Tahiti, le 21 octobre 2020 - Mobilisation des lits, déprogrammations d'activités chirurgicales, collaborations avec les cliniques et moral des équipes soumis à une montée en pression : Claude Panero, directrice générale du CHPF fait le point sur l’afflux soudain des malades et invite la population à "prendre conscience de la gravité de la situation."
Le nombre de cas en réanimation passe de 10 à 20, faut-il y voir un début d'engorgement des lits de réanimation ?
"Nous observons une nette et rapide augmentation de notre activité ces derniers jours. Aujourd’hui, le nombre des hospitalisations au CHPF pour les malades de la Covid-19 est de 76 dont 20 en réanimation.
L'hôpital s’est organisé en secteurs dits "Covid" et "non Covid" comme le prévoit le plan blanc. S’agissant du secteur Covid, notre plan épidémie prévoit une montée en charge progressive des lits à ouvrir pouvant aller jusqu’à près de 200. Actuellement 100 lits sont déjà ouverts en hospitalisation conventionnelle, auxquels s’ajoutent 41 lits en secteur réanimation. Je précise que le CHPF s’est doté des matériels nécessaires à l’ouverture, au total, de 60 postes de réanimation pour lesquels des renforts en personnel seront cependant nécessaires.
Cette mobilisation en lits pour la prise en charge Covid impacte nécessairement le capacitaire non Covid de l’établissement et nous a contraints à réduire graduellement nos activités. Bien évidemment, les prises en charge des patients aux pathologies les plus graves restent notre priorité et nous faisons en sorte de les maintenir. Nous cherchons par ailleurs à renforcer les collaborations avec les cliniques et les structures de santé périphériques pour assurer la continuité des prises en charge des patients habituellement traités à l’hôpital."
Vu la hausse brutale de l’activité, avez-vous déjà commencé à travailler avec les cliniques ?
"Actuellement, la coopération active a déjà lieu entre praticiens des structures pour la prise en charge des patients, au cas par cas, qui peuvent l'être dans les cliniques. Un travail est actuellement mené par l'Arass pour fixer le cadre d'une collaboration plus systématique."
Que prévoit le plan blanc à ce stade ?
"Activé le 18 mars, il prévoit la mise en place d’une filière Covid aux urgences, la sectorisation de l’établissement en secteur Covid et non Covid, ainsi que différents aspects des procédures sanitaires et des leviers de mobilisation des personnels. Allégé en mai, mais maintenu, il est passé au niveau d’alerte 2 depuis le 24 août. Il est évidemment très évolutif, puisqu’il doit s’adapter en permanence à la cinétique épidémique (mouvement de l’épidémie, Ndrl) ainsi qu’aux mesures territoriales de gestion de la crise sanitaire."
Depuis quand les rendez-vous sont-ils déprogrammés ?
"Les déprogrammations d'activités chirurgicales ont déjà commencé il y a deux semaines avec la fermeture d'un certain nombre de salles du bloc opératoire. Sont aujourd'hui maintenues les capacités d'opérations les plus urgentes, comme les arrivées par les urgences, ou l’activité programmée urgente."
À partir de quel moment, de quel nombre de lits, le CHPF sera vraiment en difficulté ?
"Comme je l’ai évoqué précédemment, ce n’est pas tant le nombre de lits que la cinétique épidémique et sa rapidité, qui est de nature à poser des difficultés. Seule la limitation de la circulation communautaire du virus est en effet réellement susceptible de préserver nos capacités d’hospitalisation.
Je ne peux donc qu’être en alerte sur la nécessité absolue pour la population de respecter les gestes barrières : le port du masque, le lavage des mains, la distanciation sociale, et venir ainsi appuyer les messages des autorités publiques du Pays et de l’État."
Comment l'hôpital répartit-il la charge de travail ?
"Le CHPF doit sans cesse adapter ses organisations et souvent dans des temps très rapides en gestion de crise. Tous les services de l’hôpital et leurs équipes font preuve d’une grande réactivité sur le terrain et sont pleinement mobilisés dans la prise en charge des patients.
Il y a aujourd’hui un formidable engagement de la communauté hospitalière et beaucoup de solidarité entre équipes. Cela me donne l’occasion de les saluer et de les remercier, toutes, pour le travail difficile et prenant qu’elles réalisent au quotidien pour la santé de nos concitoyens."
Combien de médecins et d'infirmiers sont tombés malade ?
"Comme le reste de la population, les professionnels de santé sont susceptibles d’être touchés par cette maladie. Au CHPF, tout est mis en œuvre depuis le début de l’année, et de manière continue, pour imposer des règles strictes d’hygiène et le respect des gestes barrières. Elles visent à protéger les personnels mais également les patients. Elles ont montré leur efficacité dans le sens où nous n’avons pas observé de diffusion incontrôlée en interne.
En outre, nos procédures de repérage et de contrôle nous permettent une prise en charge rapide d’un éventuel agent présentant des symptômes. À ce jour et depuis le début de l’épidémie, le CHPF enregistre 57 médecins et infirmiers déclarés positifs, dont actuellement 10 actifs faisant l’objet d’une mesure temporaire d’éviction professionnelle."
