PAPEETE, le 8 juin 2015 - Il a 74 ans et sa femme 71 ans. Mais depuis 9 mois maintenant, ils sont emmurés dans leur propre maison. Quand le terrain par lequel ils accédaient à la route a été vendu pour y construire un immeuble, la première chose faite par l'entrepreneur a été de fermer la servitude et de construire un mur. Il a ainsi bloqué le seul accès vers l'extérieur de la maison de la famille Lee…
"Je suis enfermée ici depuis le 4 septembre 2014, quand ils ont construit le mur. Maintenant on est en juin, ça fait combien 9, 10 mois… Pour faire les courses, quelques fois c'est moi, mais souvent c'est mon fils et ma fille qui ramènent le ma'a. Ils ne veulent plus que l'escalade le mur" explique Liu Lee, une septuagénaire vivant à la Mission, à Papeete, épouse de Keesang Lee. C'est un entrepreneur, Christian P., qui a construit ce mur après avoir racheté le terrain mitoyen. C'est par ce terrain que la famille Lee avait, jusque-là, son seul accès au reste du monde. Maintenant que Liu doit escalader un mur, elle a déjà fait plusieurs chutes, la dernière en date ce dimanche, qui a conduit les pompiers à l'évacuer vers le CHPF. Rien de grave cette fois, mais elle devra y retourner faire une radio.
"Moi la seule chose que je demande c'est la justice, qu'on me laisse un trou, un passage pour sortir. J'ai déjà fait la demande à la mairie de Papeete, à l'urbanisme et au Camica (le propriétaire des terrains du lotissement). C'est ma fille qui a fait tous les dossiers. En attendant, personne n'a bougé, et c'est grâce à Tetuanui ma que les choses bougent aujourd'hui."
Série de défaites judiciaires
C'est effectivement Inatio Fariua, de l'Association des droits des populations autochtones, qui s'est mobilisé. Son association, dirigée par Monil Tetuanui, est plutôt connue pour ses combats proches des idéaux indépendantistes. Mais cette fois pas de politique : "quand j'ai vu ces deux vieux enfermés, ça m'a pris là, au cœur. J'étais obligé d'agir" nous explique-t-il. Et si ses démarches en justice échouent, il menace de venir avec des volontaires et des masses pour régler le problème par le vide.
En attendant, il a organisé l'exposition médiatique du couple et formulé plusieurs recours en justice. Ils ont tous été rejetés, au motif que le terrain est desservi par une servitude à l'arrière, constat d'huissier à l'appui. Sauf qu'une fois sur place, à l'arrière de la maison on ne voit qu'un mur, et derrière ce mur une autre maison et sa cour…
"Je suis enfermée ici depuis le 4 septembre 2014, quand ils ont construit le mur. Maintenant on est en juin, ça fait combien 9, 10 mois… Pour faire les courses, quelques fois c'est moi, mais souvent c'est mon fils et ma fille qui ramènent le ma'a. Ils ne veulent plus que l'escalade le mur" explique Liu Lee, une septuagénaire vivant à la Mission, à Papeete, épouse de Keesang Lee. C'est un entrepreneur, Christian P., qui a construit ce mur après avoir racheté le terrain mitoyen. C'est par ce terrain que la famille Lee avait, jusque-là, son seul accès au reste du monde. Maintenant que Liu doit escalader un mur, elle a déjà fait plusieurs chutes, la dernière en date ce dimanche, qui a conduit les pompiers à l'évacuer vers le CHPF. Rien de grave cette fois, mais elle devra y retourner faire une radio.
"Moi la seule chose que je demande c'est la justice, qu'on me laisse un trou, un passage pour sortir. J'ai déjà fait la demande à la mairie de Papeete, à l'urbanisme et au Camica (le propriétaire des terrains du lotissement). C'est ma fille qui a fait tous les dossiers. En attendant, personne n'a bougé, et c'est grâce à Tetuanui ma que les choses bougent aujourd'hui."
Série de défaites judiciaires
C'est effectivement Inatio Fariua, de l'Association des droits des populations autochtones, qui s'est mobilisé. Son association, dirigée par Monil Tetuanui, est plutôt connue pour ses combats proches des idéaux indépendantistes. Mais cette fois pas de politique : "quand j'ai vu ces deux vieux enfermés, ça m'a pris là, au cœur. J'étais obligé d'agir" nous explique-t-il. Et si ses démarches en justice échouent, il menace de venir avec des volontaires et des masses pour régler le problème par le vide.
