Tahiti Infos

“On s’est battu dix ans pour participer”


Moorea le 20 septembre 2023 - Onyx Le Bihan et Taina Orth ont porté haut les couleurs du fenua en décrochant une brillante deuxième place au classement par équipe lors du championnat du monde de chasse sous-marine, qui s’est déroulé du 7 au 10 septembre en Espagne. Quelques jours après leurs performances, les chasseuses de Moorea, classées également troisième et cinquième en individuel de ces Mondiaux, reviennent pour Tahiti Infos sur leur exploit.
 
Quelles sont vos réactions à l’issue de ce championnat du monde ?
Taina Orth : “On est très fières de représenter la Polynésie au niveau international et de ramener ces belles places dans le top 5 mondial. On s’était dit au début, avec Onyx, qu’on allait viser le top 5, que ça soit au classement individuel ou par équipe. Les objectifs sont finalement atteints.”
Onyx Le Bihan : “On est fières d’avoir atteint nos objectifs. On est aussi fières d’avoir répondu présent, car beaucoup de monde nous ont soutenues pour participer à ces championnats. On a reçu des messages de Tahiti, de la Nouvelle-Calédonie, des Polynésiens de la métropole… On est donc fières et très contentes d’avoir pu honorer notre pari. On a tenu aussi à prouver à tous ceux qui nous ont soutenues depuis le début, notamment Rahiti Buchin et notre entraîneur Joël Drollet, qu’on était capables d’aller jusqu’au bout et d'accrocher ce podium. On est donc très contentes.”
 
Aviez-vous ressenti une pression particulière lors de la compétition ?
T.O : “Je n’ai ressenti aucune pression. On n’était pas attendues puisqu’on était inconnues sur la scène internationale, chez les femmes en tout cas. Les autres ne pouvaient pas se faire une idée de notre niveau. Je pense justement que c’est grâce au fait qu’on ne se soit pas mis la pression qu’on a eu de bons résultats.”
O.L : “Je l’ai ressentie un petit peu parce qu'à l’issue de la première journée, je suis arrivée deuxième devant la championne du monde en titre. Je voulais maintenir cette place pour la deuxième journée. Je dirais toutefois que c’est une bonne pression, une pression positive qui m’a permis de garder la motivation. On savait que ça allait être dur par rapport aux conditions météorologiques et au spot.”
 
Est-ce que la préparation mentale a été importante pour ce championnat ?
O.L : “Oui, car la compétition demande de l’intensité. Il fallait qu’on bouge beaucoup. C’était surtout physique parce qu’il fallait quand même nager et être rapide. Pour faire une bonne apnée, il faut quand même rester calme, bien récupérer, pour faire des performances (en apnée). Le mental a donc beaucoup joué dans un milieu que l’on ne connaît pas et qui est très trouble. On ne voyait pas beaucoup le fond. On était aussi dans le froid puisqu’on passait de 22 à 18 degrés. Ce n’était pas facile, mais le mental a été décisif. Tu ne connais pas tes poissons et tu ne peux ne pas en voir pendant deux heures. Il y a aussi l’isolement, le froid… Si tu participes au tournoi sans avoir le mental, tu vas vite lâcher l’affaire.”
 
Est-ce qu’il y avait, selon vous, de la place pour faire mieux ?
T.O : “Pour ma part, c’est le temps de repérage qui a manqué. Je n’ai eu que cinq jours de repérage, dont seulement deux bons. J’ai testé mon matériel qu’à ce moment-là. Je n’avais pas de bateau jusqu’à la veille de la compétition. Je trouve malgré tout que je me suis quand même bien adaptée à la situation. Mais c’était peut-être toute la préparation faite depuis bien avant les Oceania, en Nouvelle-Calédonie, qui a fait qu’on était toujours au top au niveau physique. Ce sont des petites choses à régler pour les prochaines échéances, mais je suis très contente de nos résultats.”
O.L : “Il y a toujours possibilité de faire mieux. Le plus important est de pouvoir se poser et d’identifier les améliorations. Pour la deuxième journée, j'ai manqué un peu de réussite et j’ai eu quelques petits soucis techniques. C’est vrai qu’on a dû surmonter quelques aléas durant les quelques jours avant la compétition. Ce qui nous a aussi, je pense, mobilisé beaucoup d’énergie pour conserver ce mental-là. Donc, avoir d’autres conditions optimales de préparation de dernière minute aurait beaucoup joué pour obtenir un peu plus. Notre résultat reste quand même extraordinaire compte tenu de notre première participation.”
 
