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Nouvelle-Calédonie : une réforme sensible arrive au Sénat, les indépendantistes demandent son retrait


DANIEL LEAL / AFP
DANIEL LEAL / AFP
Paris, France | AFP | mardi 26/03/2024 - L'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie entre dans une nouvelle phase avec l'examen mardi, au Sénat, d'une réforme constitutionnelle pour élargir le corps électoral des scrutins locaux de l'archipel, un "passage en force" selon la gauche et les indépendantistes qui réclament son retrait.

A 17.000 kilomètres de Nouméa, les sénateurs ont un dossier ultra-sensible entre les mains : ils doivent tenter de remédier aux carences démocratiques qui entourent les élections provinciales calédoniennes, tout en maintenant l'espoir d'une solution négociée localement entre les camps loyaliste et indépendantiste.

Mais le contexte local heurte de plein fouet cet examen. Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) "exige le retrait définitif du projet", a indiqué mardi lors d'une conférence de presse Dominique Fochi, le secrétaire général de l'Union calédonienne (UC), un des principaux partis composant le FLNKS. Le FLNKS, réuni en congrès, a adopté samedi une motion en ce sens.

Il demande aussi la mise en place d'une médiation "conduite par une personnalité de haut niveau afin de garantir l'impartialité de l'État et favoriser la reprise des discussions" entre l'Etat et les indépendantistes, au point mort depuis la fin de l'année dernière.

Soumise au Sénat, la réforme constitutionnelle du gouvernement vise à dégeler le corps électoral des élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie, où les provinces détiennent une grande partie des compétences.

Actuellement réservées aux natifs et aux résidents arrivés avant 1998 (accord de Nouméa) et à leurs descendants, ces élections seraient alors ouvertes aux personnes ayant au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie.

"Couteau sous la gorge" 

En effet, le gel du corps électoral depuis plus de 25 ans a pour conséquence d'évincer de ces élections près d'un électeur sur cinq, ce qui ferait peser un risque d'inconstitutionnalité sur le prochain scrutin, prévu d'ici au 15 décembre.

Cette situation n'est "conforme ni aux principes essentiels de la démocratie, ni aux valeurs de la République", martèle régulièrement le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui a multiplié les déplacements sur place.

Le gouvernement continue néanmoins de privilégier un compromis local, qui viendrait suspendre cette révision constitutionnelle s'il était trouvé avant le 1er juillet.

"C'est un passage en force. On nous demande de discuter avec un couteau sous la gorge", s'indigne auprès de l'AFP Robert Xowie, premier sénateur indépendantiste calédonien élu à la chambre haute.

"Il n'y a aucune urgence à imposer un calendrier, mettre les acteurs sous pression pour un accord à marche forcée", regrette la socialiste Corinne Narassiguin.

La gauche, opposée à la réforme, risque néanmoins d'être minoritaire dans un Sénat dominé par une alliance de la droite et du centre. Mais une majorité assez nette semble en passe de se dégager pour remodeler le texte du gouvernement. Avec un mot d'ordre : priorité au dialogue.

Impartialité 

"Nous voulons détendre un petit peu un processus dans lequel on a mis un peu de stress", pour "donner toutes ses chances à la conclusion d'un accord" local, assure le rapporteur Philippe Bas (Les Républicains).

Ce dernier s'oppose à "l'ultimatum" gouvernemental fixé au 1er juillet : un amendement permet ainsi de suspendre cette réforme constitutionnelle si un accord survient jusqu'à 10 jours avant les prochaines élections provinciales.

Un autre amendement prévoit de limiter ce dégel du corps électoral au seul prochain scrutin, pour permettre aux négociations de se poursuivre après les provinciales.

Face à la défiance des indépendantistes vis-à-vis du gouvernement, des sénateurs de plusieurs groupes politiques insistaient ces derniers jours sur l'importance d'adresser un message "d'impartialité".

"Une initiative politique est nécessaire pour favoriser la conclusion d'un accord", insiste le centriste Philippe Bonnecarrère, faisant écho aux demandes de médiation des mouvements indépendantistes. "Cette initiative doit venir du Parlement", ajoute-t-il auprès de l'AFP.

A l'inverse, une quarantaine de sénateurs défendent une proposition du sénateur non-indépendantiste Georges Naturel, pour élargir encore le corps électoral en réduisant le délai de résidence à cinq ans pour les personnes mariées à un électeur de la liste électorale provinciale.

Un vote solennel est prévu le 2 avril au Sénat sur ce texte, qui devra ensuite être adopté à l'identique à l'Assemblée avant d'être soumis à tous les parlementaires réunis en Congrès, où une majorité des trois cinquièmes sera nécessaire.

le Mardi 26 Mars 2024 à 06:49 | Lu 1069 fois