En attendant, il a organisé l'exposition médiatique du couple et formulé plusieurs recours en justice. Ils ont tous été rejetés, au motif que le terrain est desservi par une servitude à l'arrière, constat d'huissier à l'appui. Sauf qu'une fois sur place, à l'arrière de la maison on ne voit qu'un mur, et derrière ce mur une autre maison et sa cour…
"Nous étions la première maison ici"
Keesang Lee, ancien caporal de l'armée française et ancien pompier de la mairie de Papeete, explique comment s'est construit le quartier : "on a construit la maison ici en 1979, on était les premiers de ce lotissement. C'est moi qui ai fait installer l'électricité et venir l'eau dans cette vallée avec les copains de la mairie. Mais revenons sur ce mur de derrière. Au moment de construire la maison, on était obligés de faire venir les matériaux par là. Puis l'évêque est venu voir et il a dit "non, ce n'est pas par là, vous c'est l'autre côté". Donc ils ont muré. Ces voisins, ils n'ont jamais vu un Lee passer par là. Et ce n'est pas possible de rouvrir la servitude, si on laisse le passage ici, il n'y a plus de cour pour les enfants, la route va passer juste à côté de leur chambre…""
Keesang Lee, ancien caporal de l'armée française et ancien pompier de la mairie de Papeete, explique comment s'est construit le quartier : "on a construit la maison ici en 1979, on était les premiers de ce lotissement. C'est moi qui ai fait installer l'électricité et venir l'eau dans cette vallée avec les copains de la mairie. Mais revenons sur ce mur de derrière. Au moment de construire la maison, on était obligés de faire venir les matériaux par là. Puis l'évêque est venu voir et il a dit "non, ce n'est pas par là, vous c'est l'autre côté". Donc ils ont muré. Ces voisins, ils n'ont jamais vu un Lee passer par là. Et ce n'est pas possible de rouvrir la servitude, si on laisse le passage ici, il n'y a plus de cour pour les enfants, la route va passer juste à côté de leur chambre…""
Un terrain à 1,2 million Fcfp
Le Camica, propriétaire des terrains du lotissement, aurait vendu le lot voisin de celui des Lee à Christian P. pour 1,2 million Fcfp. Un prix extrêmement bas, expliqué par le fait que le terrain est petit, et surtout que d'importants travaux sont à effectuer pour réhabiliter le chemin d'accès. Ces travaux ont donc été inclus dans le contrat. Une estimation du Camica concluait effectivement qu'il aurait fallu vendre un des deux lots pour financer ces travaux. Dans l'acte notarié, la valeur du terrain serait déclarée à 29 millions Fcfp.
Le Camica, propriétaire des terrains du lotissement, aurait vendu le lot voisin de celui des Lee à Christian P. pour 1,2 million Fcfp. Un prix extrêmement bas, expliqué par le fait que le terrain est petit, et surtout que d'importants travaux sont à effectuer pour réhabiliter le chemin d'accès. Ces travaux ont donc été inclus dans le contrat. Une estimation du Camica concluait effectivement qu'il aurait fallu vendre un des deux lots pour financer ces travaux. Dans l'acte notarié, la valeur du terrain serait déclarée à 29 millions Fcfp.
L'évêché appuie M. Lee
Monseigneur Hubert Coppenrath étant en mission aux Tuamotu, c'est l'économe de l'Evêché, qui a lui-même géré le dossier qui nous raconte sa version de l'histoire :
"C'est moi qui ai constitué le dossier de vente à M. P., dans lequel nous avions prévu de garder la servitude desservant les lots de M. Lee et de M. P.. D'ailleurs M. Lee a participé financièrement à la création de cette servitude. Mais quand M. P. a fait signer Mgr Hubert je n'étais pas là, il est venu très tôt. Mgr lui a demandé si tout ce qui était prévu était dedans, il a répondu "oui oui". Et il lui a fait confiance." Mais ce contrat ne comprenait plus aucune mention de la servitude, qui se retrouvait au contraire intégrée au terrain.
