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Ouverture du procès des emplois "fictifs" : l'interview exclusive de Gaston Flosse


Ouverture du procès des emplois "fictifs" : l'interview exclusive de Gaston Flosse
C’est un procès historique qui débute lundi matin au Tribunal de Papeete : celui des 85 emplois présumés fictifs de la Présidence. Vendredi, Gaston Flosse, principal prévenu dans cette affaire, a accordé une longue interview à Tahiti Infos. Pendant plus d’une heure, celui qui se fait de plus en plus rare dans les médias a accepté de revenir sur l’actualité politique du Fenua, les prochaines élections, dont il pense qu’elles seront anticipées (l’interview sera bientôt disponible dans son intégralité sur Tahiti Infos), mais aussi, et surtout, sur ce procès, qu’il aborde « sereinement ».

Outre l’ancien président de la Polynésie, un grand nombre de personnalités défileront à la barre : Jean-Christophe Bouissou, René Temeharo, Michel Buillard, Bruno Sandras…Tous avaient été mis à la disposition de communes, ou d’établissements administratifs, dans les années 90, par le président d’alors, Gaston Flosse. Des « contrats politiques » et illégaux, selon l’accusation, ce que réfute totalement l’ancien président. « Ils ont tous travaillé, et bien travaillé », se défend le sénateur, dont le procès sera de toute façon vraisemblablement repoussé. Son avocat, Maître Quinquis, a en effet déposé trois questions prioritaires de constitutionnalité. Si elles sont déclarées recevables, l’audience sera reportée.



Ouverture du procès des emplois "fictifs" : l'interview exclusive de Gaston Flosse
Tahiti Infos : Dans quel état d’esprit abordez-vous ce procès ?

Gaston Flosse : Je suis très serein. Il n’y a jamais eu d’emploi fictif. Jamais. Les 80 personnes mises en cause ont travaillé. Et elles ont la preuve qu’elles ont travaillé, dans des mairies, dans des établissements publics. Il n’y a pas d’emplois fictifs. Et vous savez, ce qui était interdit à l’époque, c’est-à-dire mettre du personnel à la disposition des communes, ne l’est plus. A l’époque, le statut n’était pas suffisamment clair. Il préconisait simplement la possibilité pour le territoire d’aider financièrement et techniquement les communes. Les juristes de l’époque, et la personne qui a rédigé ces contrats là, ont considéré que mettre du personnel à la diposition des maires était une façon d’aider financièrement la commune. Mais comme ce point là n’était pas suffisamment clair, nous avons demandé au Parlement en 2004 de le clarifier. Si aujourd’hui, Gaston Tong Sang ou Oscar Temaru mettait du personnel à la disposition des communes, il n’y aurait plus aucun problème! (Il sort le statut de 2004 et lit l’article 54). Ce qui était illégal hier est tout à fait légal aujourd’hui.

D’autre part, si ces actes étaient illégaux, pourquoi est-ce que les fonctionnaires d’Etat les ont autorisés ? A l’époque, lorsque j’engageais une dépense, je demandais l’accord du service des dépenses engagées, le CDE. Et de mon temps ce service était dirigé par un fonctionnaire d’Etat détaché par Bercy. Ce fonctionnaire d’ Etat m’a autorisé à embaucher. Puis, s’agissant des convention avec des communes, elles étaient soumises à l'approbation de leur conseil municipal. Prenons le cas de M. Emile Brotherson. Le maire de Taputapuatea, Thomas Moutame, vient me voir et me dit qu’il a besoin de quelqu’un de compétent pour le problème de l’eau, et me dit qu’ E.Brotherson est un bon technicien et pourrait l’aider. Je lui dit très bien, faisons le contrat. Une convention est signée entre le maire et le président de la Polynésie, puis étudiée par le conseil municipal qui l’adopte à l’unanimité. Mais vous savez que ces actes des conseils municipaux ne sont exécutoires que lorsqu’ils sont approuvés par l’autorité de tutelle, c’est-à-dire l’administration d’Etat des Iles sous le Vent…Qui l’approuve ! E.Brotherson est donc embauché, et tous les mois, je prépare le mandat pour qu’il soit payé, et il est payé tous les mois par le Trésorier payeur général. Ça fait le troisième fonctionnaire d’Etat en cause dans cette affaire.

Et où sont-ils, ces fonctionnaires d’Etat qui ont été les instruments de ce qu’on me reproche aujourd’hui ? Admettons que j’ai effectué un acte illégal, ne sont-ils pas complices ? Et le Haut-Commissaire de l’époque qui a laissé faire ces choses là pendant des années, où est-il ? Eux sont blancs comme neige, et c’est Flosse qu’on va peut-être mettre en prison pour ça ?

Ces personnes sont aussi accusées de ne pas avoir effectivement travaillé pour ces communes, mais d’avoir surtout fait de la propagande pour le Tahoeraa Huiraatira…

Ah mais elles ont travaillé, moi je les ai mises à la disposition des maires qui ensuite les ont mises en service et elles ont travaillé ! Regardez René Temeharo, premier adjoint au maire de Papeete, mis à la disposition de Michel Buillard. Lui-même était député, donc il se déplaçait souvent, il avait besoin que son premier adjoint aille travailler sur place dans la commune de Papeete. Ils ont travaillé. Je suis serein dans cette affaire, si on juge la loi, le droit…

Votre avocat, Maître Quinquis, a prévenu qu’il allait déposer des questions prioritaires de constitutionnalité. Sur quoi vont-elles porter ?

Il y en a trois. Elles ont été déposées jeudi, je ne peux pas vous dire sur quoi elles portent, je n’ai pas eu le temps de les lire. Regardez tous les dossiers que j’ai là…(il tapote les dossiers empilés sur son bureau, tous placés dans des chemises oranges). Vous verrez lundi. Mais ce procès est très intéressant, quand on voit ce qui s’est passé entre la mairie de Paris et un parti politique, je ne sais plus lequel d’ailleurs (le RPR, mais Gaston Flosse se souvient très bien ndlr).

Que vous évoque cette similarité entre l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, et votre procès ?

Je ne connais pas bien l’autre affaire…J’en ai entendu parler comme ça…D’après ce que j’ai lu, mais je ne suis pas juriste du tout, la mairie de Paris aurait mis du personnel à la disposition d’un parti, mais enfin le problème est réglé puisque la mairie de Paris a été indemnisée. Mais moi, si on me demandait de payer, je ne le ferais pas. Car ces personnes ont travaillé et bien travaillé, pour une commune, pour des établissements publics, je ne vois pas pourquoi je devrais payer.

Précisions : Le procès de Jacques Chirac dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris n'est pas terminé : il a été reporté suite au dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité par l'un des prévenus, en mars dernier. Toutefois en août 2010, un protocole d'accord a été établi entre la mairie de Paris, Jacques Chirac et l'UMP pour solder avant le procès les 2,2 millions d'euros réclamés par la mairie de Paris.

Quant à l'affaire des "emplois fictifs de la Présidence", c'est le volet pénal qui s'ouvre demain. Dans l'affaire des "emplois cabinet", qui recoupe plus ou moins la première, Gaston Flosse avait été jugé comptable de fait par la Chambre Territoriale des Comptes, et condamné, avec 9 autres personnes à rembourser 321 millions au pays. Un jugement annulé fin mars par la Cour des Comptes qui a repris l'affaire de zéro. (voir l'article)

Rédigé par F K le Lundi 18 Avril 2011 à 12:19 | Lu 2384 fois