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Océanie : Duels aux sommets


Le Président Fritch à la réunion du Groupe des dirigeants polynésiens à Auckland
Le Président Fritch à la réunion du Groupe des dirigeants polynésiens à Auckland
SUVA, dimanche 6 septembre 2015 (Flash d’Océanie) – Les deux premières semaines de septembre devraient voir se succéder, quasiment dos à dos, deux sommets à vocations régionale, de la part de deux organisations apparaissant de plus en plus comme rivales.
Le premier sommet au calendrier vient de s’achever à Suva : troisième édition de l’exercice, ce (Forum de Développement des Îles du Pacifique, PIDF), créé il y a trois ans sur l’initiative de Fidji, alors exclu de la communauté régionale et internationale pour cause de non-retour à la démocratie, a une nouvelle fois réuni des partenaires, chefs d’États et de gouvernements d’Océanie, mais aussi des représentants de territoires ou collectivités comme les Françaises de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française.
Cette organisation, qui est désormais dotée d’un siège permanent et d’un secrétaire général en la personne du Samoan François Martel, a aussi fait adopter, au cours de ce sommet (du 2 au 4 septembre 2015 dans la capitale fidjienne), sa charte, sorte d’acte constituant censé jouer le rôle de feuille de route.
Le PIDF, souvent décrit comme une sorte d’ « Alter-Forum » (en référence directe au plus ancien Forum des Îles du Pacifique (FIP, lui aussi basé à Suva depuis le début des années 1970), se targue aussi d’inclure plus volontiers les entités non gouvernementales, y compris les acteurs du secteur privée de l’Océanie insulaire.
Cette année, les invités de marque représentants pays et organisations internationales, ont notamment été la Thaïlande (représentée par son Vice-premier ministre, le général Tanasak Patimapragorn), mais aussi le Secrétaire Général du Commonwealth Kamalesh Sharma ou encore Mary Robinson, envoyée spéciale des Nations-Unies pour les questions de changements climatiques.
Ces deux dernières personnalités doivent aussi participer, dans la foulée, au 46ème sommet des dirigeants du FIP qui, lui, doit se dérouler dans la capitale papoue Port-Moresby du 7 au 11 septembre 2015.
Mais malgré une invitation à réintégrer le FIP après la tenue d’élections démocratiques en septembre 2014, le gouvernement fidjien et en particulier celui qui le dirige désormais légitimement, l’ancien putschiste Franck Bainimarama, refusent toujours apparemment de participer au FIP au sommet.
À sa place, l’ancien chef des armées a décidé d’envoyer son ministre des affaires étrangères, Ratu Inoke Kubuabola.
Fidji, depuis son exclusion du FIP, en 2009 (suivie de l’annonce de sa réinsertion en 2014), maintient en effet qu’une refonte de cette organisation est nécessaire, pour cause d’ « influence excessive » de deux de ses membres fondateurs : l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Depuis cette prise de position, toujours inchangée, et la tenue de ses élections à Fidji, l’archipel pose comme condition à sa participation au plus haut niveau un examen de conscience au sein du FIP.
La logique souvent invoquée par Suva est que si l’Australie et la Nouvelle-Zélande continuent à jouir du statut de membre plein (auquel Fidji préfèrerait celui de partenaire de développement, au même titre que la douzaine de pays et organisation désignés comme « partenaires » au sein du « dialogue post-Forum » qui se tient chaque année dans la foulée des sommets), alors les autres partenaires devraient eux aussi être des membres de plein droit.

Épitomé de ces rivalités d’influence : le dossier de l’environnement.

À l’issue du troisième sommet du PIDF, les dirigeants se sont fendus d’une « déclaration de Suva », censée interpeller la communauté internationale en termes parfois loin des formules diplomatiques, au sujet de leur responsabilité dans la réduction des émissions de gaze à effet de serre contribuant au réchauffement climatique planétaire.

Ces déclarations interviennent à quelques semaines du sommet COP21 qui devrait avoir lieu à Paris, sous l’égide de l’ONU et sous les auspices français, avec pour objectif affiché de parvenir à des engagements contraignants de la part des principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre.