Quelles sont les différences entre cette compétition mondiale et les Oceania ?
T.O : “On va plus parler de la formule que de niveau. Aux Oceania, tout se fait à la nage. Pendant les deux journées de compétition, qui durent chacune six heures, tous les déplacements se font à la nage. Au championnat du monde par contre, on se déplaçait qu’à bord d’un bateau sur une distance de 20 kilomètres. Tu pêches aussi toute seule. Personne ne vient te secourir si tu as un souci. J’ai l’habitude de pêcher en binôme avec Onyx dans les compétions. On se sent plus en sécurité. C’est la grande différence avec le championnat du monde.”
O.L : “Je pense que cette différence nous a avantagées parce qu’on récupérait plus vite que la majorité des autres pêcheuses. Comme on a l’habitude de nager, on a du coup un niveau de récupération au niveau du souffle et du physique qui est plus rapide que les autres. Lorsqu’on faisait trois apnées, les autres n’en faisaient qu’une. Je pense donc que les Oceania nous ont avantagées. Le fait de nager beaucoup nous a permis aussi de voir plus de poissons.”
 
Les espèces de poissons étaient-elles très différentes de celles du fenua ?
O.L : “Il y a plusieurs espèces qui étaient différentes dans le comportement, dans l’habitat. Il y a le sar, le bar, le congre, etc. On les a découverts sur place. C’est pour cela qu’il est nécessaire de partir bien à l’avance pour bien comprendre comment ils vivent, ce qu’ils mangent, etc. Il n’y avait pas non plus de coraux. Le milieu et toutes les algues étaient différents. On a dû par conséquent adapter nos techniques de pêche.”
 
Vous voulez participer à ces championnats du monde depuis dix ans. Au vu de vos résultats en Espagne, est-ce-que vous n'auriez pas pu y participer plus tôt ?
T.O : “On ne va pas parler de regrets parce qu’on ne peut pas revenir dans le temps. On s’est battu pendant dix ans pour finalement participer à ces championnats et pour faire de bons résultats. Cela prouve au monde, à tous nos détracteurs et à ceux qui ne croyaient pas en nous, qu’ils ont eu tort. Ça leur cloue le bec. Je parle notamment pour ceux qui ne nous ont pas forcément soutenues pour nous envoyer aux Mondiaux. Mais peut-être le fait d’avoir eu dix ans de compétitions a fait que l'on était prêtes et qu’on avait plus d’expérience. On est plus à même de gérer nos efforts. Peut-être que cela a fait que ça a fonctionné.”
 
Allez-vous revoir vos objectifs à la hausse pour le prochain championnat du monde ?  
T.O : “Il faut toujours aller plus loin. On ne connait pas encore le pays organisateur, mais il faudra bien se préparer en fonction du lieu de la compétition. Cela va être déterminant dans notre organisation et dans notre préparation. Il faudra bien connaître le milieu.”
O.L : “On prend le temps d’apprécier nos victoires en Espagne et après, en fonction de comment ça va évoluer, on va se concentrer l’année prochaine sur les Oceania et sur notre diplôme de brevet d’éducateur sportif. Notre objectif aussi est quand même de créer notre école de pêche pour pouvoir former des jeunes.”
 
Propos recueillis par Toatana Rurua
 
Légende
Taina Orth (à gauche), cinquième des derniers championnats du monde de chasse sous-marine, et sa partenaire Onyx Le Bihan, avec sa médaille de bronze.
 
 
Exergue
“Cela prouve au monde, à tous nos détracteurs et à ceux qui ne croyaient pas en nous, qu’ils ont eu tort”
 
“On n’était pas attendues puisqu’on était inconnues sur la scène internationale”

Rédigé par Toatane Rurua le Mercredi 20 Septembre 2023 à 19:05 | Lu 1881 fois