frappées du sceau du ras-le-bol du Tapura suite à la gestion Covid, le parti indépendantiste fait près de 12 000 voix de mieux qu’au premier tour des législatives précédentes, mais se fait déjà souffler une circonscription, avec la circonscription de Steve Chailloux en grand danger et celle de Mereana Reid Arbelot en ballotage favorable.
 
Les enseignements concernant la mobilisation, notamment dans des communs phares comme Paea, mais aussi le désaveu face à la politique pratiquée par le gouvernement depuis un an, sont à éplucher pour le Tavini, où même les députés sortant, à l’image de Tematai Le Gayic, osaient poser publiquement la question de la cohésion au sein du parti. Pour attaquer le second tour du scrutin, leur reste-t-il d’ailleurs un vivier de voix suffisant pour aller damer le pion de Nicole Sanquer dans la deuxième circonscription ? Rien n’est moins sûr, alors que dans la troisième, sauf accident et remontée surprise de Pascale Haiti-Flosse, Mereana Reid Arbelot a toujours sa carte à jouer.
 
Parti seul face à l’union autonomiste, le mouvement d’Oscar Temaru récolte une tendance, exception faite des abstentions : La Polynésie ne souhaite pas l’indépendance et si la représentation politique de Tarahoi correspond à la photographie de la représentativité des partis, elle ne correspond toujours pas à l’expression du vœu des Polynésiens dans le choix de l’avenir institutionnel du Fenua.

Quel vivier ?

Pour le second tour samedi prochain, les candidats ont déjà les yeux rivés sur les voix perdues encore à glaner. Nicole Sanquer, 12 986 voix, est déjà proche des 13 947 voix de Tepuaraurii Teriitahi en 2022. Peut-elle aller chercher plus ? Dans le même temps, Steve Chailloux a lui aussi réalisé 11 162 voix, soit 8 000 voix de moins qu’au second tour de 2022. Est-il capable d’aller chercher ces voix manquantes ou ont-elles été perdues par le Tavini en l’espace de deux ans ?
 
Même défi pour Mereana Reid Arbelot. Sur les terres de la victoire de Moetai Brotherson en 2022, la députée sortante a engrangé 12 483 voix soit 3 000 de plus que le président au même stade. Mais saura-t-elle aller chercher les 21 937 voix de Brotherson lors du second tour ? L’équation semble compliquée entre forte abstention et rejet de la politique gouvernementale, y compris parmi les bleus.
 
Avec 12 006 voix au premier tour, Pascale Haiti-Flosse fait presque autant que Tuterai Tumahai au second tour 2022. Il est aussi possible qu’elle ait déjà atteint son plafond.
 
Dans ces deux duels, les quelques voix des Verts, du Rassemblement national et de Naumi Mihuraa pourraient compter.

Le RN rate l’élan national

En queue de peloton de ces élections, le Rassemblement national ne parvient pas à hausser son niveau de jeu à la hauteur de celui pratiqué dans l’Hexagone. James Heaux, aidé par son nomadisme politique et ses passages télé, récolte cependant 2 168 voix dans la première circonscription. Tutu Tetuanui fait deux fois moins dans la deuxième. Le RN double son nombre de voix depuis 2022, mais reste anecdotique.
 
Les Verts eux-aussi ratent l’élan que semblait leur avoir conféré les résultats des élections européennes. Jacky Bryant (4,10%), Jules Hauata (5,16%) et enfin Tati Salmon (3,96%) ne parviennent pas à capitaliser un sentiment écologiste qui a du mal à s’exprimer dès que les enjeux bipartites polynésiens entrent en ligne de compte.
 
Pour une première, Naumi Mihuraa, fille de Lana Tetuanui, a réussi à recueillir 11,05% des voix dans la 3e circonscription, bien aidée certes par ses résultats aux Raromatai. Sans peser sur l’échiquier, ses électeurs auront peut-être la clef du scrutin dans le second tour entre Mereana Reid Arbelot et Pascale Haiti-Flosse.
 
Enfin, il reste Jules Tara, 19 voix, qu’on oubliera vite.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Dimanche 30 Juin 2024 à 16:23 | Lu 3377 fois