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Ouverture de la session budgétaire : Oscar Temaru dresse le bilan de son action


Image d'archives
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Voici le discours prononcé jeudi matin par le président Oscar Temaru, à l'occasion de l'ouverture de la session budgétaire à l'assemblée de Polynésie française.

"Ia orana,
Après l’époque des robinets qu’on ferme, voici qu’aujourd’hui, certains voudraient nous enfermer derrière des lignes rouges, et continuer de parler de nous à notre place, comme ils le font depuis 170 ans.
Face à ces résurgences néocoloniales, nos divisions sont un ventre mou, une faiblesse, qui n’échappe pas à l’UMP. Je dis l’UMP car manifestement, ce n’est pas l’Etat républicain au sens noble qui s’exprime chez nous en ce moment.
Combien de temps encore laisserons-nous à d’autres que nous-mêmes le soin de dessiner les contours de l’avenir de notre Peuple ?
A moins bien sûr que vous n’ayez déjà baissé les bras ? Que, dans la foulée de la régression constitutionnelle de 2003, vous ne soyez plus aujourd’hui les représentants du PEUPLE Polynésien, mais seulement les représentants des populations françaises de Polynésie …
Si tel est le cas, je vous le dis, rendons tous nos tabliers, et laissons à nos voisins de la maison d’en face le soin de tout organiser, régenter, au son de la Marseillaise et sous le seul drapeau tricolore… Si en revanche, vous êtes bien ici, comme nous, pour représenter le PEUPLE Polynésien, je vous propose de bâtir, tous ensemble, notre avenir.

Avant le CEP, nous vivions debout et affichions une balance commerciale excédentaire – nous exportions même nos oranges en Californie, nos citrons vers l’Australie !
Depuis le CEP une économie artificielle, s’est construite sur des transferts financiers massifs versés par l’Etat pour nous apporter et montrer à nos cousins du Pacifique la « french way of life ». Et pour acheter une tranquillité aux essais nucléaires…

Pour autant, aujourd’hui, nous constatons des déséquilibres majeurs de notre société tant au plan économique, social que culturel et identitaire.
1 famille sur 5 confrontée à des difficulté financières, 1 Polynésien sur 20 en situation d’exclusion sociale, 20% des ménages qui captent la moitié des richesses, alors que les 20% les moins aisés ramassent à peine 6%, autant dire des miettes …

Le pays a perdu plus de 5.000 emplois salariés en 3 ans, soit une moyenne de 1.673 postes par an. Couplé au besoin en création des postes nécessaires à l’accueil des nouvelles générations sur le marché du travail, environ 1.700 par an, ce déficit de création d’emploi est en réalité de plus de 3.300 par an...

Dans le même temps, dans quasiment tous les secteurs de notre économie, on constate un réel déficit de cadres Polynésiens. Médecins, juges, avocats, haut-fonctionnaires, cadres dirigeants dans l’hôtellerie … la liste est longue…

Est-ce donc là la réussite tant scandée de l’Autonomie ?

Dans quelques semaines se tiendra le débat d’orientation budgétaire qui viendra détailler les grands axes stratégiques du budget 2012.
Aujourd’hui c’est donc plus l’esprit de l’action de mon gouvernement, l’âme de ce budget, que je souhaite partager avec vous… Au-delà des chiffres, « des milliards », ce qui importe c’est de bâtir un état d’esprit de fierté, d’éveiller en chacun de nous ce sentiment de faire partie d’un projet noble ; d’être au centre d’un tout collectif qui transcende chaque individu.

Pour cela nous devons instaurer les prémices d’une nouvelle société, avec un modèle économique plus sain et une fiscalité plus juste. Une société qui permette à chacun de vivre mieux, avec plus d’équité, plus d’autosuffisance, alimentaire et énergétique.

Une société plus solidaire et en harmonie avec son environnement naturel, à l’instar de nos tupuna.

Une société dont la jeunesse puisse s’impliquer dans le destin de son Pays, fière de produire et de consommer local. Fière d’être actrice du développement de son Pays.
Une société qui retrouve le goût d’elle-même, pour mieux le partager et refaire de notre Pays une destination qui fasse rêver la terre entière…
Pour avoir cette visibilité sur notre avenir, et pouvoir l’expliquer aux investisseurs, une rénovation du cadre institutionnel est nécessaire, avec, je le redis ici, le nécessaire arbitrage de l’ONU de manière à définir sereinement le cadre de l’évolution de nos relations.

Mais avant de parler du futur proche, permettez-moi d’aborder de manière synthétique ce qui a déjà été fait, depuis notre retour au service du Peuple Polynésien.
Nous avons tout d’abord du relever le défi du plan de redressement, et effectuer en trois mois ce que nos prédécesseurs n’avaient pas fait en un an.

Ce plan est bien sûr perfectible, pour peu qu’on veuille construire et non détruire. Mais Il a déjà induit des changements de comportement, des restructurations qui porteront leurs fruits dès 2012 pour atteindre leur pleine réalisation à partir de 2013.

