Tahiti Infos

Nouveau centre d’hébergement pour Pu o te Hau


Chantal Galenon, présidente du conseil des femmes de Polynésie.
Chantal Galenon, présidente du conseil des femmes de Polynésie.
Tahiti le 4 janvier 2023 - Le nouveau centre d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences conjugales devrait être prêt d’ici mars 2023. Ces travaux s’inscrivent dans un projet plus large d’éducation et d’insertion professionnel, initié par le foyer Pu o te Hau. Deux autres bâtiments dédier aux femmes isolées, pourraient sortir de terre avant 2025.

Le centre d’hébergement d’urgence Pu o te Hau Tuianu, qui peut accueillir une quarantaine de résidents, est sur la bonne voie pour terminer ses travaux d’agrandissement. L’organisme, qui accueille des familles victimes de violences conjugales, espère finaliser la création de l’ensemble de son Centre de la femme avant 2025. Le projet de travaux prévoit de créer trois nouvelles infrastructures sur une surface de 2 000 m² jouxtant le site. La première, un nouveau bâtiment d’hébergements d’urgence (Fare Vahine), sera terminée en mars. Suivront dix studios loués à des seniors ou à des femmes actives (Fare Metua) et une salle d’exposition, de conférence (Fare Potee). Le coût total des travaux s’élève à 207 millions de Fcfp.

Le Conseil des femmes de la Polynésie française gère toutes les démarches du centre Pu o te hau. “On fonctionne un peu à flux tendu. C’est la DFSE (direction des solidarités, de la famille et de l’égalité) qui recense et nous met en contact avec les familles. Malheureusement, ils sont obligés de trier les dossiers en fonction de la situation d’urgence familiale. Avec la création du Fare Vahine, on pourra prendre en charge 20 personnes supplémentaires”, explique Chantal Galenon, présidente du conseil des femmes.

L’échange et la réinsertion professionnelle font parties du quotidien des résidentes. “On est en grande famille, on se retrouve là, il y a toutes les barrières qui tombent. Il y a un énorme travail qui s’effectue en amont avant d’arriver à mettre en place ce genre d’initiative. Tant que j’ai de la force, je continuerai à apporter mon aide aux femmes polynésiennes”, explique Chantal Galenon, engagée aux côtés du conseil des femmes depuis 30 ans, dont elle est devenue présidente en 2015.

Encore 60 millions à trouver

Le projet d’agrandissement est lancé en 2018, lors de la venue de la ministre des Outre-mer. En 2019, la question du financement est au cœur des réflexions du centre Pu o te hau. Un an plus tard, le Pays annonce financer à 30% le projet. L’État participe aussi à hauteur de 700 000 euros, soit à peu près 83 millions de Fcfp. Le centre coopère aussi avec le haut-commissariat, et la ministre des Solidarités, Virginie Bruant.

Le 8 mars 2021, à l’occasion de la journée de la femme, la première pierre est posée. Malgré quelques retards pris à cause de la pandémie et de la pénurie de matériaux, le Fare Vahine est déjà en partie sorti de terre. Le Fare Metua, qui prévoit de louer des appartements à des seniors et à des femmes autonomes, permettra aussi de faire rentrer quelques fonds. Les prix des habitations seront fixés à des tarifs avantageux.

“Il nous reste 60 millions à trouver pour finaliser les travaux. On a déjà quelques ressources propres, comme un terrain à Arue qu’on a vendu pour 40 millions de Fcfp, avant l’élaboration des travaux. J’ai décidé de prendre mon bâton de pèlerin et de partir à la recherche de dons. Grâce à cette démarche, j’ai réussi à récolter un peu plus de trois millions de Fcfp. Si on veut que le nouveau centre prenne vie, on ne peut pas se contenter des aides locales, si c’est pour faire un truc de village, ce n'est pas la peine”, développe Chantal Galenon.

Dans le cadre de la réalisation de projets, le conseil des femmes travaille avec le ministère de la Condition féminine et des solidarités. Des campagnes de sensibilisation sur les violences domestiques ont été coordonnées. En 2018, une convention de partenariat a également été signée avec la fondation des femmes de France. “Quand je suis partie en France, retrouver cet organisme, c’était à mon compte. C’est un gros boulot, il faut travailler avec les femmes du monde entier. Aux États-Unis, j’ai même eu de la chance de rencontrer les agents de Madame Bezos et de Madame Gates”, explique Chantal Galenon. “Je mets toute mon énergie pour proposer un lieu d’éducation et de réinsertion professionnelle aux femmes qui sont dans le besoin”, ajoute la directrice du conseil des femmes.
 

“L’objectif c’est de réduire le nombre de résidentes”

Le futur Fare Vahine.
Le futur Fare Vahine.
Le troisième bâtiment prévoit d’être un lieu d’expression pour toutes les associations féministes, “qu'elles soient locales ou internationales”, précise Chantal Galenon. Le “lieu d’échanges”, sera un moyen de sensibiliser les femmes résidant au centre. Le Fare Potee sera un lieu ouvert au public, contrairement aux deux autres bâtiments, qui seront protégés et surveillés. Au cœur du Centre de la femme, un “parc intergénérationnel” réunira les jeunes femmes résident au Fare Vahine et les seniors du Fare Metua. “Cela permettra à ces femmes d’échanger du savoir, et de se retrouver”, espère la présidente.

