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Nouvelle étape vers l'extraction minière sous-marine de plus en plus décriée


Handout / Ministry of Foreign Affairs of Japan / AFP
Handout / Ministry of Foreign Affairs of Japan / AFP
Nations unies, Etats-Unis | AFP | vendredi 06/07/2023 - Une nouvelle étape devant être franchie dimanche rendra plus probable une première demande de contrat d'extraction minière sous-marine, une plongée vers l'inconnu au moment où les appels à un moratoire sur cette industrie sans garde-fou gagnent du terrain.

Dans ces conditions, "je pense qu'il y a une vraie possibilité de voir une demande déposée cette année", estime Emma Wilson, du groupement d'ONG Deep Sea Conservation Coalition. 

"Alors il est crucial que les Etats soient courageux et prennent les mesures nécessaires pour protéger notre océan", lance-t-elle à l'AFP, estimant que l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) "entre dans la période de décision la plus critique de son histoire".

En vertu de la Convention de l'ONU sur le droit de la mer, l'AIFM est chargée à la fois de protéger le plancher océanique des zones hors des juridictions nationales sous son contrôle, et d'y organiser les activités liées aux minerais convoités.

Cet organisme basé en Jamaïque -- et qui pour l'instant n'octroie que des permis d'exploration -- négocie depuis dix ans un code minier pour fixer les règles d'une éventuelle exploitation du nickel, cobalt ou cuivre dans ces grands fonds marins classés "patrimoine commun de l'humanité".

Mais à l'été 2021, Nauru, petit Etat insulaire du Pacifique, a jeté un pavé dans la mare en déclenchant une clause permettant de réclamer l'adoption de ce code minier sous deux ans. 

A l'expiration de cette clause dimanche, si Nauru sollicitait un contrat d'exploitation pour Nori (Nauru Ocean Resources), filiale du canadien The Metals Company qu'il sponsorise, l'AIFM devrait la prendre en compte -- ce qui ne veut pas forcément dire l'approuver.

Les autorités de Nauru ont assuré qu'elles ne donneraient pas suite immédiatement, mais n'importe quel autre Etat sponsorisant une autre entreprise pourrait profiter de l'occasion, selon les experts.

"Je ne suis pas trop inquiet, je pense que ce serait une erreur de soumettre une demande de sitôt, parce que les Etats continuent de négocier" le code minier, encore loin d'être prêt, indique à l'AFP Pradeep Singh, expert en droit de la mer au Research Institute for Sustainability de Potsdam, en Allemagne.

Et "les signes sont très clairs, certains Etats sont très réticents à autoriser l'exploitation minière en l'absence de règles", poursuit-il, craignant malgré tout que l'AIFM fasse l'"erreur" d'approuver un contrat.

"Question de crédibilité"

En mars, les 36 Etats membres du Conseil de l'AIFM, instance décisionnaire en matière de contrats, ont certes noté que l'exploitation commerciale "ne devrait pas avoir lieu" tant que le code minier n'est pas en place. 

Mais ils n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur le processus d'examen d'une éventuelle demande ni sur l'interprétation précise de la clause déclenchée par Nauru.

Les ONG, qui craignent que ce flou juridique ne soit une porte ouverte à un possible feu vert, espèrent que le Conseil, réuni du 10 au 21 juillet, prendra une décision bien plus claire.

En parallèle, quatre pays pionniers (Chili, France, Palau, Vanuatu) ont choisi de porter le débat sur le plan politique.

A leur demande, et pour la première fois, l'Assemblée des 167 Etats membres de l'Autorité, réunie du 24 au 28 juillet, discutera d'une "pause de précaution" de l'exploitation minière.

"L'enjeu est de poser le sujet sur la table, d'avoir un débat qui n'a jamais eu lieu", indique à l'AFP le secrétaire d'Etat français à la Mer Hervé Berville, espérant que cela fera "cheminer d'autres pays".

Aujourd'hui la coalition soutenant ce moratoire, même si elle grappille du terrain, compte un peu moins de 20 Etats.

"L'objectif est qu'en 2024, ça paraisse évident à une majorité de pays qu'une pause de précaution sur l'exploitation des fonds marins est ce qu'il faut faire pour être à la hauteur de l'enjeu climatique et de biodiversité", explique Hervé Berville.

Une "question de crédibilité", insiste-t-il, alors que le monde vient d'adopter le premier traité pour protéger la haute mer et s'est fixé l'objectif de préserver 30% des terres et des océans d'ici 2030.

"Nous avons l'opportunité d'anticiper cette nouvelle industrie extractive et de l'arrêter avant qu'elle ne puisse causer des dommages à notre planète", renchérit Louisa Casson, de Greenpeace.

ONG et scientifiques pointent du doigt la destruction directe d'habitats et d'espèces peut-être encore inconnus mais potentiellement capitaux pour les écosystèmes, le risque de perturber la capacité de l'océan à absorber le carbone émis par les activités humaines, ou le bruit brouillant les communications d'espèces comme les baleines.

le Vendredi 7 Juillet 2023 à 06:58 | Lu 738 fois