Au plan touristique, nous avons assoupli les règles pour renforcer le secteur de la Croisière, et lancé le grand chantier de restructuration des outils de promotion, dans une approche plus globalisée, et de concert avec un nouveau développement de nos capacités de transport aérien à l’international. De nombreuses discussions avec les Pays de la région Pacifique permettent déjà d’envisager des partenariats prometteurs pour notre compagnie nationale.

Au plan de l’économie numérique, les points de blocage de la concurrence sont levés, avec deux arbitrages essentiels sur les tarifs de référence, l’allongement de la durée d’exploitation de 9 à 12 ans, ainsi qu’une évolution positive du mode de perception du droit d’exploitation.

Au plan des finances publiques, entre la création de la Direction Générale des Finances Publiques, et les actions de redressement des comptes, des éléments forts, contenus dans le plan de redressement sont déjà mis en place.

Au plan de l’emploi et l’insertion professionnelle, des dispositifs ont été mis en place, ou améliorés, pour ralentir les pertes d’emplois, développer l’apprentissage, favoriser l’insertion des jeunes diplômés, soutenir les créations de CDI et favoriser les créations de micro-entreprises.

Au plan des grands travaux, un allègement conséquent du circuit administratif est en cours, pour accélérer et favoriser l’émergence de chantiers. 50 opérations ont été retenues, sur l’ensemble du Pays, dans les secteurs routier, portuaire, aéroportuaire et de défense contre les eaux. Entre l’EAD, le port Autonome et la Direction de l’Equipement, ce sont près de 6 milliards de projets qui sont en cours.

Au plan de l’aménagement et du logement, et dans le cadre du plan de redressement, nous allons passer de 4 à 1 opérateur, qui assurera l’intégralité des opérations, permettant une mutualisation des moyens, induisant une économie réelle.

En matière d’énergie, le prix et les conditions de rachat de l’énergie photovoltaïque ont été enfin fixés. Les concessions que la SEM Transport Energie Polynésie avait déléguées à EDT pendant tant d’années ont été dénoncées, permettant à la SEM d’assurer à nouveau pleinement les missions de son objet social.
Au plan culturel, nous avons restauré la sérénité dans les relations avec les acteurs du secteur, ce qui a permis un Heiva 2011 de qualité avec la participation des communes.

En matière d’artisanat, la construction de « fare rima’i» est achevée aux Australes, démarrée aux Marquises, et programmée pour les Iles de la Société.
Au plan de la Famille, les guides essentiels ont été réédités avec l’ajout d’un référentiel relatif aux violences conjugales. Plusieurs maisons de l’enfance sont en cours de réception.
Au plan de notre secteur primaire, le secteur des ressources marines a placé son action sous le signe du redressement des comptes, avec une diminution de 10% des effectifs, et de près de 190 millions de ses crédits de fonctionnement.

Pour le secteur agricole, dans le cadre du plan de redressement, la restructuration du SDR, de la chambre d’agriculture, de l’établissement « Vanille de Tahiti » sont engagés. Avec en toile de fond, une revalorisation essentielle de l’enseignement agricole.

VOILA POUR L’ESSENTIEL DE CE QUI A DEJA ETE FAIT.

Mais pour nous tous, l’important demeure ce qui reste à faire.

Nous sommes actuellement pris dans un système où l’on ne cesse de parler de croissance. Mais regardons autour de nous : la «croissance économique » signifie-t-elle toujours le progrès ? Intrinsèquement instable en raison du cycle « croissance-récession », on sait que ce modèle ne pourra pas se maintenir indéfiniment.

Par conséquent, nombreux sont ceux qui commencent à prôner la durabilité comme la vraie qualité à rechercher pour notre modèle de Société.

Dès aujourd’hui, il est possible prévoir que la croissance sera, d’ici quelques années, handicapée par le prix croissant des ressources naturelles. Sans oublier qu’une croissance constante a pour corollaire une pollution exponentielle. Ici encore, les progrès scientifiques ne réussiraient qu’à retarder les échéances.

Il est donc important que nous revenions aux fondamentaux pour bâtir ensemble un modèle novateur autour du tourisme, et de la souveraineté alimentaire et énergétique. Ce modèle de société devra être conçu de manière globale et concertée, dans le cadre d’un Schéma Général d’Aménagement et de Développement, qui devra inclure, nos actions en termes aménagement, mais aussi en termes de d’éducation, de formation, d’emploi, de fiscalité, de justice sociale...

Cette société Maohi devra aussi s’affranchir, non seulement des lignes rouges de la politique UMP, mais aussi ôter les oeillères économiques,sociales et culturelles qui la confinent aujourd’hui dans un axe unique, Papeete-Paris.

Notre océan, c’est le Pacifique, et nos partenaires naturels sont nos cousins des ensembles Polynésiens, Mélanésiens, américains et asiatiques. Il nous faudra réapprendre à échanger, directement, sans intermédiaire bleu-blanc-rouge, avec ces voisins, du plus petit au plus grand, qui n’attendent que nous.

C’est dans cette optique que j’ai l’honneur d’ouvrir cette session budgétaire, et de vous inviter dans quelques semaines à travailler ensemble autour du Débat d’Orientation Budgétaire 2012.

Mauruuru, Te aroha ia rahi.

le Jeudi 15 Septembre 2011 à 11:42 | Lu 2124 fois