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Nucléaire - Une marche pour la vérité et la justice


Tahiti, le 2 juillet 2024 – Ce mardi, à Papeete, l'Église protestante mā'ohi et l'association Moruroa e tatou se sont unis à l'occasion d'une marche et d'un rassemblement afin de commémorer le premier tir nucléaire Aldébaran du 2 juillet 1966. Un devoir de mémoire également pris à cœur par l'association 193 qui a, quant à elle, préféré organiser un sit-in devant le haut-commissariat.
 
Douleur, regret, colère. La date du 2 juillet réveille chaque année de vives émotions pour une bonne partie de la population locale. Pour rappel, en 1966, à cette même date, le premier tir nucléaire atmosphérique a été effectué depuis l'atoll de Moruroa. Un tir aux conséquences dramatiques sur l’archipel des Tuamotu ainsi que celui des Gambier, où des retombées radioactives ont été signalées. Une vérité qui n'a pas empêché l'État français de lancer une vaste campagne d'essais nucléaires qui ne prendra fin définitivement qu'en 1996. Une période sombre qui ne doit pas être oubliée selon l'association 193 : “Oublier, c'est cautionner”, affirme cette dernière à l'occasion de son sit-in devant le haut-commissariat, ce mardi. “Ce qui s'est passé, c'est terrible. L'État français doit assumer, encore aujourd'hui.”
 
Présent également parmi les manifestants, Teva, 52 ans, témoigne : “J'avais un tonton, à l'époque, qui était soudeur à Moruroa lors des essais. Quelques années après, il est mort de manière étrange. D'abord il a eu des démangeaisons, qui au fil du temps se sont aggravées, au point où un jour il s'est mis à courir de douleur tout en se grattant. Il a fini par faire une crise cardiaque, alors qu'il était nu dans la rue. Cette chose, cette maladie, ça l'a rongé de l'intérieur. Les experts de l'époque ont refusé d'associer cela aux essais nucléaires, mais nous, la famille, on sait.”
 
Les jeunes, la relève du combat
 
Selon Philippe Neuffer, avocat des victimes des essais nucléaires, la justice demeure partielle. Car si elle reconnaît depuis 2010 le statut de victimes des essais nucléaires, la loi Morin limite son champ d’action : “Cette loi freine les indemnisations à bien des égards”, assure l'avocat qui donne notamment l'exemple des ayants droit des personnes décédées avant 2018 qui ne pourront plus demander d'indemnisation dans le cadre de la loi Morin à compter du 31 décembre 2024.
 
Du côté de la marche menée par l'Église protestante mā'ohi (EPM) et l'association Moruroa e tatou, les banderoles et les jeunes qui les tiennent réclament vérité et justice. “Nous, on connaît la vérité, maintenant, ce que l'on attend, c'est que l'État reconnaisse cette vérité. Du point de vue de la justice, idem, elle n'a pas encore été rendue”, affirme François Pihaatae, président de l'EPM. “C'est une joie pour nous aujourd'hui de voir tout ce monde car cela veut dire qu'ils se sentent concernés et c'est une bonne chose. En plus, là, il s'agit vraiment de la jeunesse et c'est ce qu'il faut. Il faut déléguer ce devoir aux jeunes car il n'y a que les jeunes pour parler et inciter les autres jeunes. Ce sont eux la relève ; nous, nous sommes au crépuscule de notre combat, c'est le moment de passer le flambeau.” Et force a été de constater que la relève est assurée, compte tenu des centaines de jeunes présents à la marche de commémoration du premier essai nucléaire.


le Mardi 2 Juillet 2024 à 15:52 | Lu 1634 fois