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Nucléaire : le "risque négligeable" supprimé de la loi Morin


La sénatrice Lana Tetuanui, mardi au Palais du Luxembourg lors des débats sur la loi égalité réelle outre-mer.
La sénatrice Lana Tetuanui, mardi au Palais du Luxembourg lors des débats sur la loi égalité réelle outre-mer.
PARIS, 14 février 2017 - Le Parlement a définitivement adopté, mardi à Paris, la loi Egalité réelle outre-mer, dans laquelle figure un amendement supprimant la notion de risque négligeable de la loi Morin pour la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Le Sénat a voté mardi à l’unanimité l’article 34 nonies de la loi Egalité réelle outre-mer, validant la suppression de la notion de risque négligeable de la loi Morin, le réexamen des dossiers de demande rejetés jusqu'à ce jour et la création d'une commission de suivi de ces nouvelles dispositions, au regard de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Le ministère des Outre-mer a transmis immédiatement après ce vote un communiqué saluant une loi "pour avancer vers une mémoire collective apaisée" qui "marque une étape historique dans la reconnaissance des victimes des essais nucléaires en Polynésie".

Jusqu'à présent, malgré la loi Morin de 2010 sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires réalisés entre 1960 et 1996, et malgré diverses modifications apportées en 2013, 98 % des dossiers de demande d'indemnisation ont été rejetés, notamment au motif que le risque d’un lien entre la maladie et les impacts des essais serait inférieur à 1%, "risque négligeable". Le texte adopté définitivement mardi supprime ce verrou.

> Lire aussi : Egalité réelle : quelles nouvelles dispositions pour le fenua ?

Lors de son intervention à la tribune du Palais du Luxembourg, la sénatrice Lana Tetuanui a souligné qu'il "convient de reconnaître une grande avancées pour toutes les victimes du nucléaire". Elle a surtout rappelé à l'assemblée les circonstances dans lesquelles le gouvernement avait consenti de recevoir l'amendement rédigé à sa demande et validé lors de la commission mixte paritaire du 6 février dernier et critiqué "la méthode du gouvernement, qui a négocié jusqu'au dernier moment dans les couloirs de l'Assemblée nationale, sur un sujet aussi sensible. Utilisant des arguties choquantes ! Alors que nous savons combien ces essais nucléaires ont eu des conséquences graves !"

L'amendement Tetuanui avait formulé dans l'article 34 nonies du projet de loi Egalité réelle outre-mer le retrait de la notion de risque négligeable de la loi Morin. Mais lors de sa présentation à l'Assemblée nationale, trois jours plus tard, le gouvernement a introduit par amendement la création d'une commission "composée pour moitié de parlementaires et pour moitié de personnalités qualifiées", qui devra proposer "dans un délai de 12 mois à partir de la promulgation de la loi, les mesures destinées à réserver l’indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires". Commission de suivi qui devra aussi formuler des recommandations à l’attention du gouvernement, selon la présentation qu'en avait faite à l'hémicycle la ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts le 9 février.

"Nouvelle façon d'indemniser les victimes"

"Sachez quand même que la rédaction de votre amendement m’interpelle, a déclaré mardi Lana Tetuanui à l’adresse d’Ericka Bareigts, se faisant l'écho des associations polynésiennes de défenses des victimes du nucléaire. "Pour vous dire que je resterai ferme et très vigilante quant à la mise en place de cette commission dans les délais prévus. Et que nous exigerons à ce que les parlementaires polynésiens y soient associés".

Au sujet de cette nouvelle commission, Ericka Bareigts a apporté quelques précisions, en réponse à la sénatrice communiste du Nord, Michèle Demessine. Celle-ci venait de se montrer dubitative quant à la fonction réelle de cette entité nouvelle, au regard "des autres structures existantes", telles que la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires ou encore le Civen (Commission d'indemnisation des victimes des essais nucléaires).

Ericka Bareigts a soutenu "qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur la mise en place de cette commission. D’abord parce que, comme nous avons supprimé le risque négligeable. On est bien d’accord que nous ouvrons, à ce moment-là, l’indemnisation sur les deux conditions qui existent aujourd’hui : le fait d’être malade ; et d’avoir été présent sur le territoire dans les périodes de temps reconnues (…). A partir de ce moment-là, on ouvre l’indemnisation. (…)", a rappelé la ministre des Outre-mer, en précisant que les trois amendements apportés à la loi Morin confirmaient dorénavant la suppression de la notion de risque négligeable, permettaient le réexamen des dossiers rejetés et introduisaient la création de cette fameuse commission. "Comme nous ouvrons une possibilité beaucoup plus large (…) la commission que nous voulons installer avec des personnalités qualifiés et des parlementaires, devra vérifier, fluidifier, éclairer le gouvernement sur ce qu’il se passe réellement ; et voir si les choses se passent bien, parce qu’on va là dans un nouveau fonctionnement, une nouvelle ouverture. Et nous devons nous assurer que les objectifs fixés sont des objectifs atteints. Parce que sinon nous allons de nouveau recréer des frustrations et des incompréhensions. Donc c’est bien cette idée-là. Et c’est pour ça que la commission formule des recommandations à l’attention du gouvernement. C’est pour cela aussi que l’on a décidé de cette composition, avec des parlementaires et des « techniciens ». (…) Nous ouvrons une nouvelle façon d’aborder l’indemnisation des victimes".

Après la séance, Lana Tetuanui s'est dite "rassurée". Selon elle, "le résultat est là" : "Je suis contente du consensus, du vote à l'unanimité, d'ailleurs j'ai remercié la ministre. Et les Polynésiens forment un peuple accueillant et hospitalier : nous la recevrons avec bienveillance quand elle sera chez nous". (Ericka Bareigts est attendue vendredi 17 février à Tahiti : ndlr).

Invité du Sénat à Paris à l'occasion de son passage dans la capitale, le président de l'Assemblée de Polynésie, Marcel Tuihani a également réagi au vote de mardi soir. "Il est important de saluer la décision qui a été prise de supprimer la notion de risque négligeable de la Loi Morin. Ceci étant, le gouvernement a introduit cette commission de suivi chargé de s'assurer que les maladies ont bien été causées par les essais donc la causalité demeure dans l'esprit de l'amendement", a-t-il déploré.
Une position finalement partagée par tous les élus ayant participé à ce vote qui s'est conclu sur un consensus, dans l'attente de la promulgation de la loi par le président de la République François Hollande.


Rédigé par JPV avec Julien Sartre le Mardi 14 Février 2017 à 09:52 | Lu 2124 fois