PARIS, 8 mars 2014 (AFP) - Toujours plus grand, toujours plus gros, sexuellement précoce mais de moins en moins fertile... L'Homo sapiens n'est pas littéralement en train de muter, mais notre espèce est confrontée à une évolution inédite en 200.000 ans d'existence, estime le biologiste Jean-François Bouvet.
"C'est la première fois dans son histoire que la modification de son environnement par l'Homme est le principal facteur de son évolution, qui prend le pas sur la sélection naturelle. Ce n'est pas une évolution au sens de Darwin, plutôt une rétro-évolution", résume M. Bouvet pour l'AFP.
Son dernier livre, "Mutants, à quoi ressemblerons-nous demain?" (Flammarion, en librairie le 12 mars), explore "la multiplicité des changements et des transformations, parfois radicales, qui affectent les humains dans différents domaines" depuis quelques décennies.
La taille moyenne des Français a ainsi augmenté de près de 5 cm en trente ans, alors que la proportion d'obèses a presque doublé en une quinzaine d'années, pour atteindre 15% de la population.
Une tendance qui n'épargne aucune région du monde, pas plus que la précocité de la puberté, "surtout chez les filles mais pas uniquement", indique-t-il. Une étude menée aux Etats-Unis montre qu'une petite fille blanche sur dix et qu'une petite fille noire sur quatre commence sa puberté à l'âge de sept ans!
Paradoxalement, cette précocité sexuelle s'accompagne d'une "fertilité en chute libre", constate M. Bouvet. A l'échelle de la planète, la concentration de la semence en spermatozoïdes a baissé en moyenne de 40% en un demi-siècle, et de 30% environ en 15 ans chez les Français. L'homme apparaît aussi de moins en moins "mâle", qu'il s'agisse de son taux de testostérone ou d'autres traits biologiques associés à la masculinité.
- Big Bang chimique -
Quelles sont les causes de transformations aussi fortes et rapides ? "Bien sûr, des facteurs génétiques entrent en jeu mais ils ne sont pas seuls en cause", répond l'auteur, qui égrène une liste de sinistre réputation: bisphénol A, phtalates ainsi que DDT, atrazine et autres pesticides, sans oublier les antibiotiques, de plus en plus fortement soupçonnés d'être un facteur d'obésité.
Un "Big Bang chimique" déchaîné par l'Homme lui-même et qui est en train de changer l'Homo sapiens en "Homo perturbatus", résume M. Bouvet.
Car ces polluants, souvent perturbateurs du système hormonal, peuvent avoir des durées de vie incroyablement longues: six siècles pour que la quantité de chlordécone, "ce pesticide qui empoisonne la Guadeloupe et la Martinique", se réduise de moitié; de 94 jours à 2.700 ans pour les PCB (pyralènes), souligne-t-il.
Autant de substances "aux effets démontrés, qui touchent la descendance sur plusieurs générations, créant un phénomène de long terme" dont on ne mesure pas encore tout l'impact.
Heureusement, la médecine du futur recèle aussi les remèdes à certains de ces maux: fabriquer des spermatozoïdes en laboratoire à partir de cellules souches a déjà été réalisé sur des souris et l'utérus artificiel se profile à l'horizon, "dans le demi-siècle à venir", prédit l'auteur.
"Même si on devenait totalement stériles, on pourrait quand même faire des enfants, y compris les femmes". Porteuses du seul chromosome X, elles ne pourraient toutefois que donner "naissance" à d'autres filles.
Les progrès médicaux offrent déjà à l'être humain la possibilité de vivre de plus en plus vieux, mais "l'espérance de vie en bonne santé, elle, stagne", avertit le scientifique.
Et il n'est pas sûr que la "médecine prédictive", qui utilise des marqueurs génétiques pour dépister le risque de développer certaines maladies - l'actrice Angelina Jolie exposée à un risque accrue de cancer du sein par exemple - suffise à renverser la tendance.