Comment le personnel réagit-il face à la pression ?
"Ce sont des professionnels préparés depuis de nombreux mois à la gestion du Covid. Ainsi, et même si bien sûr peuvent naître parfois des inquiétudes ou des peurs, leur réaction face à la gestion de l’épidémie est une réaction très professionnelle et maîtrisée. J’attache aussi beaucoup d’importance à une communication transparente auprès des personnels de manière à les tenir régulièrement informés de la situation, des mesures prises par l’établissement et à les rassurer sur la conduite des opérations."
Les prévisions du BVS estiment une forte intensification de l'épidémie dès novembre, comment les équipes appréhendent cette évolution ? Quel regard portez-vous sur ces prévisions ?
"Les projections épidémiques portées par les équipes de la Direction de la santé et notamment sa cellule épi-surveillance sont des données importantes pour le pilotage de la crise au niveau du CHPF et du suivi opérationnel de ses ressources. Comme toute projection, il y a lieu cependant de les considérer avec relativité. Nous enrichissons notre pilotage de toutes les données externes et internes utiles à la gestion de crise."
L'hôpital est-il équipé et suffisamment préparé pour surmonter cette crise ?
"Comme je le disais, le CHPF s’est doté des matériels et équipements indispensables à la couverture de son plan blanc que soit en matière d’équipements de protection individuelle, de réactifs de laboratoire, de médicaments, de respirateurs de réanimation, de générateurs d’oxygène... Quelques rares investissements restent cependant encore en attente de livraison pour consolider nos organisations comme nous le souhaitons.
La tension mondiale des marchés ou d’autres aléas restent des réalités et viennent souvent complexifier notre gestion. Notre plus gros problème de gestion, en sus de celui que je viens d’évoquer, reste celui de la tension sur les ressources humaines et la difficulté de gérer les ouvertures de services Covid prévues à notre plan, au fur et à mesure des nécessités."
Y a-t-il un message à faire passer à la population ? Comment les Polynésiens peuvent vous aider ?
"En étant passé au stade 4 sur Tahiti et Moorea, il ne fait plus de doute aujourd’hui que nous sommes confrontés à une circulation très active du virus. Il faut donc que toute la population prenne conscience de la gravité de la situation et adopte un comportement civique pour préserver les capacités de l’hôpital. Que ce soit dans la sphère privée ou dans la sphère professionnelle, chacun de nous doit agir comme un rempart contre la Covid-19 en respectant strictement les gestes barrières. Porter un masque, être à distance de l’autre, se laver les mains, c’est se protéger soi, mais c’est surtout, protéger les autres et ceux qui nous sont chers."
Le nombre de cas en réanimation passe de 10 à 20, faut-il y voir un début d'engorgement des lits de réanimation ?
"Nous observons une nette et rapide augmentation de notre activité ces derniers jours. Aujourd’hui, le nombre des hospitalisations au CHPF pour les malades de la Covid-19 est de 76 dont 20 en réanimation.
L'hôpital s’est organisé en secteurs dits "Covid" et "non Covid" comme le prévoit le plan blanc. S’agissant du secteur Covid, notre plan épidémie prévoit une montée en charge progressive des lits à ouvrir pouvant aller jusqu’à près de 200. Actuellement 100 lits sont déjà ouverts en hospitalisation conventionnelle, auxquels s’ajoutent 41 lits en secteur réanimation. Je précise que le CHPF s’est doté des matériels nécessaires à l’ouverture, au total, de 60 postes de réanimation pour lesquels des renforts en personnel seront cependant nécessaires.
Cette mobilisation en lits pour la prise en charge Covid impacte nécessairement le capacitaire non Covid de l’établissement et nous a contraints à réduire graduellement nos activités. Bien évidemment, les prises en charge des patients aux pathologies les plus graves restent notre priorité et nous faisons en sorte de les maintenir. Nous cherchons par ailleurs à renforcer les collaborations avec les cliniques et les structures de santé périphériques pour assurer la continuité des prises en charge des patients habituellement traités à l’hôpital."
Vu la hausse brutale de l’activité, avez-vous déjà commencé à travailler avec les cliniques ?
"Actuellement, la coopération active a déjà lieu entre praticiens des structures pour la prise en charge des patients, au cas par cas, qui peuvent l'être dans les cliniques. Un travail est actuellement mené par l'Arass pour fixer le cadre d'une collaboration plus systématique."
Que prévoit le plan blanc à ce stade ?
"Activé le 18 mars, il prévoit la mise en place d’une filière Covid aux urgences, la sectorisation de l’établissement en secteur Covid et non Covid, ainsi que différents aspects des procédures sanitaires et des leviers de mobilisation des personnels. Allégé en mai, mais maintenu, il est passé au niveau d’alerte 2 depuis le 24 août. Il est évidemment très évolutif, puisqu’il doit s’adapter en permanence à la cinétique épidémique (mouvement de l’épidémie, Ndrl) ainsi qu’aux mesures territoriales de gestion de la crise sanitaire."
