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Nouvelle-Calédonie: l'Assemblée nationale adopte à son tour la révision constitutionnelle


Crédit Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP
Crédit Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP
Paris, France | AFP | mardi 14/05/2024 - Après le Sénat, l'Assemblée nationale a adopté à son tour dans la nuit de mardi à mercredi la révision constitutionnelle réformant le corps électoral du scrutin provincial de Nouvelle-Calédonie, mais la convocation d'un Congrès est en suspens, sur fond de fortes violences dans l'archipel.

Le projet du loi du gouvernement a été adopté par 351 voix contre 153, les députés de gauche s'opposant à son adoption. Le RN et Les Républicains ont largement voté pour, comme l'écrasante majorité du camp présidentiel, à l'exception d'une poignée de députés MoDem.

Les débats ont avancé lentement mardi, avec peu d'esclandres, malgré des pics de tension entre Gérald Darmanin et La France insoumise, le ministre de l'Intérieur accusant ces députés "d'obstruction" parlementaire, avec des amendements changeant parfois un seul mot ou une expression.

Les Insoumis ont rejeté la critique, assumant des amendements "rédactionnels" pour bénéficier de temps de parole sur la réforme, et en retirant certains, tout en reprochant à l'exécutif "d'allumer une mèche".

"Vous assumerez les conséquences de vos actes", a lancé Mathilde Panot, présidente du groupe.

"Ce texte est une étape (...) ne donnez pas le sentiment (qu'un) accord global est impossible", a rétorqué Philippe Dunoyer (Renaissance), en référence à l'accord entre loyalistes et indépendantistes que l'exécutif espère voir se concrétiser.

Emmanuel Macron a proposé d'inviter à Paris l'ensemble des parties néo-calédoniennes pour une rencontre avec le gouvernement visant à relancer le dialogue. 

Il a également promis qu'il ne convoquerait pas "dans la foulée" d'une éventuelle adoption du texte le Congrès du Parlement nécessaire pour modifier la Constitution, afin de laisser une dernière chance aux discussions entre les parties locales. 

Elargissement du corps électoral 

Ce projet de loi élargit le corps électoral propre au scrutin provincial de Nouvelle-Calédonie.

Celui-ci se limite essentiellement aux électeurs inscrits sur les listes pour une précédente consultation en 1998 et à leurs descendants, excluant de facto les résidents arrivés après 1998 et de nombreux natifs.

Environ 25.000 électeurs pourraient intégrer la liste électorale avec le texte selon l'Institut statistique de Nouvelle-Calédonie. 

"Il n'est plus acceptable qu'aujourd'hui la proportion des électeurs exclus du droit de vote aux élections provinciales et du Congrès s'élève à pratiquement 20 %", a estimé le député LR Philippe Gosselin.

Au Sénat, un mécanisme a été ajouté pour permettre la suspension de cette réforme constitutionnelle si un accord local survient jusqu'à 10 jours avant les prochaines élections, qui permettrait alors de se passer de la révision constitutionnelle.

Mais des députés de gauche et des indépendants de Liot reprochent au gouvernement une "mauvaise méthode" en faisant adopter le texte, qui donnerait selon eux, même sans être entériné au Congrès, plus de poids aux loyalistes face aux indépendantistes.

Fortes violences 

Car l'élargissement est vivement contesté par ces derniers, qui accusent l'Etat de vouloir passer en force pour "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak", qui représentait 41,2% de la population de l'archipel au recensement de 2019, selon l'Insee.

De très fortes violences ont émaillé la nuit de lundi à mardi en Nouvelle-Calédonie. 

Magasins pillés, maisons incendiées, tirs sur les gendarmes: le territoire français du Pacifique Sud a connu ses plus graves violences depuis les années 1980.

Plus de 130 interpellations ont été effectuées selon le Haut commissariat de la République.

Le camp présidentiel, la droite et le Rassemblement national ont toutefois plaidé mardi pour aller au vote sur la réforme constitutionnelle, quitte à passer ensuite par la création d'une nouvelle "mission de dialogue", souhaitée aussi à gauche, mais "sous l'égide de l'Onu" a appelé Sabrina Sebaihi (écologiste).

"L'apaisement ne peut passer que par un retrait du projet de loi constitutionnelle", a lancé mardi le président du groupe communiste André Chassaigne à Gabriel Attal. "Suspendez l'examen de cette réforme", a demandé Arthur Delaporte (PS).

"Le dégel du corps électoral est un enjeu démocratique majeur, incontournable", a répondu le Premier ministre, alors que certains de ses prédécesseurs ont pressé Matignon de reprendre en main le dossier calédonien, dont il est historiquement chargé. 

Appelant à "trouver un accord politique le plus large possible", Gabriel Attal a également enjoint "les responsables politiques calédoniens à saisir (la) main tendue" par l'exécutif.

le Mardi 14 Mai 2024 à 13:16 | Lu 1836 fois