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Oscar Temaru veut en finir avec “l’invasion des Métropolitains”


© capture d'écran
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Tahiti, le 24 octobre 2023 - Une nouvelle sortie du président du Tavini, à l’occasion de la Journée mondiale des Nations Unies, assimile les Métropolitains à une invasion de la Polynésie française qui laisse craindre plus que le changement climatique, “un changement démographique”.
 
À l’occasion de la Journée mondiale des Nations Unies, qui camouflait en fait un séminaire sur l’indépendance de la Polynésie française, de nombreuses prises de parole ont finalement été très intéressantes, sur la construction institutionnelle, sur les rapports avec l’État ou encore sur les avancées possibles avec l’ONU. Des prises de parole pertinentes, saluées la plupart du temps par le député Steve Chailloux, qui avait laissé sa théâtralité au vestiaire de New York pour endosser un costume qui lui sied bien mieux, celui de l’universitaire raisonné. “Nous voulons mettre en place le chemin pacifique, normatif avec l’ONU qui conduira à l’indépendance”, a expliqué le député. “Et tout le monde y a sa place. L’indépendance, ce n’est pas le racisme. L’indépendance, ce n’est pas virer les gens de notre Pays”, a-t-il expliqué dans la langue de Shakespeare après des interventions qui visaient à confronter les différents chemins qui conduisent à l’indépendance.
 
Mais ses propos ont été ternis par une sortie de route du président du Tavini, Oscar Temaru, après la pause déjeuner. “Je n’ai pas peur d’un changement climatique. J’ai plutôt peur d’un changement démographique”, a-t-il lancé depuis son siège devant une assistance passive. “La semaine dernière, j’avais rendez-vous chez un médecin, et à l’orée de mes 80 ans, c’est la première fois que je vois ça dans ma vie… Pendant près de deux heures, il y a eu un défilé de gens qui allaient voir le médecin. Que des Métropolitains ! J’ai jamais vu ça. Je me suis dit : ‘Est-ce que c’est moi l’étranger ici ? Où est-ce que je suis ?’
 
Éludons tout de suite la possibilité que les “Farani” aient une santé plus fragile que les “Mā’ohi”. Ce n’était visiblement pas le constat d’Oscar Temaru qui lui a préféré cette conclusion : “J’ai tendance à penser que c’est organisé, tout ça. Après les essais nucléaires, je sentais que la France ne s’en irait pas. C’est ce qui se passe aujourd’hui. C’est bien beau de parler des textes, mais cette vague va nous noyer. C’est un changement démographique. Qu’est-ce qu’on fait pour arrêter ça ? C’est l’invasion de notre pays que je crains.”
 
Dans ces propos, remplacez “Métropolitains” par “Arabes” et vous obtenez les discours d’Éric Zemmour, de Jordan Bardella ou de Pascal Praud.
 
“Je veux l’indépendance aujourd’hui”
 
Plus loin, Oscar Temaru poursuit, en anglais cette fois-ci : “Il est temps de se réveiller. J’ai peur de cette vague démographique. Il faut faire une résolution au président Macron pour arrêter l’invasion de notre pays. J’adore les Français, j’adore tout le monde. Mais moi aussi j’ai des enfants et c’est notre premier devoir de protéger cette terre. Cette invasion continue. Il y a des compagnies comme French bee qui vendent des billets d’avion vers Tahiti, et que des allers simples, pas de retour. Je ne veux pas attendre. Je veux l’indépendance aujourd’hui. Cela suffit, le temps joue pour eux. Nous sommes sur une vague, un peu comme celle de Teahupo’o, où ils veulent construire une tour spéciale. Est-ce que l’on va danser pour eux ? Il faut se réveiller. Il est temps de créer les choses pour nous-mêmes.”
 
Des propos clivants conclus, sans se déchausser une molaire, par l’animateur de la journée, comme “des paroles de sagesse”. Une position une fois encore à l’encontre de celle du président du Pays, Moetai Brotherson, partisan d’une indépendance recherchée dans un plus long terme, dans le consensus, avec l’État et la population.

Rédigé par Bertrand Prévost le Mardi 24 Octobre 2023 à 19:29 | Lu 14847 fois