Depuis quand les rendez-vous sont-ils déprogrammés ?
"Les déprogrammations d'activités chirurgicales ont déjà commencé il y a deux semaines avec la fermeture d'un certain nombre de salles du bloc opératoire. Sont aujourd'hui maintenues les capacités d'opérations les plus urgentes, comme les arrivées par les urgences, ou l’activité programmée urgente."
À partir de quel moment, de quel nombre de lits, le CHPF sera vraiment en difficulté ?
"Comme je l’ai évoqué précédemment, ce n’est pas tant le nombre de lits que la cinétique épidémique et sa rapidité, qui est de nature à poser des difficultés. Seule la limitation de la circulation communautaire du virus est en effet réellement susceptible de préserver nos capacités d’hospitalisation.
Je ne peux donc qu’être en alerte sur la nécessité absolue pour la population de respecter les gestes barrières : le port du masque, le lavage des mains, la distanciation sociale, et venir ainsi appuyer les messages des autorités publiques du Pays et de l’État."
Comment l'hôpital répartit-il la charge de travail ?
"Le CHPF doit sans cesse adapter ses organisations et souvent dans des temps très rapides en gestion de crise. Tous les services de l’hôpital et leurs équipes font preuve d’une grande réactivité sur le terrain et sont pleinement mobilisés dans la prise en charge des patients.
Il y a aujourd’hui un formidable engagement de la communauté hospitalière et beaucoup de solidarité entre équipes. Cela me donne l’occasion de les saluer et de les remercier, toutes, pour le travail difficile et prenant qu’elles réalisent au quotidien pour la santé de nos concitoyens."
Combien de médecins et d'infirmiers sont tombés malade ?
"Comme le reste de la population, les professionnels de santé sont susceptibles d’être touchés par cette maladie. Au CHPF, tout est mis en œuvre depuis le début de l’année, et de manière continue, pour imposer des règles strictes d’hygiène et le respect des gestes barrières. Elles visent à protéger les personnels mais également les patients. Elles ont montré leur efficacité dans le sens où nous n’avons pas observé de diffusion incontrôlée en interne.
En outre, nos procédures de repérage et de contrôle nous permettent une prise en charge rapide d’un éventuel agent présentant des symptômes. À ce jour et depuis le début de l’épidémie, le CHPF enregistre 57 médecins et infirmiers déclarés positifs, dont actuellement 10 actifs faisant l’objet d’une mesure temporaire d’éviction professionnelle."
Comment le personnel réagit-il face à la pression ?
"Ce sont des professionnels préparés depuis de nombreux mois à la gestion du Covid. Ainsi, et même si bien sûr peuvent naître parfois des inquiétudes ou des peurs, leur réaction face à la gestion de l’épidémie est une réaction très professionnelle et maîtrisée. J’attache aussi beaucoup d’importance à une communication transparente auprès des personnels de manière à les tenir régulièrement informés de la situation, des mesures prises par l’établissement et à les rassurer sur la conduite des opérations."
Les prévisions du BVS estiment une forte intensification de l'épidémie dès novembre, comment les équipes appréhendent cette évolution ? Quel regard portez-vous sur ces prévisions ?
"Les projections épidémiques portées par les équipes de la Direction de la santé et notamment sa cellule épi-surveillance sont des données importantes pour le pilotage de la crise au niveau du CHPF et du suivi opérationnel de ses ressources. Comme toute projection, il y a lieu cependant de les considérer avec relativité. Nous enrichissons notre pilotage de toutes les données externes et internes utiles à la gestion de crise."
L'hôpital est-il équipé et suffisamment préparé pour surmonter cette crise ?
"Comme je le disais, le CHPF s’est doté des matériels et équipements indispensables à la couverture de son plan blanc que soit en matière d’équipements de protection individuelle, de réactifs de laboratoire, de médicaments, de respirateurs de réanimation, de générateurs d’oxygène... Quelques rares investissements restent cependant encore en attente de livraison pour consolider nos organisations comme nous le souhaitons.
La tension mondiale des marchés ou d’autres aléas restent des réalités et viennent souvent complexifier notre gestion. Notre plus gros problème de gestion, en sus de celui que je viens d’évoquer, reste celui de la tension sur les ressources humaines et la difficulté de gérer les ouvertures de services Covid prévues à notre plan, au fur et à mesure des nécessités."
Y a-t-il un message à faire passer à la population ? Comment les Polynésiens peuvent vous aider ?
"En étant passé au stade 4 sur Tahiti et Moorea, il ne fait plus de doute aujourd’hui que nous sommes confrontés à une circulation très active du virus. Il faut donc que toute la population prenne conscience de la gravité de la situation et adopte un comportement civique pour préserver les capacités de l’hôpital. Que ce soit dans la sphère privée ou dans la sphère professionnelle, chacun de nous doit agir comme un rempart contre la Covid-19 en respectant strictement les gestes barrières. Porter un masque, être à distance de l’autre, se laver les mains, c’est se protéger soi, mais c’est surtout, protéger les autres et ceux qui nous sont chers."