"On était déjà la seule espèce à savoir qu'on allait mourir, maintenant on va peut-être savoir de quoi, ce n'est pas forcément plus gai", lance Jean-François Bouvet.
ban/fa/bg
"C'est la première fois dans son histoire que la modification de son environnement par l'Homme est le principal facteur de son évolution, qui prend le pas sur la sélection naturelle. Ce n'est pas une évolution au sens de Darwin, plutôt une rétro-évolution", résume M. Bouvet pour l'AFP.
Son dernier livre, "Mutants, à quoi ressemblerons-nous demain?" (Flammarion, en librairie le 12 mars), explore "la multiplicité des changements et des transformations, parfois radicales, qui affectent les humains dans différents domaines" depuis quelques décennies.
La taille moyenne des Français a ainsi augmenté de près de 5 cm en trente ans, alors que la proportion d'obèses a presque doublé en une quinzaine d'années, pour atteindre 15% de la population.
Une tendance qui n'épargne aucune région du monde, pas plus que la précocité de la puberté, "surtout chez les filles mais pas uniquement", indique-t-il. Une étude menée aux Etats-Unis montre qu'une petite fille blanche sur dix et qu'une petite fille noire sur quatre commence sa puberté à l'âge de sept ans!
Paradoxalement, cette précocité sexuelle s'accompagne d'une "fertilité en chute libre", constate M. Bouvet. A l'échelle de la planète, la concentration de la semence en spermatozoïdes a baissé en moyenne de 40% en un demi-siècle, et de 30% environ en 15 ans chez les Français. L'homme apparaît aussi de moins en moins "mâle", qu'il s'agisse de son taux de testostérone ou d'autres traits biologiques associés à la masculinité.
- Big Bang chimique -
Quelles sont les causes de transformations aussi fortes et rapides ? "Bien sûr, des facteurs génétiques entrent en jeu mais ils ne sont pas seuls en cause", répond l'auteur, qui égrène une liste de sinistre réputation: bisphénol A, phtalates ainsi que DDT, atrazine et autres pesticides, sans oublier les antibiotiques, de plus en plus fortement soupçonnés d'être un facteur d'obésité.
Un "Big Bang chimique" déchaîné par l'Homme lui-même et qui est en train de changer l'Homo sapiens en "Homo perturbatus", résume M. Bouvet.
Car ces polluants, souvent perturbateurs du système hormonal, peuvent avoir des durées de vie incroyablement longues: six siècles pour que la quantité de chlordécone, "ce pesticide qui empoisonne la Guadeloupe et la Martinique", se réduise de moitié; de 94 jours à 2.700 ans pour les PCB (pyralènes), souligne-t-il.
Autant de substances "aux effets démontrés, qui touchent la descendance sur plusieurs générations, créant un phénomène de long terme" dont on ne mesure pas encore tout l'impact.
Heureusement, la médecine du futur recèle aussi les remèdes à certains de ces maux: fabriquer des spermatozoïdes en laboratoire à partir de cellules souches a déjà été réalisé sur des souris et l'utérus artificiel se profile à l'horizon, "dans le demi-siècle à venir", prédit l'auteur.
"Même si on devenait totalement stériles, on pourrait quand même faire des enfants, y compris les femmes". Porteuses du seul chromosome X, elles ne pourraient toutefois que donner "naissance" à d'autres filles.
Les progrès médicaux offrent déjà à l'être humain la possibilité de vivre de plus en plus vieux, mais "l'espérance de vie en bonne santé, elle, stagne", avertit le scientifique.
Et il n'est pas sûr que la "médecine prédictive", qui utilise des marqueurs génétiques pour dépister le risque de développer certaines maladies - l'actrice Angelina Jolie exposée à un risque accrue de cancer du sein par exemple - suffise à renverser la tendance.
"On était déjà la seule espèce à savoir qu'on allait mourir, maintenant on va peut-être savoir de quoi, ce n'est pas forcément plus gai", lance Jean-François Bouvet.
ban/fa/bg