Dans leur déclaration, les dirigeants océaniens, à l’issue de ce 3ème PIDF, sont même allés jusqu’à évoquer le concept de la reconnaissance de « dommages-intérêts » payables aux pays océaniens, dont certains (Kiribati, Tuvalu, îles Marshall, mais aussi certaines îles de Fidji, de Vanuatu ou de Papouasie-Nouvelle-Guinée) sont menacés à moyen terme par la submersion, du fait de la très faible élévation de leurs îles et atolls (moins de deux mètres) au-dessus du niveau de la mer.

Enfilant volontiers le rôle de porte-parole et de défenseurs des intérêts des États insulaires du Pacifique, le Premier ministre fidjien, rappelant le contenu de la déclaration de Suva signée vendredi 4 août 2015, a notamment rappelé que ce texte était marqué par « notre déception et notre frustration face à l’échec du monde et son inaction ».
« Nous, ici, dans le Pacifique, avons pour habitude de parler doucement. C’est dans notre nature. Mais sur ce sujet, il nous a fallu crier ensemble, d’une seule voix. Crier que trop, c’est trop. C’est ce que nous avons fait », a-t-il déclaré en guise de clôture du sommet de Suva.
« La déclaration de Suva a pour vocation d’être un document historique, correspondant à un moment historique : celui où le Pacifique s’est uni pour faire porter sa voix », a-t-il ajouté.
« La lutte n’est pas terminée. Elle va se poursuivre jusqu’à Paris et même au-delà (…) Nous laisser couler sous les vagues est totalement immoral. Le monde ne doit pas nous trahir », a-t-il lancé à l’attention de la communauté internationale.

Les rivalités entre le FIP et le PIDF se sont aussi invitées, par épisodes, la semaine dernière lors du sommet de Suva.

En particulier lorsque M. Bainimarama, dans son discours d’ouverture, a spécifiquement pointé du doigt l’Australie, demandant publiquement à Canberra de « cesser de miner le PIDF en faisant pression sur les gouvernements et dirigeants de la région pour qu’ils n’assistent pas (aux réunions du) PIDF ».
« Je l’ai dit à plusieurs reprises : cette organisation (le PIDF) n’est pas une menace pour le Forum des Îles du Pacifique, que l’Australie et la Nouvelle-Zélande préfèrent maintenir comme la composante dominante, voire la seule, de l’architecture régionale (en Océanie) », a-t-il martelé.
Au passage, il a aussi pointé du doigt l’Australie, pièce maîtresse, selon lui, d’une « coalition des égoïstes » en raison de l’importance qu’elle attache à la préservation de ses exportations de charbon.
« Cher Premier ministre (australien), Tony Abbott, il est temps de placer le bien-être et la survie de vos voisins du Pacifique avant le développement de votre industrie du charbon », a-t-il renchéri mercredi 2 septembre 2015 lors d’une de ses interventions à Suva devant les dirigeants océaniens et internationaux.

Ce débat crucial pour l’avenir d’un grand nombre d’îles du Pacifique devrait à nouveau occupe rune place de choix, sinon la première, lors des débats, en plénière et en coulisses, du prochain sommet du FIP, ainsi qu’au sein de la traditionnelle déclaration finale des dirigeants de l’une des plus anciennes organisations océaniennes.

Quitte à faire double emploi avec la « déclaration de Suva » émise par le PIDF.

La ministre française des Outre-mer, George Pau-Langevin, figure parmi les représentants de gouvernements attendus à Port-Moresby.
« Le Président de la République a demandé à la ministre des Outre-mer de représenter la France au 46ème Forum des Iles du Pacifique », précise un communiqué.
Elle s’y rendra dans le cadre d’un déplacement dans le Pacifique qui l’emmènera par ailleurs dans les collectivités françaises d’Océanie que sont la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

pad

Rédigé par PAD le Lundi 7 Septembre 2015 à 06:11 | Lu 657 fois