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OPH : Brotherson défend Jambet


Le président Brotherson défend son poulain Yan Jambet nommé à la tête de l'OPH. crédit photo PHC et VUP
Le président Brotherson défend son poulain Yan Jambet nommé à la tête de l'OPH. crédit photo PHC et VUP
Tahiti, le 31 août 2023 - Mercredi, Tahiti Infos révélait que le directeur de l'OPH nouvellement nommé, Yan Jambet, a été condamné par le tribunal civil de première instance à rembourser six millions de francs à son ex-employeur, le promoteur Franck Zermati, dont il a imité la signature pour détourner ces fonds. Le président Brotherson, chantre de la probité, défend néanmoins son poulain dont le “casier judiciaire est vierge”. Sauf que seules les condamnations pénales figurent au casier judiciaire et qu'une procédure est en cours.
 
Mis en cause pour “abus de confiance”, "usage de faux en écriture” et pour “vol”, Yan Jambet a été condamné en septembre 2022 par le tribunal civil de première instance de Papeete à rembourser 6 millions de francs à son ancien employeur. En à peine un an, à plusieurs reprises entre 2019 et 2020, il a en effet imité la signature de son employeur de l'époque, le promoteur Franck Zermati, en vue d'ordonner des virements à son profit personnel : 4,5 millions de francs au préjudice de la SAS Puna Ora et 1,7 million au préjudice de la SARL Sky Nui. Et comme si cela ne suffisait pas, il a même utilisé la carte de la société Imagine l'Agence pour s'acheter un téléphone personnel d'une valeur de 117 130 francs.

Des faits que l'intéressé a lui-même reconnus par écrit. Ce qui a grandement facilité la décision du tribunal civil de première instance le condamnant à rembourser ce préjudice de plus de 6 millions de francs. Il n’a pas fait appel. Ce faisant, Yan Jambet évitait un procès au pénal et l'affaire aurait pu en rester là. Sauf que ne s'étant pas acquitté des sommes dues, le nouveau directeur de l’OPH fait aujourd'hui l'objet d'une procédure pénale.  

Mais il faut croire que cela n'est pas suffisant pour le président du Pays qui a soutenu sa candidature à la tête d’un établissement public qui brasse des milliards. Et qui continue aujourd'hui de le défendre.

“Son casier judiciaire est vierge”

“Il faut être sérieux, quand on parle de ce genre de choses, avant de jeter en pâture un homme”, a d'abord répondu Moetai Brotherson ce jeudi matin au micro de Tahiti Infos avant de marteler : “Son casier judiciaire est vierge. S'il avait été condamné, surtout pour les motifs qui sont listés dans les medias, il ne serait pas vierge. C'est impossible techniquement, c'est impossible juridiquement !”
De sérieux, Tahiti Infos en fait preuve à l’appui des documents juridiques qu’il a en sa possession. Nul n'est censé ignorer la loi et comme chacun est censé le savoir, le casier judiciaire ne comporte que les condamnations pénales. Autrement dit, c'est possible “techniquement” et “juridiquement”.

Or, comme expliqué plus haut, Yan Jambet a été condamné au civil et cela ne figure donc pas dans son casier. Il n'en demeure pas moins qu'il a bel et bien reconnu “le détournement des sommes sollicitées” demandant même un “délai de deux ans pour réunir les sommes dues”. Là encore, cela n'est pas suffisant pour le président du Pays qui estime que Tahiti Infos se base sur “des éléments parcellaires” et ne “connaît pas toute l'histoire”.

“La procédure pénale est enclenchée”

“Quand tu as un conflit entre deux personnes, tu as plusieurs étapes judiciaires. Ça peut commencer par une condamnation en première instance, ça peut ensuite changer, et au final, tu peux obtenir gain de cause. Le fait est que le casier judiciaire de monsieur Jambet est vierge. Ce qui est important c'est ce qui se passe à la fin. Une fois qu'on a épuisé tous les moyens de recours”, a ainsi plaidé le président Brotherson laissant entendre que la procédure civile ne serait pas purgée de toutes les voies de recours. Faux.

Joint par Tahiti Infos, l'avocat de Franck Zermati, le bâtonnier Bourion nous a confirmé avoir “saisi le juge d'instruction avec une plainte en constitution de partie civile” et que “la procédure pénale est enclenchée” à l'encontre de Yan Jambet. Si l’affaire prend aujourd’hui cette tournure, c'est parce que le nouveau directeur de l'OPH avait assuré avec aplomb au procureur qu'il avait remboursé les sommes dues, “ce qui est faux”, nous a déclaré maître Bourion. Voilà pour le volet juridique.

Réactions gênées au Tavini

Sur le plan politique, force est de s’interroger sur la pertinence d’une telle nomination à la tête d’un établissement public par un président qui a fait de la probité son cheval de bataille. Du côté de la majorité Tavini, on semble d’ailleurs gêné aux entournures. Antony Géros, qui est aussi le vice-président du parti, a expliqué “ne pas connaître ce monsieur” et ne pas avoir été “consulté” sur sa nomination. Et d'ajouter : “On laisse le gouvernement libre de ses choix, comme ça il sera libre de ses responsabilités.” Dont acte.
La vice-présidente Éliane Tevahitua, la “maman” du gouvernement bleu a quant à elle botté en touche en répondant à la volée : “Ne m'amenez pas là où je n'ai pas envie que vous m'ameniez.” Il faut dire que les notions de probité et de transparence sont inscrites dans son ADN et dans le programme du Tavini.

Enfin la ministre Vannina Crolas, également secrétaire générale du parti bleu ciel a indiqué que le sujet avait été évoqué la veille en conseil des ministres avec le président : “Ce qu'il nous a dit c'est que le casier judiciaire de Yan Jambet est vierge. J'ai confiance en notre président du Pays et en notre président du parti et on saura prendre la bonne décision”, a-t-elle déclaré, précisant néanmoins qu'“on ne peut pas rester au Pays si on n'a pas la probité. C'est important”.

Lorsqu'il était député en 2019, et alors qu'il s'apprêtait à défendre sa proposition de loi à Paris visant à renforcer l'intégrité des mandats électifs, Moetai Brotherson avait déclaré : “Il n'y a pas de concession à faire sur la probité” des élus. Et pour le directeur d'un établissement public stratégique comme l'OPH ? La question reste posée. 
 
Stéphanie Delorme avec Vaite Urarii-Pambrun

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 31 Août 2023 à 17:47 | Lu 10053 fois