“Le gros problème avec les nouvelles résidentes, c’est qu’elles arrivent souvent sans emploi, sans aucune formation”, observe Chantal Galenon. Le foyer d’accueil Pu o te Hau bénéficie d'ores et déjà  du soutien du Grepfoc, de l’université de Polynésie française et depuis maintenant deux ans, du service militaire adapté (SMA). “Ça fonctionne, j’ai des jeunes femmes qui sont là et qui ont envie de partir d’ici. On leur donne des clés de réinsertion professionnelle pour qu’elles puissent s’autonomiser. Récemment, j’ai deux jeunes femmes qui sont parties travailler en métropole, car elles voulaient s’écarter du fenua”, se félicite Chantal Galenon.

“Le président m’a demandé de créer encore plus de chambres, je lui ai répondu que ce n’était pas l’objectif. Ce qui va se passer si on augmente notre capacité d’accueil, c’est que tout le monde va se dire ‘bon bah les femmes vont être hébergées donc pourquoi on ferait des efforts’, explique la présidente. D’après elle, la solution aux problèmes de violence se trouve dans l’éducation.

“Les familles polynésiennes considèrent bien trop leurs petits garçons comme des ‘enfants roi’. On apprend aux femmes à faire la cuisine, le ménage, et on laisse les hommes faire ce qu’ils veulent. L’un des gros problèmes, c’est la reproduction sociale. Si les garçons se comportent comme des machos, c’est qu’ils reproduisent le modèle de leurs parents”, note Chantal Galenon. Elle organise des groupes de paroles pour apprendre les bonnes manières aux enfants des résidentes. “Ça ne parait rien, mais apprendre à dire merci, s'il-te-plaît, c’est la base de tout. L’éducation est importante, une maman aujourd’hui, je veux lui faire comprendre que quand elle a un garçon et une fille, c’est la même éducation qu’elle doit donner aux deux. Pour réduire le problème des violences conjugales, on doit prendre le problème à la racine“, cible Chantal Galenon.

Témoignage d'une résidente

Témoignage d’une résidente qui vie ici depuis un mois au centre Pu o te hau avec ses deux enfants

“Nous pourrons rebondir et continuer”

Comment vous sentez-vous ici ? Comment êtes-vous reçue ?
“J'ai eu beaucoup d'appréhension et j'ai eu un temps d'acceptation de ma personne, d'abandonner mes enfants dans ce centre, parce que souvent, quand on entend "centre", "refuge", "foyer", tout de suite, on a un préjugé. On a nos vies à préserver et on a envie d'emmener nos enfants loin dans la vie. Donc, tout de suite, ça nous ramène à faire partie d'un certain groupe. Et avec tout ce que nous avons vécu les trois dernières années, il y a eu un moment d'acceptation et il fallait que je mette mes enfants en sécurité. Si j'avais entendu parler de cet endroit plus tôt, si j'avais su réagir, si j'avais mis cette peur, ce jugement que j'avais, de côté, j'aurais évité des situations inconfortables à moi et à mes enfants. On serait venu se réfugier, je les aurais mis en sécurité plus tôt. Le Pu o te hau n'est pas un endroit où nous pourrons nous épanouir, mais c'est un endroit où nous sommes en sécurité. Pas à long terme, mais où nous pourrons rebondir et continuer.”
 
Se reconstruire... ?
“Je n'aime pas forcément ce mot “se reconstruire”. Quand on vit beaucoup d'émotions en même temps, les mots ont un impact dû au choc post-traumatique que toutes les femmes ici présentes ont. Le choc post-traumatique, c'est la maladie que nous avons et qui va nous suivre jusqu'à la fin de nos vies. La dignité, retrouver un sens grâce à nos enfants, c'est beau.”
 
Vous avez plusieurs enfants ?
“J'ai deux enfants, un garçon et une fille. Ce n'est pas toujours évident, mais j'ai confiance. En moi, et je suis contente d'être accompagnée, tout autour de moi, de professionnels, de ne pas être isolée avec les enfants comme je l'ai été ces deux dernières années. C'est vrai que je suis allée très vite dans le process, mais bien accompagnée de professionnels, j'aurais eu moins de jugements, j'aurais été moins stressée, j'aurais pu me détacher de situations inconfortables plus vite. Et croire en la justice, des fois, c'est difficile d'équilibrer, de faire 50/50. C'est un long travail.
Il n'y a pas que des personnes qui viennent des îles, ou de Tahiti. Il y a des touristes, il y a des personnes qui viennent de France. Il y a de toutes les catégories sociales. Il y a des personnes qui ont déjà vécu il y a quelques années dans un foyer pour enfants, donc ils ont continué dans ce système social. Les situations sont différentes. Donc ce n'est pas évident. Il y a beaucoup de travail à faire, de confiance en soi.”
 

La Nuit des relais se déroulera pour la première fois en Polynésie

La Nuit des relais, annuellement organisée au Grand Palais à Paris, se tiendra pour la première fois en Polynésie le 29 juillet 2023. Initié par la Fondation des femmes, la course est organisée sous forme de soirée solidaire dont l’objectif est de collecter des fonds pour soutenir les femmes victimes de violences et sensibiliser au sujet. Cette délocalisation découle d’un rapprochement entre le conseil des femmes de Polynésie et l’organisme métropolitain.

“La fondation des femmes rassemble un peu plus de 60 000 personnes, nous, si on est déjà 5 000, c’est bingo”, s’amuse Chantal Galenon, présidente du conseil des femmes. “Ça se passera dans la commune de Papeete grâce à un partenariat. On va travailler en partenariat avec tous les commerces locaux, comme les magasins de sport”, explique-t-elle.

Rédigé par Guillaume Marchal le Jeudi 5 Janvier 2023 à 09:40 | Lu 1476 fois