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Nouvelle-Calédonie: les chefs kanak proclament la souveraineté sur leurs terres coutumières


Crédit SEBASTIEN BOZON / AFP
Crédit SEBASTIEN BOZON / AFP
Maré, France | AFP | mercredi 25/09/2024 - Une nouvelle ère ou un acte symbolique? Les chefferies kanak ont proclamé unilatéralement cette semaine leur souveraineté sur leurs terres coutumières, suscitant l'inquiétude chez certains non-indépendantistes en pleine crise sociale et institutionnelle dans l'archipel.

"Inaat ne Kanaky", le Conseil des grands chefs de Nouvelle-Calédonie, tenait de lundi à mercredi son assemblée dans le district de La Roche, sur l'île de Maré, pour la cérémonie la plus importante de l'histoire de cette jeune institution coutumière née en septembre 2022.

Pendant trois jours, près de 200 personnes, dont 17 grands chefs ainsi que de nombreux dignitaires kanak et quelques représentants des peuples fidjiens, maoris et vanuatuais, se sont retrouvés à l'occasion d'une Assemblée du peuple kanak dont le point d'orgue était cette proclamation de souveraineté par 28 chefferies. 

La date choisie était tout sauf un hasard: le 24 septembre, "fête de la citoyenneté" qui par ailleurs suscitait des inquiétudes sécuritaires chez les autorités, est le jour de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France en 1853.

L'objectif de cette proclamation -qui n'emporte pas l'unanimité des autorités kanak- est d'obtenir des moyens spécifiques pour mettre en œuvre des politiques publiques sur les terres relevant du domaine foncier kanak.

Mais les non-indépendantistes redoutaient "une déclaration d'indépendance et l'expulsion des non Kanak", a expliqué à l'AFP un membre d'une des grandes chefferies qui a échangé avec une figure politique loyaliste.

Le président du Conseil, Hippolyte Htamumu Sinewami, s'est voulu rassurant auprès de l'AFP: "Il n'est pas question de parler d'exclusion. Le destin commun, nous l'avons déjà fait. Nous avons des enfants et des petits-enfants de plusieurs cultures".

"C'est un nouveau départ pour les pays kanak", a estimé pour sa part Albert Wahoulo, ancien maire de la commune de Bélep, parlant au nom de sa chefferie. Un nouveau départ qui nécessite une réorganisation des chefferies, "frappées" par la colonisation, comme l'indique la Déclaration de souveraineté.

- "Des miettes" -

Cette initiative répond aussi aux difficultés rencontrées par le Sénat coutumier. L'institution, créée par l'Accord de Nouméa en 1998, est censée représenter les autorités coutumières mais le Conseil des grands chefs a souvent pointé le fait qu'il fonctionne comme "un service du gouvernement" au service des partis politiques locaux.

Se pose néanmoins la question des moyens pour assurer l'autonomie des chefferies et permettre le financement de projets destinés à "contribuer à la relance économique et à trouver des solutions pour la jeunesse kanak marginalisée", précise un grand chef, Cyprien Poaero Kawa.

"C'est un message fort adressé à l'État", insiste le président Hippolyte Htamumu Sinewami, qui avait déjà adressé une demande d'accompagnement financier "au titre de la dette coloniale" en 2023. Une demande restée sans suite.

En cas de refus, le Conseil, qui voit désormais les chefferies comme autant d'États, met en avant leur capacité à développer des relations propres avec les pays de la région.

Il est également question de gérer les ressources de chaque terre coutumière, au-delà des réglementations locales et nationales. Avec en creux l'importance du nickel, une des principales richesses de l'archipel. 

"On exploite le patrimoine mais les tribus à qui cela appartenait n'ont rien pour vivre, ou des miettes. On a déplacé des clans pour les installer sur des terres incultivables", déplore Hippolyte Sinewami, prônant un développement économique au service des populations.

Deux grands rendez-vous suivront cette proclamation: du 7 au 14 octobre, une délégation du Conseil et du Sénat coutumier se rendra au siège de l'ONU, à New York, pour être auditionnée. 

Puis début novembre, se tiendra dans l'aire Xârâcùù (sud de Grande Terre) une réunion pour poursuivre les réflexions sur "le modèle de gouvernance coutumière" et tenter de recueillir l'adhésion des chefferies n'ayant pas encore répondu.

le Mercredi 25 Septembre 2024 à 06:13 | Lu 685 fois