Tahiti Infos

Papara doit doubler le prix de l'eau


© Google Earth
© Google Earth
Tahiti, le 21 février 2023 – La Chambre territoriale des comptes s'est penchée sur la gestion de l'Épic Vaipu, la régie des eaux de Papara. Dans son rapport publié lundi, la chambre souligne l'amélioration du service aux usagers avec une eau de qualité. En revanche, elle met en lumière une mauvaise gestion financière de l'établissement. Selon la CTC, l'équilibre des comptes doit obligatoirement passer par une augmentation tarifaire. Elle recommande de doubler le prix de l'eau.
 
La Chambre territoriale des comptes a publié, la semaine dernière, un rapport sur la régie des eaux de Papara, l'Épic Vaipu, mise en œuvre au 1er janvier 2012. La CTC indique en préambule que la gestion de la compétence “eau” par un établissement public constitue “une formule juridique inédite à l'échelle de la Polynésie française”, l'eau étant ailleurs directement gérée par les communes elles-mêmes via un budget annexe. La chambre s'est donc penchée sur la fiabilité des comptes, la situation financière et la performance du service de l'établissement pour les exercices 2012 et suivants.
 
L'Épic Vaipu assure la distribution de l'eau aux administrés de Papara entre les PK 29 et 41,5. Son réseau de canalisations, long de 91 km, alimente environ 3 500 usagers. Dans son rapport, la CTC souligne une amélioration du service rendu à la population. Avant la création de l'Épic, faute de contrôle de la qualité de l'eau, celle-ci était considérée comme non potable. La CTC souligne un taux de potabilité “en constante amélioration” depuis 2012 pour avoisiner les 100% depuis 2015, conformément à l'objectif que s'est fixé l'Épic. En revanche, pour la CTC, le rendement demeure “le point faible et perfectible” de l'exploitation du réseau. Le taux de rendement était de 60% au cours de la période 2012-2014 pour baisser à 54% en janvier 2019. Des actions sont prévues par l'Épic en vue de son amélioration : un programme de rénovation des conduites vieillissantes et une tarification au compteur. Des actions que la chambre “ne peut qu'encourager”, peut-on lire dans le rapport.

Insincérité des comptes

Au-delà des éloges sur le service, la CTC pointe surtout du doigt les manquements de l'Épic au niveau de sa gestion. Si à première vue, hormis pour l'exercice 2015, l'Épic Vaipu “a dégagé un résultat de fonctionnement positif sur toute la période”, la CTC constate que la situation financière de l'établissement “n'est pas sincère”. En cause notamment, une relation entre l'Épic et la commune qui ne respecte pas l'autonomie de l'établissement. Jusqu'en 2017 inclus, une subvention d'équilibre était versée par la commune. De plus, le directeur de l'établissement figure toujours dans les effectifs de la commune, qui a pris en charge son traitement pendant de nombreux exercices alors que celui-ci aurait dû être supporté par l'Épic. Certains loyers n'ont pas non plus été remboursés à la commune. Entre les charges de personnel et les loyers, ce sont au total près de 70 millions de Fcfp que l'Épic doit à la commune de Papara, qui connaît elle-même “une situation financière difficile”, rappelle la CTC. Cette dernière indique par ailleurs que suite à l'instruction de la chambre en 2022, l'Épic a commencé à rembourser sa dette. 24,5 millions de Fcfp sont encore dus à la commune.
 
Pour la Chambre territoriale des comptes, les différents indicateurs “révèlent une situation financière dégradée” de l'Épic Vaipu, qui se finançait sur la période examinée par la subvention d'équilibre versée par la commune et les redevances de l'eau. La subvention étant contraire au principe d'autonomie de l'établissement, ne restent donc plus que les redevances. Il est donc primordial que l'Épic Vaipu améliore son taux de recouvrement qui avoisine aujourd'hui les 75%. Si cela “a toujours été un objectif affiché par l'Épic”, la manière d'exécution est discutable. L'établissement a fait inscrire dans son règlement la possibilité de couper l'eau aux mauvais payeurs. Si la menace n'a jamais été mise à exécution, la CTC interroge sur sa régularité juridique et son efficacité.

Tarification au compteur et hausse des prix

Pour la chambre, l'amélioration du taux de recouvrement doit davantage passer par la facturation au volume, qui devrait engendrer une baisse de la consommation de l'ordre de 25%, et donc de la facture des usagers, qui seraient alors plus enclins à payer. La tarification au volume est un projet qui remonte à 2013. Cependant, l'Épic n'est pas responsable du retard dans sa mise en place. La faute, cette fois-ci, incombe à la commune. Cette année-là, un marché a été signé pour la pose de 2 627 compteurs après une estimation réalisée par la commune. Or, le nombre réel d'abonnés se rapprochait plutôt de 3 600. “Une différence substantielle”, selon la CTC, qui a été source de surcoûts et de retards dans la pose, qui ne s'est achevée qu'en 2018. La durée de vie des compteurs n'étant que d'une quinzaine d'années, il sera bientôt nécessaire de remplacer les premiers posés avant même que la tarification au volume ne soit entrée en vigueur.
 
Cependant, les frais de fonctionnement qui sont liés aux compteurs et la baisse de la facture des usagers auront un impact sur les recettes de l'Épic. Pour la CTC, le principal levier permettant à la fois d'équilibrer le service et de respecter le principe d'autonomie reste donc la progression du tarif de l'eau. La CTC constate que le prix est resté inchangé entre 2013 et 2021 et que la réévaluation effectuée cette année-là était “mineure”. En 2017, le prix de vente était de 29 Fcfp/m3. En raison des investissements programmés, le prix de revient passerait à plus de 60 Fcfp/m3. Pour la CTC, le prix de l'eau doit en conséquence être doublé. Elle recommande qu'une augmentation progressive des tarifs soit mise en place dès 2024.

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Mardi 21 Février 2023 à 19:17 | Lu 1713 fois