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Onati-Vini, le dossier des pratiques anticoncurrentielles de retour en appel


Crédit photo : Archive TI.
Crédit photo : Archive TI.
Tahiti, le 9 novembre 2023 – C'est une affaire qui traîne depuis deux ans. En cours d'appel ce jeudi, Onati et Pacific Mobile Télécom (PMT), société qui exploite le réseau Vodafone, se confrontait une nouvelle fois. Onati reproche à PMT des pratiques anticoncurrentielles, entre 2018 et 2019, avec des campagnes de publicités agressives, qui ont eu pour conséquence un bouleversement du marché de la téléphonie. Retour sur ce dossier.
 
En appel ce jeudi, la cour a audiencé une affaire de pratique anticoncurrentielle. En effet, Onati reproche à Pacific Mobile Télécom (PMT), société du groupe Moux qui exploite le réseau Vodafone, de s'être livré à des campagnes de publicité agressives entre 2018 et 2019. En première instance, en 2021, le tribunal avait donné raison à Onati, qui a cependant fait appel dans la foulée, jugeant que le montant de l'indemnisation du préjudice commercial et d'image n'étaient pas assez élevés. Rebelote donc ce jeudi, en appel, dans ce dossier qui traîne en longueur. Dès le début des hostilités, le ton est donné. Lors de son plaidoyer, Me Vaitiare Algan, représentant Onati, en est persuadée, ces campagnes de publicité étaient particulièrement “agressives” tout en étant “mensongères et illicites”. Imputant ainsi, à ces campagnes, la responsabilité du bouleversement du marché téléphonique, à l'époque bien en faveur à ses clients. Sûre de ces éléments, elle réclame une indemnisation conséquente de 350 millions de francs. Et pour étayer sa demande, elle n'est pas venue les mains vides.
 
Bouleversement du marché
 
En effet, devant le tribunal, Me Algan présente tout d'abord un sondage fait auprès de 800 personnes, à l'issue de la campagne de publicité de Vodafone. “Les chiffres sont intéressants”, détaille-t-elle, “on y apprend que 8 personnes sur 10 estiment que Vodafone est plus intéressant que Vini, alors que sur les offres, ils sont loin d'être moins chers. Le consommateur est trompé”. “Sept personnes sur 10 pensent également, à la suite de cette campagne, que les services de PMT sont effectifs sur l'ensemble du territoire. Alors que c'est faux. Toujours selon le sondage, 5% des consommateurs ont résilié Vini pour Vodafone”, continue Me Algan. Ainsi, après avoir fait estimer le montant du préjudice, sur la période en question, auprès d'un cabinet d'expertise comptable, la somme demandée par Onati atteint les 350 millions de francs. “Les critères de calculs sont le nombre de clients perdus/non acquis, le montant de la marge perdue et la durée de vie moyenne d'un client.”
 
De l'autre côté du tribunal, Me Robin Quinquis, avocat de PMT, attend patiemment son tour. Quand vient son heure, ses premiers mots sont cinglants. “Il me faut rectifier ces banalités grossières”, fustige-t-il, “ces chiffres sont truqués”. D'après lui, ce bouleversement du marché de la téléphonie n'est pas imputable à Vodafone, mais à un tout autre événement : la décision du 6 juin 2018 de l'Autorité de la concurrence (APC). L'APC, à l'époque une toute jeune entité, avait décrété qu'Onati “abusé de sa position dominante”. En effet, avant cette décision, la compagnie historique pratiquait une politique de résiliation compliquée et coûteuse pour les consommateurs, tout en appliquant un surcoût sur les SMS et les appels à destination des clients Vodafone. Cette décision de l'APC est donc jugée par l'avocat de PMT comme une “libération du marché”, qui a permis à de nombreux clients d'Onati de passer à la concurrence, sans lien avec la campagne de publicité.
 
Me Quinquis invite, pour conclure, la cour à débouter Onati dans ce dossier. “Nos publicités ne sont absolument pas malhonnêtes”, nous répète-t-il à la sortie de l'audience. Cependant, même si la décision de la cour, qui sera rendue le 14 mars prochain, va dans le sens de l'avocat de PMT, Vodafone devra malgré tout s'acquitter d'une indemnisation vis-à-vis du préjudice d'image, qui a déjà été acté par le tribunal de commerce lors d'un précédent jugement. “C'est une jurisprudence, il doit forcément y avoir une compensation. Mais celle-ci peut être de l'ordre du franc symbolique”, nous explique-t-il, avant de rajouter que “si Onati a vu son image dégradée, ce n'est par PMT”.
 
L'arbre qui cache la forêt
 
Comme expliqué précédemment, dans cette affaire, c'est Onati qui a fait appel, bien que le tribunal, en première instance, lui avait déjà donné raison. Si, à première vue, la décision d'Onati peut paraître surprenante, elle pourrait bien s'inscrire dans une stratégique judiciaire. En effet, Me Robin Quinquis en est certain, cette démarche vise un tout autre dessein. “C'est un litige important pour eux, puisqu'une action au tribunal de commerce est en cours. PMT demande l'indemnisation des pratiques anticoncurrentielles d'Onati sur la période antérieure à celle du dossier d'aujourd'hui (soit avant 2018, NDLR)”, nous détaille-t-il à la sortie de la salle d'audience, “c'est donc essentiel pour eux de dire que l'évolution du marché résulte des pratiques déloyales de PMT plutôt que des pratiques anticoncurrentielles que nous avons dénoncées”. Dans ce dossier, dont le jugement sera rendu le 1er décembre, PMT demandait, dans ses écritures initiales, 2 milliards de francs d'indemnisation. Une somme réévaluée à 5 milliards après un rapport d'expertise. “Le curseur sera entre les deux”, estime Me Robin Quinquis.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Jeudi 9 Novembre 2023 à 20:13 | Lu 3030 fois