C'est avec des changements de dernière minute que tout le contrat a été modifié : "Notre notaire connaissait toutes les conditions de la vente. Mais M. P. a changé de notaire sans nous avertir, et sans lui donner tous les détails, pour lui faire établir un nouvel acte de vente. Aujourd'hui, nous sommes pieds et poings liés, mais on essaie vraiment d'ouvrir l'accès. On a essayé de faire annuler l'acte de vente, mais comme Monseigneur a signé et qu'il a tout pouvoir, la justice a refusé notre demande. Là, on a fait un nouveau constat d'huissier pour appuyer la démarche de M. Lee. Nos juristes ont regardé le dossier, et ont peut-être vu une chance…"
Monseigneur Hubert Coppenrath étant en mission aux Tuamotu, c'est l'économe de l'Evêché, qui a lui-même géré le dossier qui nous raconte sa version de l'histoire :
"C'est moi qui ai constitué le dossier de vente à M. P., dans lequel nous avions prévu de garder la servitude desservant les lots de M. Lee et de M. P.. D'ailleurs M. Lee a participé financièrement à la création de cette servitude. Mais quand M. P. a fait signer Mgr Hubert je n'étais pas là, il est venu très tôt. Mgr lui a demandé si tout ce qui était prévu était dedans, il a répondu "oui oui". Et il lui a fait confiance." Mais ce contrat ne comprenait plus aucune mention de la servitude, qui se retrouvait au contraire intégrée au terrain.
C'est avec des changements de dernière minute que tout le contrat a été modifié : "Notre notaire connaissait toutes les conditions de la vente. Mais M. P. a changé de notaire sans nous avertir, et sans lui donner tous les détails, pour lui faire établir un nouvel acte de vente. Aujourd'hui, nous sommes pieds et poings liés, mais on essaie vraiment d'ouvrir l'accès. On a essayé de faire annuler l'acte de vente, mais comme Monseigneur a signé et qu'il a tout pouvoir, la justice a refusé notre demande. Là, on a fait un nouveau constat d'huissier pour appuyer la démarche de M. Lee. Nos juristes ont regardé le dossier, et ont peut-être vu une chance…"
L'avocat de l'entrepreneur : "Mon client a acheté un terrain qui n'est grevé d'aucune servitude"
Me Lamourette défend l'entrepreneur qui a racheté le lot voisin de la maison des Lee et a construit le mur qui les enferme aujourd'hui. Il maintient que son client est dans son bon droit :
"Mon client, Christian P., a acheté un terrain qui n'est grevé d'aucune servitude. Juridiquement, cette servitude n'existe pas, et c'est pour ça que nous avons gagné en référé puis en appel. Ce matin il y avait une deuxième procédure de référé. La première, à fin de désenclavement, a été déboutée, la cour jugeant que M. Lee avait un accès par l'arrière de sa maison, vers l'impasse d'Excelsior. La difficulté est que d'autres que lui occupent cette servitude, ce qui les coupe de l'impasse."
Concernant les déclarations de l'économe de l'Evêché, l'avocat n'est pas tendre : "je ne trouve pas très fair play de parler de Monseigneur Coppenrath, qui lui ne se défend pas. Les actes de vente ont été signés et sont légaux. Ils font foi aujourd'hui, et ils ne parlent pas de servitude. Une procédure en annulation de l'acte de vente avait aussi été introduite par le Camica, qui a été déboutée." Il souligne que la justice a systématiquement donné raison à son client.
Me Lamourette défend l'entrepreneur qui a racheté le lot voisin de la maison des Lee et a construit le mur qui les enferme aujourd'hui. Il maintient que son client est dans son bon droit :
"Mon client, Christian P., a acheté un terrain qui n'est grevé d'aucune servitude. Juridiquement, cette servitude n'existe pas, et c'est pour ça que nous avons gagné en référé puis en appel. Ce matin il y avait une deuxième procédure de référé. La première, à fin de désenclavement, a été déboutée, la cour jugeant que M. Lee avait un accès par l'arrière de sa maison, vers l'impasse d'Excelsior. La difficulté est que d'autres que lui occupent cette servitude, ce qui les coupe de l'impasse."
Concernant les déclarations de l'économe de l'Evêché, l'avocat n'est pas tendre : "je ne trouve pas très fair play de parler de Monseigneur Coppenrath, qui lui ne se défend pas. Les actes de vente ont été signés et sont légaux. Ils font foi aujourd'hui, et ils ne parlent pas de servitude. Une procédure en annulation de l'acte de vente avait aussi été introduite par le Camica, qui a été déboutée." Il souligne que la justice a systématiquement donné raison à son client.